Suite et fin de "Une lumière dans les ténèbres."
756 de l'époque moderne
Le plan d'Ardyn était simple : attendre le prince Noctis et ses trois petits amis à Lestallum. D'après ses observations, le fils du défunt Roi Regis devait avoir des visions et des migraines provoquées par l'appel de Titan, l'Archéen. L'Oracle lui avait déjà demandé ses faveurs donc il ne manquait plus que l'entrée en scène de ce cher prince insouciant. Ce n'était qu'une question d'heures avant qu'il ne débarque en ville. Il décida donc de se poster à un endroit où il ne pourrait pas le rater c'est-à-dire, à l'observatoire de la ville.
Un rictus s'afficha sur son visage en les voyant arriver de loin.
« Quelle…coïncidence ! » s'exclama-t-il à leur approche.
« Ah, « l'humble voyageur » … » rétorqua Gladiolus, le garde du corps du prince.
Ardyn ne releva pas la remarque du costaud de l'équipe.
« Dites, les contes et légendes, vous aimez ça ? Comme celle de l'Archéen. Il appellerait le roi de dessous le météore. Malheureusement, la langue des dieux est inconnue des humains. On dit même qu'elle donnerait des maux de tête à certains. » expliqua l'homme aux cheveux violets.
Une expression intéressée s'afficha sur le visage du plus petit de la bande, un jeune homme blond à la coiffure extravagante.
« Comment on arrange ça ? Vous savez ? » questionna Prompto donc la curiosité avait été attisée.
« Vous pourriez aller le voir ? Il serait outrageux d'ignorer l'appel d'un dieu. Je vous emmène. » proposa Ardyn.
« Alors ? » demanda Gladiolus perplexe.
« Hmm… » réfléchit Noctis.
« On le suit pour voir ? » interrogea le blond.
« Au pire, on le largue. » lança le grand brun.
« D'accord. » acquiesça Ignis.
« Bon, ok. » finit par accepter le jeune prince en se tournant vers l'homme.
Un sourire en coin étira les lèvres du Chancelier du Niflheim, la première partie de son plan était en marche et s'était déroulé avec une facilité déconcertante. Il dépassa les quatre compagnons et les invita à le suivre.
« Je n'aime guère le protocole, mais il est toutefois nécessaire de faire les présentations. Mon nom est Ardyn, pour vous servir. Suivez-moi jusqu'au parking. C'est là que j'ai laissé mon véhicule. J'ai une passion pour ma voiture. Elle n'est pas aussi spectaculaire que la Regalia, mais elle ne tombe jamais en panne. Nous allons former un convoi de deux voitures. Très militaire, n'est-ce pas ? »
Le groupe ne répondit pas et se contenta de rester un peu en arrière. Le parking se situait à quelques mètres de l'observatoire et quelques marches les séparaient. Ils montèrent les escaliers et rejoignirent l'automobile de leur guide.
« Bon, si vous le permettez, je vais choisir le chauffeur. Et donc…ce sera toi. » dit-il en désignant Noctis.
« Et si je montais dans ta voiture ? » demanda le jeune prince aux yeux bleus.
Ardyn jeta un bref coup d'œil à la place passager de sa voiture et la silhouette de Mi-Hann apparut dans son esprit. Il fronça les sourcils à cette pensée étrange mais reprit vite son rôle au sérieux.
« Bon…Tu conduis ta voiture, et moi la mienne. Ok ! Allez, on est partis. » déclara joyeusement l'homme aux yeux ambrés.
Il monta dans son véhicule et regarda une dernière fois le siège passager avant de secouer la tête et de mettre le contact.
« Pour information, ce n'est pas une course. Contente-toi de me suivre comme un gentil garçon. Si tu me perds de vue, tu ne retrouveras pas ton chemin. Mais pas question de me coller. Un accident…gâcherait mes vacances. » avertit-il.
« C'est bon, ça va, j'ai compris. Allez, on y va. »
« Eh bien, c'est parti. Conduis prudemment. »
Ardyn prit la tête du convoi et la direction du disque de Cauthess tout en surveillant son rétroviseur. Le petit prince roulait quelques mètres plus loin en laissant suffisamment de distance de sécurité. Ils roulaient maintenant depuis plusieurs minutes. Pourquoi ne pas les observer un peu ? Ils semblaient pressés d'y être mais c'est lui qui menait la danse. La station de Coernix se trouvait non loin de là et il décida de s'y arrêter.
« Que diriez-vous de faire une pause ici ? »
« Dis donc…on devait pas rejoindre Cauthess ? » demanda Gladiolus, visiblement irrité.
« L'Archéen ne va pas s'envoler. » plaisanta le Chancelier.
« Et nous on n'est pas arrivés, avec toi comme guide… » renchérit Ignis en remontant ses lunettes avec son index.
« Bref, on campe ici. Et avec Ardyn… » lança Prompto en sautant par-dessus la portière de la Regalia décapotée.
« Ça sera sans moi. » protesta Noctis.
« Dans ce cas, je vais monter la tente. » affirma le garde du corps de ce dernier.
« Ah, personnellement, je n'ai jamais aimé le grand air. Je préférerais plutôt payer pour profiter du confort d'une caravane. » expliqua l'homme aux cheveux violets.
Finalement, il n'y avait rien à en dire. Noctis était loin de l'héritier conscient de sa position et de ses responsabilités. C'était un individu insouciant, indolent, rebelle et guidé par ses émotions qui avait accepté à contre cœur les enjeux de sa condition de prince du Lucis.
« Il va falloir le pousser un peu… » pensa Ardyn.
Ses petits amis quant à eux, avaient l'air d'être un peu plus sérieux que ce dernier. Le grand baraqué qui le regardait de travers lui servait de garde du corps, celui affublé d'une paire de lunettes était plus ou moins la tête pensante du groupe et le blondinet était sûrement de loin celui qui jouait le mieux la comédie. Ardyn fut amusé de constater que le fils de celui qui l'avait libéré de sa prison accompagnait à présent l'héritier du trône d'Insomnia. Il ne devait même pas être au courant de ses origines mais le Chancelier se ferait un plaisir de les lui révéler le moment venu. Ces individus étaient quatre des nombreux pions sur le grand échiquier de ses projets. L'échec et mat était proche.
Pour l'heure, l'homme se contenta de les observer discuter innocemment de tout et de rien tout en se mêlant parfois à la conversation.
« Bon, je vais préparer le repas. » fit Ignis en se levant tout à coup. « Qu'est-ce que vous voulez manger ? » demanda-t-il le plus sérieusement du monde.
« Cup Noodle. » lança simplement Gladiolus en croisant les bras.
« On ne mangerait que ça à t'écouter ! » se moqua gentiment Prompto.
« C'est qu'il est exigeant en plus ! » rétorqua le garde du corps. « Tu veux quoi toi, Noct ? »
« Pas de légumes… » se plaignit ce dernier.
« Notre stock est de toute façon limité, voyez par vous-même. » expliqua Ignis en les invitant à venir jeter un coup d'œil.
Le jeune homme à lunettes leur montra les ingrédients dont ils disposaient et en effet, ils allaient devoir manger simple ce soir mais le jeune homme blond dont les joues étaient couvertes de taches de rousseur tapa alors dans ses mains.
« Oh, je sais ! Tu peux nous faire du riz au poulet, Ignis ? »
Ardyn réagit à la proposition du blondinet et leva les yeux vers le groupe. Il s'était mis à l'écart pour les écouter débattre de leur prochain repas mais il ressentit une émotion certaine à l'énonciation de ce plat. C'était ce qu'avait commandé Mi-Hann pendant leur sortie à Lestallum, il se souvint de la joie sur son visage en mangeant ce plat si simpliste.
« Ardyn, t'en veux ? » demanda gentiment Prompto qui avait sorti son appareil photo de sa sacoche.
Il aurait dû pouvoir refuser mais il ne comprit pas pourquoi un « oui » instinctif sortit de sa bouche à ce moment-là. Ignis lui tendit une assiette quasiment pleine à ras bord, pensant qu'au vu de son gabarit, l'homme devait probablement manger pas mal. Il se garda bien de leur expliquer que la nourriture n'était devenue plus qu'un plaisir gustatif pour lui et saisit l'assiette en remerciant le cuisinier avec courtoisie.
« Eh bien, si vous voulez bien m'excuser, je vais rejoindre la caravane. » déclara-t-il en ôtant son chapeau pour les saluer. « Je vous souhaite une bonne nuit. »
« Ouais…salut. » lança Gladiolus.
« Hm… » se contenta de dire Noctis.
« Bonne nuit Ardyn. » fit gentiment Prompto.
L'homme aux cheveux violets monta dans la caravane et posa l'assiette sur une petite table se trouvant à coté de son lit. Il enleva son fédora, son long manteau imprimé de motifs noirs stylisés qu'il posa négligemment sur la chaise et se lava les mains ainsi que le visage. Il s'assit ensuite sur le lit, prit une fourchette et mangea quelques bouchées de son repas. Un rire discret s'échappa de ses cordes vocales.
« Non vraiment, tu as des goûts forts étranges… »
o-o-o-o
Le bruit assourdissant d'une gifle retentit dans le salon d'une maison modeste d'un quartier d'Altissia.
« Où étais-tu passée petite idiote ? » cria une femme d'une cinquantaine d'années. « Owen t'a cherchée absolument partout ! Un peu plus et il alertait les autorités pour disparition. »
« Maman, il n'était pas nécessaire de la frapper. » tenta de temporiser le jeune homme en posant sa main sur l'avant-bras de sa génitrice pour l'empêcher de réitérer son geste.
« Oh, mon petit chéri, tu es trop gentil avec elle. Ne vois-tu pas qu'elle passe son temps à nous inquiéter ? C'est une petite impertinente. »
Mi-Hann se frotta la joue tout en gardant le silence et détourna le regard. Elle savait qu'il était inutile de répondre sans quoi les punitions pouvaient être encore plus douloureuses qu'une simple gifle. Elle avait été absente pendant plus d'un mois sans que cela ne les affole plus que ça. De plus, elle avait pris l'habitude d'être corrigée pour la moindre petite chose depuis la naissance d'Owen, événement qui avait marqué un bouleversement dans la vie de cette famille. En effet, les parents du jeune homme n'arrivaient pas à avoir d'enfant, c'est pourquoi ils avaient accepté d'adopter la jolie brune lorsque sa mère s'était présentée chez eux, les suppliant de prendre soin de sa petite fille. Les premiers temps avaient plutôt été agréables mais à la naissance du garçon, les choses avaient subitement basculé pour ne devenir qu'une succession de rejets, de remontrances et de violences quotidiennes.
« Tu as de la chance que ta mère était une amie d'enfance. Autrement, je ne t'aurais jamais acceptée sous mon toit. Pauvre Laura, c'est sûrement toi qui es responsable de sa mort ! » cracha la mégère.
S'attaquer à ses parents était l'activité favorite de cette femme mais ses remarques acerbes ne l'atteignaient plus. Mi-Hann partirait bientôt de cette maison, une fois qu'elle aurait amassé suffisamment d'argent pour se loger ailleurs. Elle était obligée de cacher ses effets personnels car la mère d'Owen prenait un malin plaisir à fouiller dans sa chambre pendant son absence afin d'y dénicher l'argent que la jeune femme avait si durement gagné. Mais surtout, elle voulait cacher son trésor, un trésor inestimable à ses yeux, l'argent n'était qu'un détail en comparaison.
« Allez maman, calme-toi. Tout est arrangé maintenant. »
« Tu as raison mon trésor. » acquiesça tendrement la mère de famille puis elle s'adressa à sa fille adoptive « Et toi, disparais de ma vue ! Tu as intérêt à terminer tes corvées avant le repas de ce soir. » lui ordonna-t-elle.
« Oui, mère. » obéit la jeune femme aux longs cheveux noirs de jais.
Mi-Hann s'empara du panier à linge et sortit à l'extérieur pour l'étendre. Il faisait beau, une légère brise océanique soufflait dans ses cheveux et elle se concentra sur l'odeur diffusée par les eaux de la grande cité. C'était une ville extrêmement agréable et animée. Elle s'attela à sa tâche car elle avait encore pas mal de choses à faire, sa belle-mère se défaussant de tout en dehors des repas qu'elle tenait à préparer pour son fils adoré. Ce dernier ne mit d'ailleurs pas longtemps avant d'apparaître à sa vue.
« Je vais t'aider. » lui dit-il doucement.
« Tu ne devrais pas, mère va encore dire que je t'influence. »
« Je ne suis plus un enfant, je suis libre de faire ce que bon me semble et puis, si un jour nous…euh… »
« Nous… ? » demanda la jeune femme aux yeux verts.
« Euh non, rien pardon. Je pensais à voix haute ! » s'exclama le blond en rougissant. « Dis-moi Mi-Hann, on a pas vraiment abordé le sujet mais où étais-tu pendant tout ce temps ? Je me suis fait un sang d'encre. »
« J-j'ai...pris un peu de vacances. » mentit-elle
« Je vois. En tout cas, je suis heureux que tu sois rentrée. Je commençais à croire maman quand elle me disait que tu étais partie pour de bon. »
Mi-Hann haussa les épaules et reprit sa corvée, aidée par Owen. Elle entretint ensuite les plantes, vérifia les stocks et fit les poussières de la maison. Une fois son ménage terminé, elle jeta un œil à l'horloge, c'était bientôt l'heure d'aller travailler. Elle se prépara, attacha ses longs cheveux bruns avec un ruban et quitta le domicile. Après plusieurs minutes de marche, elle pénétra dans une boutique dont l'architecture était faite de bois.
« Ah, Mi-Hann, te voilà enfin. Je commençais à m'inquiéter de ton absence, je suis passé chez toi pour prendre de tes nouvelles mais ta mère m'a assuré de ne pas m'en faire et que tu étais partie vadrouiller. » lança un homme d'une soixantaine d'années qui se tenait sur un escabeau. « Nous avons reçu de nouveaux livres. Je les ai posé sur l'étagère là-bas. Tu t'en occupes ? » lui demanda-t-il en lui montrant une pile de livres sur sa droite.
« Je suis navrée monsieur Richards, j'étais euh…malade. » s'excusa la jeune femme en s'inclinant respectueusement. « Bien-sûr, aucun problème. » acquiesça-t-elle en souriant.
Elle se dirigea vers le mobilier et vérifia un à un les ouvrages pour les ranger dans les rayons correspondants. Elle se sentait particulièrement bien dans cette atmosphère, l'odeur des livres était apaisante surtout celle des anciennes œuvres qui avaient traversé le temps. Malheureusement, son patron ne l'avait embauché qu'en soutien et elle ne pouvait travailler qu'une dizaine d'heures par semaine. C'était une petite boutique qui attirait surtout des passionnés de lecture, parfois des curieux et des visiteurs de passage mais rien qui ne permettait un essor d'activité. Quand bien même, Mi-Hann aimait ce qu'elle y faisait et son patron, un vieil homme qu'elle connaissait depuis des années, était quelqu'un de très gentil.
« Tu es au courant de l'arrivée prochaine de l'Oracle à Altissia ? » questionna son employeur.
« Non, pas du tout. » répondit-elle avec surprise. « L'Oracle va venir ici ? »
« Il paraît oui. Ce sont des rumeurs qui circulent mais les médias parlent d'un mariage entre elle et l'héritier Lucis Caelum. Apparemment, il se déroulerait dans notre belle cité mais j'avais entendu dire que le prince avait été tué lors de l'attaque à Insomnia. » expliqua l'homme aux cheveux courts grisonnants.
« Est-ce que par hasard, vous auriez gardé le journal ? »
« Oui, tu le trouveras sur mon bureau. La porte n'est pas fermée, vas-y. » répondit-il gentiment.
« Merci monsieur. »
La jeune femme s'exécuta et revint quelques secondes plus tard avec le journal enroulé dans sa main droite. Elle le déplia et put difficilement passer à côté des gros titres. Les médias faisaient allusion à un traité de paix qui avait mal tourné entre l'Empire de Niflheim et le royaume du Lucis. Le Roi Regis fut déclaré mort et l'héritier, Noctis Lucis Caelum, ainsi que l'Oracle, Lunafreya Nox Fleuret, portés disparus mais présumés morts. Mi-Hann fut immédiatement attirée par les photographies et s'aperçut alors que l'homme qui se trouvait à côté de l'empereur n'était autre qu'Ardyn. Il s'agissait d'une photo reprise d'un journal télévisé qui avait filmé l'événement en direct.
« Tout s'est déroulé selon leurs plans… » pensa-t-elle. « L'Empire est en guerre depuis des années contre le royaume du Lucis, Ardyn a rejoint l'ennemi de son ennemi. Je me demande vraiment s'il essaie de se venger. À moins qu'il y ait autre chose… »
Elle lut le reste des articles et vit que l'Oracle était effectivement attendue à Altissia dans moins d'une semaine, la date précise n'avait pas encore été officiellement annoncée. Mi-Hann ferma le journal et le reposa dans le bureau de monsieur Richards afin de reprendre son travail. Quelques clients se succédèrent dans l'après-midi mais globalement, le magasin fut assez calme. La jeune femme passa un coup de balai et nettoya les vitres avant de partir.
« À demain, monsieur Richards ! » le salua-t-elle avec déférence.
« Tu as fait du bon travail, comme d'habitude. À demain ma petite Mi-Hann. »
Elle sourit car malgré les années, le vieil homme l'appelait encore ainsi. Cet endroit représentait son refuge en quelque sorte, elle y allait en permanence depuis l'enfance et c'est tout naturellement qu'à sa majorité, le patron lui avait proposé de l'aider à tenir la boutique. Elle regarda l'heure et constata qu'elle avait encore le temps avant de rentrer mais elle ne traînerait pas trop car certaines rues d'Altissia pouvaient être dangereuses la nuit. La jolie brune passa rapidement au marché du coin pour y admirer les créations des artisans et s'arrêta à un stand qui avait déjà attiré son attention.
« Joli choix ma petite dame ! » s'exclama le vendeur. « Ce collier vous irait à merveille. Regardez, il est de la même couleur que vos yeux. »
« Quelle pierre est incrustée dedans ? » demanda-t-elle naïvement.
« C'est une émeraude ma petite dame, une véritable émeraude. » expliqua le jeune marchand. « C'est un modèle unique basé sur la fabrication d'un bracelet utilisant la même pierre. Alors, il vous intéresse ? C'est un très beau bijou vous savez. »
« Eh bien, il est magnifique en effet mais je suppose qu'il ne doit pas être donné. »
L'artisan dévisagea la jeune femme et sembla la reconnaître.
« On s'est déjà vu non ? Votre visage m'est familier. »
« Je dois vous dire que je passe souvent ici discrètement pour voir vos créations et il y a un moment que ce pendentif est exposé. » avoua Mi-Hann, une pointe de gêne dans la voix.
« C'est vrai, je l'ai proposé à la vente il y a un peu plus d'un mois. »
« 45 jours exactement. » dit-elle en souriant timidement.
Le vendeur éclata de rire.
« Je vois qu'il vous plait vraiment. Ahhh, quel dommage vraiment mais oui, il coûte pas moins de 8000 gils et je ne peux vraiment pas baisser son prix au risque de me retrouver perdant, j'en suis désolé. »
« Oh mais je ne vous en demande pas tant ! » refusa la jeune femme en levant les mains devant elle, embarrassée. « Je ne vais pas vous importuner plus longtemps. Passez une bonne soirée monsieur. »
« Merci, vous de même ma petite dame. »
Mi-Hann s'éloigna un peu du stand et soupira. Elle n'était guère matérialiste mais ce collier lui avait tapé dans l'œil et elle n'était pas prête de pouvoir se l'offrir si sa belle mère continuait à lui subtiliser toujours plus d'argent. Elle décida de rentrer et passa le pas de la porte de la maison sans faire de bruit. Il était presque 19 heures du soir, au moins, elle n'était pas en retard et éviterait une énième remontrance. Elle se déchaussa, se lava les mains et prit l'initiative de mettre les couverts. Un ragoût mijotait sur le feu. Owen arriva quelques minutes après et la rejoint dans la cuisine.
« Tu as passé une bonne journée Owen ? lui demanda-t-elle avec douceur.
« Super mais je meurs de faim ! »
Le jeune homme se pencha vers la jolie brune et défit le ruban qui nouait les cheveux de Mi-Hann.
« Tu es beaucoup plus jolie comme ça. » dit-il.
« Je les attache parce-que ça me plait et parce-que c'est plus pratique pour travailler » protesta la jeune femme.
« Peut-être mais je te préfère ainsi, je te l'ai déjà dit. »
« Oui enfin, Owen, ce sont quand même mes cheveux. J'en fais ce que je veux non ? »
Elle se tint alors l'arrière de son crâne car sa belle-mère venait de lui asséner une violente tape derrière la tête.
« Ne parle pas à mon fils de cette façon, mal élevée ! » la corrigea cette dernière. « Je vais servir le dîner, allez-vous asseoir. »
Ils prirent place à table et Mi-Hann mangea en silence à côté d'un d'Owen qui racontait sa journée bruyamment. Son beau-père était tout aussi silencieux qu'elle et ne lui adressa aucun regard. Il n'avait pas beaucoup changé contrairement à sa femme, il l'ignorait la plupart du temps, ne lui répondant que lorsqu'elle le saluait. La jeune femme termina rapidement son assiette, lava sa vaisselle et monta dans sa chambre sans se faire prier. Sa présence n'était de toute façon pas désirée et personne ne remarquerait son absence. Elle ferma la porte, s'agenouilla par terre et releva le tapis qui décorait le sol de la pièce. Une des planches en bois dénotait des autres mais il fallait avoir l'œil pour déceler cette différence avec précision. Mi-Hann la retira délicatement et sortit une boîte de taille moyenne de l'épais parquet. Elle sourit en découvrant son contenu. Sa belle-mère n'avait pas pensé à chercher là, la cachette avait donc l'air pas mal. Elle y rangea l'argent qu'elle avait gagné dans la journée et saisit un vieux journal qu'elle serra contre son cœur. Il représentait son trésor le plus précieux. En ouvrant doucement le livre, une illustration d'Ardyn apparut sous ses yeux et elle sourit. Le dessin était superbe mais il ne lui rendait pas complètement honneur.
« J'aurais tellement aimé en savoir plus… » pensa-t-elle avec regret.
o-o-o-o
Ardyn allait devoir se rendre à Altissia. Il avait de nouveau dégagé le chemin de Noctis et ses amis dans leur quête pour se rendre dans la cité des eaux. L'Oracle s'y trouvait déjà, dans le plus grand des secrets, afin d'organiser le rite sacré qui permettrait au jeune héritier du Lucis d'obtenir la faveur de Leviathan, l'Hydréenne. Bientôt, la ville serait envahie par l'Empire. L'homme aux cheveux violets se retrouva alors à penser encore à la jolie brune qui y vivait probablement sans se douter de ce qui se tramait. Il se souvint de l'apparition de Leviathan, il y a deux mille ans, qui avait détruit une partie de la cité et causé de nombreuses morts. Son éveil avait été brutal, la population n'avait rien vu venir. Mi-Hann ferait probablement partie des victimes. Il n'aurait pas dû s'en soucier, tout était devenu subitement plus simple pour lui quand il avait cessé de ressentir de l'empathie à mesure que le cadavre de son meilleur ami gisant dans sa cellule se décomposait. C'est là qu'il avait réellement pris conscience de son décalage avec le reste du monde et de la brièveté de la vie humaine. Seuls étaient restés la rancœur, la solitude et l'ennui qui avaient guidé toutes ses actions depuis sa libération. Du moins, c'est ce qu'il croyait avant que cette femme intrigante ne lui rappelle que l'ombre de son ancien meilleur ami planait toujours au-dessus de lui. Il n'y avait pas que ça, ce n'était pas complètement vrai mais il n'arrivait pas à poser un mot sur ce qu'elle lui inspirait. De la curiosité, une attirance physique ? C'était une évidence mais il y avait autre chose, quelque chose de plus insidieux et cela ne lui plaisait pas.
o-o-o-o
La population d'Altissia ne parlait plus que de ça. La robe de mariée de l'Oracle Lunafreya Nox Fleuret était exposée dans la boutique de vêtements phare de la ville, Vivienne Westwood et les habitants se pressaient tous pour l'admirer. Les femmes se pâmaient d'admiration devant l'élégance et le raffinement de la tenue et s'imaginaient la revêtir tandis que les hommes étaient plus subjugués par le portrait de la jeune femme accroché au mur de la boutique. Par curiosité, Mi-Hann était allée la voir. Il était vrai qu'elle était jolie mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver du ressentiment à l'égard de la lignée des Fleuret et du Lucis alors même qu'elle ne connaissait rien des membres de ces familles vivant à cette époque. Elle était imprégnée des histoires que sa mère lui racontait afin que la vérité perdure à travers les générations, des siècles de persécution, de peur, de fuite et de dissimulation. La jeune femme ne ressentait pas de haine, juste qu'elle ne partageait pas la joie des Altissiens pour l'heureux événement à venir.
« Mi-Hann, tu m'accompagnes pour aller voir la robe de l'Oracle ? » lui demanda Owen, surexcité.
« Eh bien, je l'ai déjà vue en réalité…en rentrant de la boutique de livres ce matin… »
« Allez, s'il te plaît ! On pourrait passer un peu de temps ensemble après ça, qu'est-ce que tu en dis ? Ca fait des jours qu'on ne fait que se voir pendant le dîner à cause du travail. » suppliait presque le jeune homme.
« Bon…d'accord. » céda-t-elle après avoir vérifié que sa belle-mère n'était pas à proximité. Cette dernière ne supportait pas que sa fille adoptive s'accapare son plus grand trésor. « On passera par le marché après si ça ne te dérange pas, il faut que j'achète des condiments. »
« Pas de problème ! » s'exclama le blond, euphorique.
Ils sortirent en début d'après-midi et il y avait foule, des touristes venus des quatre coins d'Eos se mêlaient aux habitants de la cité. Arrivés devant la boutique de vêtements, les deux jeunes gens durent se frayer un passage à travers les badauds agglutinés à proximité.
« Je ne m'y connais pas trop en robe mais je la trouve vraiment somptueuse ! » s'exclama Owen « Tu serais tellement belle avec… » dit-il, une pointe de gêne dans la voix.
Mi-Hann secoua la tête, dubitative.
« Je ne sais pas trop. Je me vois mal avec une robe de mariée, je serais plus ridicule qu'autre chose. » ironisa-t-elle.
Le jeune homme aux yeux noisette posa vivement ses mains sur ses épaules ce qui la surprit.
« Ne dis pas n'importe quoi ! Tu serais parfaite et je…je… » essaya-t-il d'articuler.
« Owen, tu… »
« Bon, j'ai vu ce que je voulais voir, allons au marché ! » la coupa-t-il, les oreilles rouges.
La jolie brune ressentit comme un malaise. Ce n'était pas la première fois qu'Owen faisait de telles allusions et elle commençait à avoir des soupçons sur la façon dont il la percevait. Elle devrait lui parler sérieusement afin de mettre les choses au clair. Elle le considérait comme son petit frère mais apparemment, c'était différent du point de vue du jeune homme. A moins qu'elle ne se faisait des films, éclaircir les choses permettrait de lui enlever le moindre doute.
Sur place, Mi-Hann fit le tour du marché et acheta diverses épices tout en jetant de temps en temps un œil discret à distance vers l'étalage de l'artisan. Le pendentif y était toujours fièrement exposé mais semblait n'attirer personne, pour son plus grand bonheur. Cependant, un détail l'interpella immédiatement et elle décrocha instantanément son attention du bijou pour tourner la tête vers la longue rue à sa droite. Et là, il lui sembla brièvement l'apercevoir qui l'observait avant de disparaître aussi vite qu'il était apparu. Non, elle avait sûrement rêvé, cela ne pouvait pas être lui, n'est-ce pas ? La jeune femme n'arriva pas à se défaire de cette indicible sensation et laissa tout en plan en s'engageant dans la rue en courant afin de s'en assurer. Owen ne put que lui crier son incompréhension mais elle ne se retourna à aucun moment. Mi-Hann courut à en perdre haleine et prit à droite à la première intersection, direction qu'il lui avait semblé que cet homme avait prise mais au bout de la ruelle, elle arriva à un cul de sac et il n'y avait personne. La jeune femme tourna la tête de toute part, le cherchant du regard. Elle avait envie d'hurler pour l'appeler mais elle se retint de le faire, Ardyn étant probablement à Altissia en qualité de Chancelier.
« Mi-Hann ! » s'écria Owen qui avait fini par la rejoindre. « Qu'est-ce qui t'a pris de partir comme ça ? On aurait dit que tu étais possédée… »
« Je… je suis désolée. » s'excusa-t-elle en respirant à tout rompre. « J'ai cru apercevoir quelqu'un… »
Le visage du blond s'assombrit.
« Le type avec qui tu étais l'autre jour ? » demanda-t-il, légèrement énervé.
« O…oui. » avoua-t-elle timidement.
Owen qui se tenait au départ à distance d'elle accourut pour la prendre fermement dans ses bras. Il lui faisait mal tant il serrait son étreinte.
« Owen…lâche moi s'il te plait… »
« Je suis là pour toi Mi-Hann ! Nous avons toujours été ensemble, n'est-ce pas ? Je resterai toujours auprès de toi, je te protégerai, je… » débitait-il anxieusement sans prendre de pause.
La jeune femme se dégagea vivement mais difficilement de ce contact qu'elle ne désirait plus.
« Owen mais qu'est-ce qui te prend ?! Ecoute, il faut qu'on parle car tu commences vraiment à me faire peur ! » s'écria la brune aux yeux verts.
Devinant le motif de la discussion, le blond se braqua directement.
« Je ne veux pas parler maintenant, je rentre ! » s'exclama-t-il alors qu'elle allait aborder le sujet.
« Il fait toujours ça à chaque fois que j'essaie de discuter de notre relation… » pensa la jeune femme.
Mais elle ne pouvait pas le laisser continuer à se défiler comme ça, cette situation devenait de plus en plus malsaine. Ils n'étaient certes pas liés par le sang mais Mi-Hann considérait Owen comme son frère et seulement comme un frère. Il n'y avait jamais eu d'ambiguïté à ses yeux et elle n'avait jamais réfléchi à la possibilité que ce dernier éprouve des sentiments amoureux à son égard. Elle ne lui laisserait plus le choix de l'accepter et prit la décision de le mettre au pied du mur le soir même. Elle espérait ne pas le blesser même s'il était utopique d'imaginer qu'un rejet ne serait pas douloureux car elle ne le savait que trop bien. Avant de quitter la ruelle, la jeune femme regarda de nouveau tout autour d'elle sans réussir à se débarrasser de l'impression d'être observée, soupira et regagna la rue principale.
Le repas du soir se passa dans un silence encore plus glacial que d'habitude, ce qui inquiéta grandement la mère d'Owen, habituée à l'entendre lui raconter inlassablement ses journées. Le visage fermé, il fixait son assiette, ne décrocha pas un sourire de la soirée et quitta la table une fois son dîner avalé. Mi-Hann se hâta de faire de même, fit ses corvées et décida ensuite de sortir à l'extérieur pour prendre un bol d'air frais, l'atmosphère étant bien trop pesante. Il y avait une petite allée éclairée, à côté de la maison, dallée et équipée d'un banc et d'un petit jardinet que la jeune femme entretenait régulièrement. De hauts murs l'isolaient mais la lumière y était suffisante pour qu'elle soit en sécurité et l'endroit suffisamment à l'écart pour profiter d'un peu de solitude. Elle s'assit sur le banc et admira le ciel étoilé durant de nombreuses minutes mais encore une fois, elle ressentit cette curieuse impression de ne pas être seule.
« Très bien, parlons puisque c'est ce que tu souhaites. » trancha la voix d'Owen alors que le silence était total, ce qui fit sursauter la jeune femme.
« Owen, c'est toi…Tu m'as fait peur. »
Il venait d'apparaître au tournant de la rue menant à la maison.
« Tu t'attendais à quelqu'un d'autre peut-être ? » demanda-t-il froidement.
« Non, pas particulièrement. J'étais simplement concentrée sur le calme ambiant et je ne t'ai pas entendu arriver. » répondit-elle en restant calme.
Mi-Hann se leva et se tourna vers le jeune homme qui se braqua de nouveau.
« Je sais ce que tu vas me dire. » déclara ce dernier. « Tu veux me parler de nous… »
« C'est bien ça le problème Owen. Il n'y a pas de « nous », tu es mon frère et je… »
« Je ne t'ai jamais considérée comme ma sœur ! » coupa-t-il en se dirigeant vers elle. Il la saisit de nouveau par les épaules « Je t'aime depuis longtemps Mi-Hann et je sais qu'au fond de toi, tu… »
« Non ! » s'écria-t-elle. « Tu ne comprends pas Owen ! Je ne t'aime pas comme tu le voudrais et ce ne sera jamais le cas ! »
« … »
Le blond baissa la tête, semblant recevoir la vérité en pleine figure. Il serra ses doigts sur les frêles épaules de la jolie brune ce qui la fit grimacer de douleur.
« Il y a quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu as été absente tout ce temps ? C'est ce type au look excentrique, avoue-le ?! » ordonna-t-il
« Owen, ce que je fais ne te regarde pas ! »
« Tu as couché avec hein ?! »
« Q-quoi ? M-mais ça ne v-va pas de...parler de...ça maintenant ! » bredouilla-t-elle gênée.
Le jeune homme leva des yeux emplis de noirceur vers elle alors qu'il la tenait toujours fermement de la main gauche, baissa lentement son bras droit vers sa ceinture.
« Je ne l'accepterai jamais… » murmura-t-il lentement et sans aucune émotion dans la voix. « Si je ne peux pas t'avoir, personne ne t'aura… »
Le regard de Mi-Hann fut attiré vers ce qu'Owen était en train de sortir de derrière lui, accroché à l'arrière de sa veste. Elle essaya de reculer d'un pas lorsqu'elle comprit ce qu'il avait l'intention de faire mais la prise de ce dernier se referma avec encore plus de force sur elle lorsque la lame bien visible d'une dague apparut sous ses yeux.
« Aie ! » s'écria-t-elle. « Tu as perdu la tête ! Ne fais pas ça ! »
« Je t'aimais tellement et tu as tout gâché ! » hurlait le blond, pris de folie.
Et alors qu'il allait poignarder la jeune femme dans l'abdomen, une ombre vive comme l'éclair surgit des toits au-dessus de lui et il sentit son visage fermement enserré par une main dont la force le plaqua violemment contre le sol.
« SOMNUS ! » vociféra l'individu que Mi-Hann reconnut immédiatement.
Les mains plaqués devant la bouche, la jolie brune réagit automatiquement au nom prononcé par Ardyn, dont le visage était déformé par la haine, et attrapa instinctivement son bras.
« Ne le tuez pas, je vous en supplie ! » le pria-t-elle alors qu'elle constatait qu'il pouvait briser Owen sans le moindre effort.
Pris dans une rage folle, l'homme ne reprit pas de suite contenance mais il réalisa assez vite que la tête ensanglantée qui avait détruit quelques dalles sous l'impact n'appartenait pas à celui qui s'était formé dans son esprit un peu plus tôt. Ardyn lâcha l'individu inconscient non sans mal et resta immobile à fixer ce qu'il avait fait sans pouvoir se contrôler. Il avait revécu brutalement ce qu'il s'était passé sous ses yeux deux mille ans plus tôt et son impuissance de jadis s'était muée en une colère insurmontable. Néanmoins, il sourit narquoisement au bout d'un bref moment et ramassa la dague qu'il remit dans son fourreau et glissa ensuite dans sa veste. Il entendit la jeune femme le remercier mais il ne se tourna pas pour la regarder, il ne voulait pas voir ces yeux qui le poursuivaient sans relâche depuis qu'il les avait recroisés pour la première fois depuis longtemps, à Altissia. Ces yeux, ces cheveux noirs comme l'ébène et cette odeur légèrement fruitée qui le décontenançaient tellement. Ardyn allait s'éclipser quand Mi-Hann attrapa sa manche sans ménagement.
« Attendez, ne partez pas… » demanda-t-elle presque dans un soupir.
« Ne devrais-tu pas t'occuper de lui ? Il a l'air plutôt mal en point. » lança l'homme aux cheveux violets en désignant Owen avec indifférence.
La jeune femme s'exécuta, alla chercher une potion dans un petit mobilier décorant le jardinet et la fit boire au jeune homme qui gisait toujours par terre, inconscient. Bien qu'impressionnante, la blessure n'était pas si grave que cela, le blond s'en remettrait avec un gros mal de tête et quelques jours de repos.
« Si tu veux bien m'excuser à présent, je vais me retirer. » déclara l'homme aux yeux ambrés. « Merci pour le petit joujou, il va m'être bien utile. »
« Emmenez-moi avec vous ! » s'écria la jolie brune. « Cette ville, cette maison, cette famille, la venue de l'Oracle, la robe, le mariage, l'héritier du Lucis, tout cela m'importe peu ! »
« Vraiment ? » questionna Ardyn amusé en occultant sa supplication. « C'est que tu m'aurais presque convaincu ! Hélas, je n'ai pas le temps de m'occuper de toi mais comme je suis de bonne humeur, je vais te donner un petit conseil. L'impétueuse Hydréenne surgit et les eaux se déchaînent. Pris au piège, le mortel se démène et abréagit. »
« Léviathan va de nouveau se réveiller ? Quand ? » avait compris Mi-Hann.
« De nouveau ? Ainsi, tu sais effectivement certaines choses. Quoiqu'il en soit, ne reste pas là si tu tiens à la vie. Demain sera un jour mémorable. » annonça solennellement le Chancelier impérial en levant exagérément le bras.
« Vous allez tuer l'Oracle, n'est-ce pas ? » interrogea la jeune femme, sans aucune émotion dans la voix.
L'homme se retourna vivement et observa la jolie brune, d'un air satisfait.
« Là, tu m'impressionnes ! Mais dis-moi, qu'est-ce qui te fait croire ça ? »
Il avait déjà été fasciné par son intelligence mais elle faisait en plus preuve d'une lucidité et d'un discernement incroyable, et ça, il devait bien admettre qu'elle était unique en son genre. Elle croisa les bras sous sa poitrine avant de répondre.
« Je pense que la tuer poussera l'héritier du Lucis à vous poursuivre puisque c'est lui qui vous intéresse. Deuxièmement, pour son don qui disparaîtra avec elle. »
« Pas mal du tout ! Cependant, il manque une toute petite chose… »
« Là, je ne vois pas. » avoua Mi-Hann en penchant légèrement la tête sur le côté. « Je brûle d'envie de le savoir mais j'ai l'intime conviction que c'est tout ce que vous me direz. »
« Tu es une femme bien curieuse, je l'admets. Tu m'as presque supplié d'épargner cet imbécile mais tu ne cilles pas en sachant que je vais ôter la vie de cette chère Lunafreya. Pourquoi donc ? »
« Vous avez vos raisons et j'ai les miennes. » se contenta de rétorquer la jeune femme. « Si vous voulez bien m'excuser, je vais ramener mon frère à la maison, il est en train de se réveiller. »
Alors qu'elle se baissait pour assister Owen, elle sentit un courant d'air et ne put voir qu'une ombre vive s'élancer sur les hauteurs de la ville. Mi-Hann avait déjà pu assiter à la manifestation des pouvoirs d'Ardyn, des pouvoirs liés aux ténèbres et selon elle, ce n'était probablement qu'un millième de ce dont il était capable. Dans son état actuel, elle était persuadée qu'il avait la force suffisante pour éliminer le prince héritier et assurer sa vengeance. Pourquoi ne le faisait-il pas ? Il y avait une raison qui lui échappait mais une raison sûrement évidente pour lui.
Owen gémit en se redressant péniblement sur ses jambes. Il se frotta l'arrière du crâne et jeta un œil aux dalles enfoncées dans le sol.
« Que s'est-il passé ? » demanda-t-il avec sincérité. « J'ai mal à la tête et je ne me souviens pas de ce que j'ai fait aujourd'hui… »
Prise d'appréhension devant le précédent comportement de son frère, la jolie brune l'aida néanmoins à se remettre debout, soulagée d'apprendre que ce dernier avait oublié sa tentative d'agression. Elle inventa la première excuse qui lui vint à l'esprit mais qui n'était pas si éloignée que ça de la vérité.
« Tu as eu un malaise et tu es tombé évanoui. » expliqua-t-elle en tentant de cacher son malaise et d'être convaincante.
« Je vois…mais euh…, c'est quoi ces débris et ce sang par terre ? »
« Tu as une plaie à l'arcade sourcilière. Ca a vraiment beaucoup saigné...Je t'ai donné les premiers soins mais tu devrais regarder ça de plus près et aller te reposer. »
Le jeune homme ouvrit le robinet installé dans le jardinet et se lava le visage et les cheveux pour se débarrasser du sang.
« Brrr, l'eau est glacée ! » se plaignit-il. « Je suis crevé, je vais me coucher. Tu rentres aussi ? »
« Je reste encore un peu et j'arrive oui. » acquiesça-t-elle en souriant légèrement, feignant d'être détendue.
« OK ! »
Le blond la laissa seul pour rejoindre la maison. Mi-Hann s'allongea sur le banc et soupira, repensant à Ardyn. Elle l'avait enfin revu et même si cette rencontre avait été brève, elle lui avait permis d'en apprendre plus. L'autorité suprême d'Altissia ferait probablement évacuer la ville mais elle ne pourrait pas sauver toute la population ni protéger la cité des assauts de l'Empire. La jeune femme pourrait au moins prendre un peu d'avance pour prévenir ses proches, ses parents adoptifs inclus même s'ils étaient tous sauf aimants. Elle songea à remonter dans sa chambre, ferma la porte et sortit le journal de sa cachette. Elle l'ouvrit et chercha le passage qui l'intéressait pour tenter de comprendre quelque chose qui lui avait peut-être échappé. Les vieilles pages froissées défilaient quand elle posa son doigt sur l'une d'entre elles.
58 - Ardyn est revenu de son long voyage, les dernières années furent les plus longues que j'aie vécues. C'est lorsque les gens sont éloignés qu'on sent qu'ils sont indispensables à notre existence et même si ma propre famille me permet de surmonter cette douleur, il m'arrive souvent de me sentir extrêmement seul. Je vais paraître égoïste et cruel en désirant cela mais est-ce que mon ami ressent les mêmes tourments ? Une femme a été désignée par les Dieux sous le nom d'Oracle. De ce que j'ai retenu des leçons de Flora, la famille Nox Fleuret est une des plus importantes vivant au cœur de la nouvelle Tenebrae, anciennement région de Shiva. Les membres de cette famille vénèrent la Déesse depuis des temps immémoriaux et ont toujours été relativement indépendants. Eh bien, cette Oracle est elle aussi capable de soigner les gens atteints par la maladie mais l'ayant vu faire, j'ai l'impression que ses facultés sont différentes de celles de mon ami. Une sorte d'aura de lumière s'échappe de ses mains et fait disparaître les maux sans que cela ne semble atteindre la guérisseuse. Ardyn souffrait d'effets secondaires au départ ce qui n'est pas le cas de l'Oracle. Il l'a vu agir également et j'ai le pressentiment qu'il se sent maintenant remplacé, voire inutile car tous acclament la jeune femme désormais. Ont-ils déjà oublié ce qu'il a fait pour eux ?
Mi-Hann stoppa sa lecture, envahie par la frustration.
« Comment pouvait-il se sentir autrement ? Il a passé dix ans à parcourir le monde pour venir en aide aux personnes atteintes jusqu'à ce qu'une femme qui n'avait encore rien fait soit choisie par les Dieux et se mette à soigner les gens à sa place. Il ne doit pas s'agir que de ça, je suis sûre qu'il y a autre chose mais quoi ? »
La jeune femme ferma le journal, songeuse.
« L'Oracle a voyagé avec le frère d'Ardyn devenu Roi à sa place et elle est décédée en accomplissant sa mission. Ensuite, il s'est passé quelque chose avec l'épouse de Somnus et c'est cette pièce du puzzle qui me manque pour comprendre. Mon ancêtre n'en fait mention nulle part. »
Elle se frotta énergiquement les cheveux sous l'énervement.
« Ahhh ! Je ne suis pas plus avancée ! »
La jolie brune aux yeux vert émeraude se résolut à abandonner pour la soirée et à aller se coucher mais son esprit divaguait sans cesse sur les événements du lendemain qui promettaient d'être chaotiques. Finalement, elle eut du mal à trouver le sommeil et se leva fatiguée de sa nuit. Mi-Hann prit une douche pour se réveiller complètement et enfila une élégante robe empire blanche à motifs floraux noirs. La jeune femme attrapa un petit sac en cuir dont elle passa la lanière par-dessus son épaule et rangea le journal à l'intérieur puis elle descendit au rez-de-chaussée. Elle se servit ensuite un thé, alluma la radio et écouta les informations tout en buvant sa boisson.
C'est une journée exceptionnelle qui s'annonce. La première ministre Camilla a annoncé très tôt ce matin que l'Oracle apparaitrait dans le but de prononcer un discours et rassurer les gens sur son état de santé. En effet, ces dernières semaines ont plongé les citoyens dans le doute et nombreuses étaient les personnes à la croire morte. L'exposition de la robe de mariée dans la boutique de la très connue Vivienne Westwood a apporté un nouveau vent d'espoir. Lunafreya Nox Fleuret est donc vivement attendue aujourd'hui.
La jeune femme sortit rapidement de la maison et se dirigea vers la librairie. Arrivée sur place, son employeur fut surpris de la voir.
« Tu viens même en dehors de tes heures de travail maintenant ? Je sais que tu aimes ce que tu fais mais profite de ton temps libre ! » la taquina monsieur Richards qui se trouvait derrière le comptoir et gérait la caisse du magasin.
Mi-Hann s'approcha de lui et s'accouda sur le mobilier.
« Ah ! Cela aurait pu être le cas mais je viens vous voir pour tout autre chose à vrai dire. »
« Oh ? Dis-moi tout ma petite. » s'enquerra l'homme qui leva les yeux vers elle.
« Eh bien, vous n'êtes pas sans savoir que l'Oracle va faire une apparition aujourd'hui. » expliqua la jeune femme.
« Toute la ville ne parle plus que de ça ! Je serais un véritable ermite si je n'étais pas courant. » acquiesça le vieil homme en riant.
« Oui. Je sais que ce que je vais vous dire va sûrement vous surprendre mais…s'il vous plait, une fois son discours prononcé, quittez la ville le plus rapidement possible… »
« Hein ? Mais pourquoi donc ma petite Mi-Hann ? Tu es au courant de quelque chose ? » s'inquiéta le libraire.
« La Déesse Léviathan sera invoquée peu de temps après la venue de l'Oracle et il y aura de lourds dégâts et peut-être de nombreuses victimes…sans compter l'arrivée massive des impériaux. »
« Mais non, ne t'inquiète pas. J'ai confiance en notre gouvernement, il fera le nécessaire pour nous protéger, j'en suis convaincu. »
« Je suis très sérieuse monsieur. Je ne veux pas qu'il vous arrive malheur… » dit-elle d'un ton très grave.
Monsieur Richards interrompit le compte de la caisse et saisit doucement les mains de la jolie brune dans les siennes.
« Tu es adorable. Je te connais depuis que tu es haute comme trois pommes et tu n'as jamais changé de ce côté-là. Je suis vieux et j'ai vécu une belle vie. Je ne peux pas quitter ma boutique, elle est tout ce qu'il me reste. »
« Mais je… »
« Comprends-moi Mi-Hann. Je suivrai les recommandations du gouvernement s'il nous oblige à évacuer mais je ne bougerai pas d'ici tant que ce ne sera pas le cas. » refusa gentiment le libraire.
La jeune femme aux yeux verts baissa la tête et soupira. Elle aurait dû se douter qu'on ne la prendrait pas au sérieux. Et si sa belle-famille agissait de même ?
« Très bien, comme vous voulez. » obéit-elle à contrecœur.
Elle salua son patron et quitta la boutique. Sur le chemin du retour, elle remarqua que les rues commençaient à se vider petit à petit, les gens se rendaient déjà sur la place pour accueillir l'Oracle et être aux premières loges. Alors qu'elle atteignait enfin la maison, elle entendit Owen discuter avec sa mère sur le pas de la porte. Lorsque cette dernière l'aperçut, son sourire se changea en une moue sévère et elle l'apostropha sèchement.
« Ah te voilà toi ! Encore en vadrouille je ne sais où ? »
« Maman, arrête tu veux ? » la reprit le blond.
« Il faut que je vous parle, c'est important. » déclara la jolie brune.
« Tu ne vois pas qu'on a pas le temps ? » s'écria la mégère. « Le discours de l'Oracle va bientôt commencer et nous allons nous y rendre. Tu peux rester ici ! »
Owen fixa sa mère avec froideur ce qui déstabilisa cette dernière.
« Bien, bien ! Mais dépêche-toi ! »
« Allons dans le salon. » lança le jeune homme. « Ca a l'air assez grave. »
Ils s'exécutèrent et s'assirent chacun dans un fauteuil. Mi-Hann prit la parole, anxieuse et pleine d'appréhension.
« Je sais que ce que je vais vous dire pourra paraître insensé mais je vous assure que ce que je vais vous dire est la stricte vérité. »
« Qu'est-ce qu'il y a Mi-Hann, tu commences à me faire flipper… » s'inquiéta Owen.
« Il faut que vous quittiez la ville avant que l'Oracle n'ait terminé son discours. »
« Quoi ?! Que nous racontes-tu là ? » s'exclama la mère de famille, interloquée.
« Les impériaux vont bientôt envahir la ville et Lunafreya Nox Fleuret va réveiller l'Hydréenne. Vous ne serez plus en sécurité ici ! Vous devez partir ! »
La cinquantenaire éclata de rire. Le blond ne riait pas mais regardait la jeune femme, incrédule.
« Oh non mais ma pauvre fille, cette fois, tu as vraiment perdu la tête. Je savais que tu avais un problème mais à ce point ? Ah, qu'ai-je fait pour mériter cela ? » se plaignit la mère d'Owen.
Mi-Hann se leva vivement de son fauteuil et explosa, fatiguée d'être prise pour une idiote.
« Eh bien restez ici si ça vous chante ! Personnellement, je tiens à la vie. Je m'en vais et je ne remettrai plus jamais les pieds ici, vous m'entendez ?! »
« Partir ? Pour aller où ? Je t'ai nourrie, logée, blanchie et c'est comme ça que tu me remercies, petite impertinente ? » hurla la mégère.
Le blond se leva à son tour et essaya de calmer l'atmosphère tendue.
« Tu ne peux pas nous quitter Mi-Hann, nous formons une famille… »
« Une famille ? » s'exclama la jeune femme aux longs cheveux noirs. « Ne me fais pas rire ! Une famille pour toi oui, mais ils ne m'ont plus traitée comme leur fille dès que tu es venu au monde… » nia-t-elle.
« Tu as tort Mi-Hann. » affirma la mère. « Je ne t'ai jamais considérée comme ma fille. Si je t'ai acceptée chez moi, c'est simplement parce-que j'avais une dette énorme envers ta mère... »
« Une dette… ? Quelle dette ? » demanda la jeune femme.
La cinquantenaire tourna la tête sur le côté et croisa les bras.
« Je n'ai rien de plus à te dire. » refusa-t-elle de répondre.
« J'ai le droit de savoir ! C'était ma famille ! » s'écria Mi-Hann.
« Ta famille ? Ha ha ha ! Oui, si on pouvait appeler ça une famille. »
Submergée par la colère et la douleur, la brune serra les poings ce que sa belle-mère remarqua.
« Quoi, tu vas me frapper ? Tu n'oseras jamais ! » la provoqua-t-elle.
« Bien sûr que non, je ne vais pas m'abaisser à ton niveau. » rétorqua la jeune femme.
Folle de rage, la mégère accourut pour gifler sa fille adoptive mais Owen s'interposa entre les deux.
« Ca suffit maintenant ! » s'écria-t-il puis il se tourna face à la jolie brune. « Tu ne peux pas partir Mi-Hann, je ne te laisserai pas faire… » lui interdit-il tout en restant extrêmement calme.
« Je suis libre d'agir comme bon me semble. Je ne supporte plus de vivre ici, j'aurais dû fuir depuis longtemps… »
« Tu as changé Mi-Hann, je ne te reconnais plus. » dit-il avec regret.
« Est-ce que tu as déjà au moins essayé de me voir telle que j'étais ? » lui demanda-t-elle froidement, lassée de ses élucubrations.
« Celle que je connais, celle que j'aime depuis longtemps ne parlerait pas comme ça. Tu as besoin de repos, je vais te conduire dans ta chambre. »
Il essaya de saisir un de ses poignets mais elle se dégagea violemment pour l'empêcher de la toucher. Elle n'avait pas oublié son comportement lors de cette fameuse nuit.
« Je ne t'aime pas Owen et je ne t'aimerai jamais, tu m'entends ?! » vociféra-t-elle, épuisée de parler à un mur.
Et le coup partit sans qu'elle ne le voit arriver. Elle ressentit seulement la douleur foudroyante lorsque son corps frappa le mur en briques de la maison, sa tête heurtant brutalement la cloison. Elle sombra peu à peu dans l'inconscience alors qu'elle distinguait les deux silhouettes se rapprocher lentement d'elle.
Elle ouvrit faiblement les yeux et ne comprit pas où elle se trouvait mais surtout, qui était cet homme inconnu atteint par des stigmates qu'elle voyait dans le miroir ? Il avait les cheveux longs et noirs tout comme les siens et relevés en une queue de cheval, les yeux verts et la vingtaine. Mi-Hann ne pouvait pas bouger, elle ne pouvait que voir à travers ses yeux. Était-ce un rêve ? Était-elle morte ? La main gauche de l'homme se leva et toucha sa joue altérée par la maladie.
« C'est tout ce que je peux faire à présent. Laura, prends soin de notre enfant, pardonne-moi… »
La jeune femme brune se réveilla en sursaut, en sueur et la respiration irrégulière. Elle avait tellement mal à la tête qu'elle grimaça et se massa les tempes pour tenter de calmer la douleur. Qu'est-ce que c'était que ça ? Elle avait rêvé oui mais elle avait eu l'impression que ce qu'elle avait vu était bien réel. Qui était cet homme ? De plus, elle l'avait parfaitement entendu prononcer le prénom de sa mère et faire allusion à un enfant. N'était-ce qu'une coïncidence ? Elle secoua la tête, elle ne pouvait pas y croire. C'était le choc violent qui lui avait perturbé les sens, cela ne pouvait pas être autre chose…
Elle regarda autour d'elle et soupira de soulagement car elle se trouvait dans sa chambre et son journal se trouvait encore dans le sac qu'elle portait encore sur elle. La jeune femme ne savait pas combien de temps elle avait dormi mais suffisamment pour se rendre compte du bruit assourdissant à l'extérieur alors que la fenêtre était fermée. Mi-Hann se leva péniblement, toujours agressée par une migraine douloureuse et saisit la poignée de la porte de sa chambre qui était close.
« Que… ? » s'offusqua-t-elle.
Elle était enfermée dans sa propre chambre à double tour. Peu importe, rien ne l'empêcherait de quitter cette maison définitivement. La jolie brune ouvrit la fenêtre avec énergie et fut rassurée par la hauteur qui la séparait de sa liberté. Ce n'était pas si haut. Elle enjamba prudemment l'encadrement de la fenêtre et s'accrocha au bord pour se laisser tomber sur le sol. Elle perdit l'équilibre en essayant de se tenir sur ses pieds mais elle atterrit sur les fesses et poussa un cri de mécontentement. Elle se mit alors à courir à l'opposé de la direction de l'autel quand elle remarqua que les vaisseaux Magitek de l'Empire affluaient de toutes parts.
« Ce n'est qu'une question de minutes… » pensa-t-elle. « Ardyn doit déjà être sur place. »
Mi-Hann continua de s'éloigner mais c'est à ce moment-là qu'un vacarme assourdissant retentit et que le sol trembla sous ses pieds.
« Je suis partie trop tard… » souffla-t-elle péniblement.
Leviathan surgit des eaux habituellement calmes d'Altissia. La Déesse était gigantesque, la jeune femme pouvait la distinguer de là où elle se trouvait alors qu'elle était à mi-distance de l'embarquement. Dans le ciel, les vaisseaux impériaux se séparaient pour recouvrir la plus grande partie de la cité et prendre possession des points stratégiques. Les habitants avaient, pour la plupart, déjà été évacués, elle ne pouvait tout de même pas être la seule encore présente ? Sa famille adoptive l'avait-elle enfermée pour la laisser mourir seule ? Mi-Hann se ressaisit, elle ne pouvait pas abandonner tant qu'elle était encore vivante et elle poursuivit sa course jusqu'à l'extérieur de la ville. Seulement l'Hydréenne débuta ses premiers assauts en détruisant ce qu'elle trouvait sur son passage et d'innombrables blocs d'architecture furent projetés avec une violence inouïe. Certains s'écrasèrent sur les toits, d'autres atterrirent dans les eaux tumultueuses mais les bâtiments n'étaient en aucun cas épargnés. Du coin de l'oeil, elle aperçut la librairie, détruite et sentit son coeur se serrer. La jeune femme voyait des débris tomber de toutes parts et ne savait pas où se diriger lorsqu'en essayant d'éviter l'un d'eux, elle manqua brièvement de vigilance. Ce furent pourtant quelques secondes qui lui semblèrent durer une éternité. Le mur d'une bâtisse s'effondra subitement juste au-dessus d'elle et elle ne put que se jeter dans le vide pour tenter d'échapper à un écrasement qui lui aurait été fatal. Néanmoins, une nouvelle attaque lointaine de la Déesse avait dû provoquer un vent phénoménal car elle fut soufflée par la puissance de ce dernier et roula impuissante contre un pilier qui tenait encore debout. La fatigue, ses blessures, ses maux de tête et le comportement abject de sa famille adoptive eurent de nouveau raison d'elle et elle s'évanouit.
o-o-o-o
Ardyn attendait patiemment sur la plateforme de son vaisseau que l'Oracle termine le rite sacré afin que Noctis obtienne la faveur de l'Hydréenne mais le prince héritier manquait encore de combativité. Comme prévu, la cité avait été vidée de ses habitants, l'Empire avait donc le champ libre pour s'emparer d'elle. Du moins, c'était ce qu'espérait l'Empereur. L'homme aux cheveux violets savait pertinemment que les petits amis du jeune homme ne laisserait pas la ville tomber entre les mains des soldats Magitek. Ardyn ordonna au pilote du vaisseau de descendre sur l'autel alors que Noctis avait été projeté par Leviathan à quelques mètres de là. Il aurait ainsi tout le loisir de pouvoir assister au spectacle qu'il tenait à lui offrir.
Lunafreya peinait à tenir tête à la Déesse et avait déjà encaissé plusieurs de ses assauts. Grâce à son trident, elle pouvait encore la repousser et la soumettre mais elle ne savait pas combien de temps elle pourrait tenir. C'est à ce moment que l'homme traité en paria décida de l'honorer de sa compagnie mais il avait un objectif précis et n'avait pas le droit à l'erreur. Il savait qu'en agissant de cette façon, il pourrait obliger l'Oracle à venir en aide à Noctis. Sans aucune hésitation, Ardyn poignarda la jeune femme, sous les yeux du prince, avec la dague qu'il avait gardée lors de son entrevue avec Mi-Hann et s'amusa à provoquer ce dernier.
« Dépêche-toi, Noctis ! Ta promise t'attend ! »
« Je garde l'anneau… Je le donnerai…au roi légitime. » affirma Lunafreya, agonisante.
Ardyn réagit à la déclaration de l'Oracle et empoigna son menton de sa main droite tout en s'agenouillant face à elle. Elle ne pourrait pas s'empêcher d'effectuer sa mission divine et il se laissa donc faire quand elle posa ses mains salvatrices sur son bras, le regard empreint de compassion. L'expression faciale d'Ardyn évolua peu à peu, passant de son expression amusée et moqueuse habituelle au relâchement comme si quelque chose agissait sur lui et l'apaisait. Enfin, son regard changea subitement et il repoussa d'un coup sec la jeune femme en la giflant violemment.
L'homme se releva rapidement, s'éloigna et tourna le dos à l'Oracle tout en regardant le bras sur lequel elle avait déclenché son pouvoir. Puis, il reprit son assurance coutumière, la salua d'une révérence et remonta dans son vaisseau. Il lui suffisait à présent de patienter que Noctis obtienne la faveur de l'Hydréenne en la combattant grâce à l'aide de Lunafreya qui, au seuil de la mort, lui confierait son trident. L'appareil prit de l'altitude et l'homme aux cheveux violets qui se tenait sur la plateforme du vaisseau, s'éloigna de l'autel pour avoir une vue d'ensemble de la cité. Son regard fut attiré par la maison de Mi-Hann, qui était complètement détruite. Elle avait dû se mettre à l'abri puisqu'il lui avait permis de prendre une longueur d'avance, du moins, si elle n'était pas stupide. Il balaya immédiatement cette idée, elle ne l'était pas.
L'aéronef impérial continuait de survoler Altissia lorsqu'un autre détail attira l'attention d'Ardyn. Il ordonna l'arrêt de l'appareil qui rejoint la terre ferme et se dirigea vers la zone qui l'intriguait. Il se baissa et ramassa un objet parmi les décombres, objet qu'il avait vu briller intensément de sa position. C'était un pendentif à la couleur étrangement similaire à celle des iris de la famille Kurena. Sans chercher à comprendre son comportement, il glissa le bijou dans la poche de sa longue veste et observa les alentours car il n'arrivait pas à se défaire de cette pénible sensation. Ce sentiment disparut dès que ses yeux se posèrent sur une silhouette étendue à plusieurs mètres de lui. Une silhouette féminine, de longs cheveux noirs, il n'en fallut pas plus à Ardyn pour effectuer instinctivement une éclipse pour rejoindre l'éventuelle victime et vérifier si son impression était juste. C'était bien Mi-Hann. Il s'agenouilla et posa deux doigts sur la gorge de la jeune femme avant de constater qu'elle était bien vivante et qu'elle n'avait pas l'air d'être gravement blessée. Il resta plusieurs minutes à l'observer sans un mot comme s'il réfléchissait à ce qu'il devait faire, comme s'il se battait intérieurement et qu'il hésitait à prendre une décision. L'expression de son visage affichait un agacement mêlé d'incompréhension jusqu'à ce que ses bras soulèvent le corps de la jeune femme. L'odeur caractéristique de la jolie brune s'engouffra dans les narines de l'homme aux yeux ambrés qui marchait en direction du vaisseau Magitek. Arrivé à l'intérieur, il la déposa sur la couchette de sa cabine et retourna sur le pont pour continuer d'observer la ville des cieux. Ardyn aperçut alors Ignis, accompagné de Ravus, le frère de l'Oracle, qui se dirigeaient vers l'autel du rite sacré et un rictus se dessina alors sur ses lèvres.
o-o-o-o
Mi-Hann ouvrit les yeux et se retrouva de nouveau dans la même situation que la fois précédente. Elle était encore une simple spectatrice de son rêve, elle ne pouvait ni bouger, ni parler. La jeune femme ne pouvait que voir à travers les yeux de l'homme qu'elle avait vu dans le miroir.
« Edoran, est-ce que tu es certain de ta décision ? » demanda un homme blond aux yeux bleus d'environ trente ans. « Il n'y aura pas de retour en arrière possible car tout n'est qu'expérimental pour le moment. J'aspire à de rapides progrès qui permettront à l'Empire de gagner cette guerre. »
« L'Empire ? L'Empire du Niflheim ? » se demanda la jeune femme aux yeux verts.
« Il n'y a rien à faire Verstael, je suis condamné. J'ai déjà pris mes précautions concernant ma famille, je n'ai plus rien à perdre. » expliqua l'homme qui s'exprimait à la place de Mi-Hann.
« Verstael ! Mais qui est cette autre personne ? J'ai l'impression de le connaître. » pensa-t-elle.
« Cela me fait du mal de l'admettre mais je pense que mon conseiller a raison. » avoua le blond.
« Oui, les vies de nos patriotes ne doivent pas être gâchées. Je me souviens de ce qu'il a dit et je suis d'accord. C'est dans ce but que je me porte volontaire. »
« Je continue de dire que c'est dommage. Tu représentes l'un, si ce n'est le meilleur élément de cette armée. C'est d'autant plus frustrant que tu es à l'origine de tout ça. Sans ton savoir, nous n'aurions jamais pu mettre la main sur Ardyn Izunia et ses connaissances exceptionnelles de la civilisation de Solheim. »
« Ardyn… ? »
« Je n'ai fait que mon devoir mais merci Verstael, ton amitié me touche. Je suis fier de servir l'Empire et je le ferai jusqu'à la fin. »
« Ne partons pas défaitistes et assurons-nous que l'expérience soit un succès. »
« Oui ! »
La jeune femme ouvrit les yeux et se redressa paniquée, comme sortant d'un cauchemar. C'était la seconde fois qu'elle rêvait de cette personne et tout avait eu l'air tellement réel que c'en était effrayant. Elle ne comprenait pas pourquoi elle faisait ce genre de…elle ne savait même pas comment définir ce qu'elle avait vécu.
C'est en reprenant peu à peu ses esprits que Mi-Hann se rendit compte de l'endroit où elle se trouvait, elle fut soulagée de constater que ses maux de tête avaient disparu... Elle se pinça la joue, grimaça face à la légère douleur ressentie et réalisa qu'elle ne rêvait plus.
« Comment ai-je atterri ici ? » se demanda-t-elle.
Elle se trouvait de nouveau dans les appartements d'Ardyn et était assise sur son lit. En tournant la tête vers la table de chevet, elle remarqua que sa sacoche était posée dessus, qu'elle était intacte et qu'elle ne semblait pas avoir été ouverte.
« Est-ce lui qui m'a ramené ? »
Hésitante, elle se leva pour faire le tour des pièces et vérifier s'il était présent mais l'homme devait encore être en déplacement. Elle respira d'aise car même si elle se trouvait chez Ardyn Izunia, le Chancelier impérial, la jeune femme se sentait bien plus libre que dans son ancienne maison. Peu importait sa situation future, elle n'y retournerait plus jamais.
En détaillant chaque pièce pour se remémorer l'architecture de l'appartement, la jolie brune remarqua qu'il était un peu grand pour une seule personne, détail n'avait pas vraiment attiré son attention la première fois. Il y avait la pièce principale qui devait bien faire entre 40 et 50m² qui regroupait le coin salon, la bibliothèque, un espace cuisine et le lit, à l'écart. La salle de bain se situait à proximité de ce dernier et contenait une vaste douche, une baignoire d'angle et un lavabo. Les toilettes étaient dans une petite pièce indépendante. Et enfin, il y avait une porte dans le salon qui devait mener vers une autre salle. Sa proximité rendait Mi-Hann mal à l'aise sans trop comprendre pourquoi mais à sa connaissance, elle avait toujours été fermée à double tour. Elle baissa la poignée sans succès et se demanda ce qu'il pouvait bien y avoir derrière.
La porte d'entrée s'ouvrit au même moment, laissant apparaître Ardyn qui affichait son habituelle expression détachée. La jolie brune s'avança pour le saluer respectueusement.
« Bonjour Ardyn. » lui dit-elle en souriant.
« Bonjour ! » s'exclama l'homme en joignant exagérément le geste à la parole.
Mi-Hann enlaça ses doigts entre eux alors qu'elle fixait intensément le Chancelier impérial. Elle avait tellement de questions à lui poser qu'elle ne savait pas par où commencer mais il fallait qu'elle ait au moins une réponse pour l'une d'entre elles, la plus étrange à ses yeux.
« Ardyn, connaissez-vous un homme du nom d'Edoran ? » lui demanda-t-elle avec sérieux.
Intrigué par l'interrogation de la jeune femme car il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui demande autre chose que la raison de sa présence ici, l'homme aux cheveux violets eut une impression bizarre à l'évocation de ce nom mais cela ne lui dit absolument rien sur le moment.
« Comment était Verstael lorsqu'il était jeune ? Faisait-il des expériences sur les humains ? » poursuivit-elle.
Cette fois, il se départit de son détachement et regarda Mi-Hann avec incrédulité. Elle n'était pas censée avoir connaissance de cela, où avait-elle entendu parler du projet du scientifique ? La jolie brune remarqua immédiatement le changement d'attitude de celui qui avait maîtrisé l'art de la dissimulation.
« Alors ce que j'ai vu… »
« Qu'as-tu vu ? » s'enquerra vivement Ardyn dont la curiosité avait été attisée.
« C'était…étrange…J'ai eu l'impression de vivre une scène qui se déroulait sous mes yeux mais sans pouvoir m'exprimer ou agir. Deux hommes échangeaient au sujet d'une possible expérience scientifique et ils vous ont mentionné. L'un d'eux était malade, il portait les stigmates du fléau et savait qu'il était condamné. » expliquait la jeune femme.
Au fur et à mesure qu'elle parlait, son rythme cardiaque augmentait et elle se sentit mal à nouveau.
« Je…je ne sais pas pourquoi j'ai ces visions... Ça a commencé dès mon retour chez moi, dites-moi juste que ce que j'ai vu provient de mon imagination et que vous n'avez rien à voir avec ça ! Il faut que je sache si tout était bien réel ! »
Elle l'implorait du regard de lui en dire plus.
« Verstael Besithia. » finit-il par dire. « Il est le chef de la recherche scientifique de l'Empire de Niflheim. Ça, tu le sais déjà puisque tu l'as rencontré. Et en effet, il a été question d'expérimentation sur des humains. »
Mi-Hann passa sa main devant sa bouche, interloquée.
« Des expériences sur animaux et des humains ! »
« Cependant, cette autre personne dont tu parles ne me dit absolument rien. »
« Cet homme semblait vous connaître. Verstael disait que c'était grâce à lui si l'Empire avait mis la main sur vous et sur la technologie de Solheim. » détaillait-elle. « Seulement, je ne comprends pas le rapport avec moi… »
Ardyn non plus ne comprenait pas ce que cela signifiait et pourquoi ce nom lui était familier alors qu'il était incapable de se rappeler de l'individu en question. Il se souvenait parfaitement avoir aiguillé le scientifique dans ses recherches pour mener à bien ses plans. À sa sortie d'Angelgard, il était rapidement entré au service de la nation impériale en 722 et devenu le Chancelier de l'Empereur Iedolas Aldercapt mais cet Edoran lui était complètement sorti de l'esprit. Les victoires consécutives du Niflheim avaient poussé la mégalomanie naissante de Verstael à produire des créations Magitek de plus en plus puissantes, dans l'unique but était de prouver la grandeur de l'Empire et défier les Astraux. Il avait été ainsi aisé pour l'homme aux cheveux violets de manipuler le scientifique à sa guise mais comment Mi-Hann pouvait-elle être au courant d'un fait s'étant déroulé avant sa naissance ? Il savait ce qu'il lui restait à faire avant de se rendre à la gare de Cartanica, une fois que Noctis se serait décidé à sortir de sa léthargie. De ce qu'il avait appris, ce dernier n'était pas prêt à se bouger. La mort de sa chère Lunafreya l'avait cloué au lit et Ignis, son bras droit, qui avait perdu la vue, avait du mal à s'acclimater à son handicap.
« Ardyn ? »
La voix de la jeune femme le tira de ses pensées et elle remarqua qu'il était ailleurs.
« Tout va bien ? » demanda-t-elle avec douceur.
« Je dois m'absenter pour une heure ou deux, fais comme chez toi. » déclara-t-il en ignorant volontairement sa question.
Un gargouillement assez fort perça le silence qui venait de s'installer et Mi-Hann regarda ailleurs en rougissant de gêne.
« Ou tu peux aussi te servir si tu as faim. » ajouta-t-il avec un rictus amusé.
« M-merci… »
Le Chancelier quitta l'appartement pour se rendre dans le laboratoire de Verstael qui se situait dans l'usine Magitek de Graléa, la capitale de l'Empire. Il trouva sans difficulté le scientifique qui travaillait avec une obsession maladive sur sa nouvelle création.
« Bonjour professeur Besithia. »
« Ah, Ardyn ! Je ne te vois plus beaucoup alors que mes recherches arrivent presque à terme. » lança ce dernier sans décrocher des calculs qu'il était en train d'effectuer.
« Je vérifierai ta progression un autre jour. Je ne suis pas là pour ça. Pour l'heure, peux-tu faire une recherche ? Il y a un nom que j'ai entendu et qui m'interpelle sans que je puisse déterminer de qui il s'agit. »
« Un membre du personnel ? »
« Je n'en suis pas sûr. C'est ce que j'aimerais vérifier. »
« Comment s'appelle cet individu ? »
« Je n'ai qu'une partie de son identité : Edoran. »
« Edoran ? » lança Verstael qui leva subitement la tête vers lui, surpris. « Je peux t'en parler sans avoir besoin de chercher son dossier dans notre base de données. »
L'homme aux cheveux violet arqua un sourcil, intrigué.
« Ah oui ? »
« Et comment ! Il faisait partie de mon escouade lorsque nous t'avons extirpé de ta prison. C'est uniquement grâce à lui si l'Empire a eu connaissance de ton existence. C'était mon second plus précisément, un soldat extrêmement loyal et doué au combat. »
Ardyn commençait à se sentir mal à l'aise.
« Je vois…Que lui est-il arrivé ? »
« Malheureusement, il a été touché par le plasmodium. Enfin, je dis malheureusement parce qu'il faisait partie de ces soldats d'élite qu'on ne voit qu'une fois en une seule vie. Cependant, il a su faire preuve de fidélité jusqu'au bout… »
« Attends, c'est le soldat qui… »
Il devait s'agir de l'homme qui l'avait libéré en l'appelant avec son nom formel.
« Ah, ça y est, ça te revient ? » appuya le scientifique, le sourire aux lèvres. « Lorsque tu as énoncé la possibilité d'utiliser les soldats atteints par la maladie, il s'est tout de suite porté volontaire. » déclara-t-il avec fierté. « Il est le premier soldat Magitek ! Il y en a eu tant d'autres après mais comme on dit, on oublie jamais le premier. Quel dommage que l'intégrité de son égo ait été un échec, il aurait fait un soldat immortel d'exception. »
« Peux-tu afficher son dossier je te prie ? » demanda l'homme aux yeux ambrés, dont le doute s'effaçait de plus en plus.
Le scientifique s'exécuta sans se départir de son euphorie et tapa le nom du défunt sur le clavier. Ardyn leva les yeux vers l'écran et lut les informations le concernant.
« Edoran Riventail. Naissance : 8 février 695. Statut : disparu, supposé décédé au combat. Année d'affectation : 720. Grade : Capitaine. Riventail, c'est le nom de famille avec lequel il s'est présenté le jour où il s'est porté volontaire ? »
« Tout à fait. »
« Il n'y a rien d'autre ? »
« Regarde ici, il y a un sous dossier. C'est là que tous les détails du personnel sont enregistrés. » expliqua Verstael en joignant le geste à la parole. « Il est né Kurena mais il portait le nom de son épouse, Riventail. Oh, je m'en souviens comme si c'était hier… »
Ardyn ne l'écoutait plus que d'une oreille. Pourquoi était-il si étonné, c'était tellement évident en y repensant. Qui d'autre qu'un membre de cette famille aurait pu connaître son existence ? Le Lucis lui-même avait fini par oublier son nom au bout de 2000 ans d'Histoire. La famille Kurena était beaucoup plus liée à lui qu'il ne le pensait au départ. Elle n'avait pas seulement marqué son existence dans des livres mais elle était aussi responsable de sa libération. Ainsi, en quelque sorte, Fide avait tenu sa promesse. Seul perdurait le mystère de la connaissance de Mi-Hann de cette partie de l'histoire.
« Tu n'as pas écouté ? » s'indigna Verstael. « Écoute, c'est très important. Je sens que j'arrive à un tournant de ma recherche sur l'intégrité de l'égo après daemonification et j'ai besoin de tes connaissances pour vérifier une théorie. Je touche au but, je le sens. Bientôt, je serai capable de transcender le pouvoir des Dieux eux-mêmes ! » hurlait presque le scientifique, exalté par ses propres paroles.
« Soit. Si tu peux attendre mon retour de Cartanica, je t'aiderai à finaliser ton projet. »
« Bien, je compte sur toi. »
« Si tu veux bien m'excuser, je dois y aller. » dit-il en ôtant son chapeau pour le saluer.
Verstael répondit à son salut d'un grognement rauque tandis qu'Ardyn se dérobait à sa compagnie. Avec les années, le vieil homme s'était perdu dans sa soif de pouvoir insatiable et ses expériences avaient pris une tournure délirante. Utiliser des soldats atteints par le plasmodium avait été une idée du Chancelier au départ mais Verstael était allé de plus en plus loin jusqu'à utiliser des bébés puis à en produire en masse grâce à son adn. Ces enfants étaient élevés et entraînés à devenir des soldats puis transformés en soldats Magitek qui perdaient tous leur conscience, ce n'étaient plus que des créatures assoiffées de sang et incontrôlables. Le rôle du scientifique était terminé, ces trente années avaient été distrayantes mais devaient prendre fin, Ardyn ayant obtenu ce qu'il voulait. Le chaos s'était suffisamment étendu pour attirer l'attention des Dieux et provoquer la naissance de l'élu de la lumière.
Il revint à l'appartement en début de soirée et trouva Mi-Hann en train de lire, installée sur un fauteuil. Elle se leva directement, passa à côté de lui en l'accueillant avec un sourire et fila à la cuisine fouiller dans les placards et le réfrigérateur. La table était déjà mise et Ardyn s'aperçut qu'il y avait deux couverts, l'avait-elle attendu pour dîner ? La jeune femme devina ses intentions à son expression et prit l'initiative.
« Je sais que vous n'avez pas besoin de manger mais ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas apprécier un bon repas, n'est-ce pas ? »
Elle tira une des chaises, l'invita à s'asseoir et après quelques secondes d'hésitation, l'homme s'exécuta.
« Ce ne sera pas quelque chose de très sophistiqué car il manque pas mal d'ingrédients. » déclara la brune.
Il se contenta d'observer la jeune femme en silence qui s'affairait aux fourneaux. Elle fredonnait tout en cuisinant avec une joie non dissimulée et les odeurs des plats commençaient à embaumer l'appartement. Il l'écoutait chantonner, l'ensemble des senteurs et de sa voix mélodieuse était plutôt apaisant. Mi-Hann servit les deux assiettes et s'installa en face de lui.
« Bon appétit Ardyn ! » s'exclama-t-elle, joviale.
« Tu es étrange. »
« Comment ça ? »
« Tu as appris certaines choses, des choses dont tu n'aurais pas dû avoir connaissance et pourtant, tu continues de te montrer agréable et de sourire constamment. »
« Vous faites allusion au journal ou à ce que je vous ai raconté toute à l'heure ? »
« Les deux. »
Elle soupira et le regarda droit dans les yeux.
« Je l'admets, je ne comprends pas tout mais il me semble vous avoir dit que je ne changerai pas d'opinion sur vous. »
Il n'en crut pas un mot, pas après ce qu'il allait lui révéler.
« Veux-tu savoir qui est l'homme que tu as vu en rêve ? »
« V-vous, vous vous en êtes souvenu ? » demanda la jeune femme en bégayant, pressée d'en savoir plus.
« Pas vraiment. Je suis juste allé me renseigner à la source. »
« Vous avez parlé à Verstael ? Mais pourquoi ? »
« Cette histoire me concernait tout autant. » justifia-t-il. « Bon alors, ça t'intéresse ou on continue à tourner autour du pot ? »
« Oui, oui désolée. Allez-y. »
« Edoran est celui qui a indiqué à l'Empire l'endroit où j'étais enfermé. Il est également celui qui était présent le jour où j'ai été libéré d'Angelgard. »
« C'est…impossible…S'il savait pour vous, alors… »
Mi-Hann avait du mal à trouver ses mots car ses émotions grimpaient en flèche.
« Son nom était Edoran Riventail Kurena. »
« N-non, c'est…ce n'est pas vrai…K-Kurena ? Mais je…, mon père était… »
Elle garda le silence un moment, digérant l'information et essayant de reformer le puzzle de sa vie. Elle se rappela les mots de l'homme de sa vision. Il avait mentionné sa propre mère et sa belle-mère lui avait parlé d'une dette envers sa famille. Faisait-elle allusion à cela ? Il était trop tard à présent, elle n'aurait jamais toutes les réponses à ses questions. L'homme qui l'avait élevée n'était pas son père biologique et ce dernier était mort, utilisé comme un simple cobaye d'expérience de laboratoire. Mi-Hann leva des yeux mouillés vers Ardyn et osa lui demander la chose qui lui brûlait à présent les lèvres.
« Est-ce que vous saviez que mon vrai père avait servi d'expérience ? »
Ardyn fut subjugué par l'éclat exceptionnel des yeux baignés de larmes de la jeune femme. Il avait la sensation qu'ils le capturaient et il ne pouvait pas détourner son regard du sien. Il sentit son cœur battre anormalement plus vite et fut incapable de jouer avec elle comme il le faisait habituellement.
« Non, je l'ignorais. » avoua-t-il. « Je ne savais pas qu'il s'agissait d'un membre de la famille Kurena. Cependant, j'étais bien à l'origine de l'idée d'utiliser des soldats atteints dans le cadre des recherches sur le plasmodium. »
« L'auriez-vous empêché si vous l'aviez su ? »
« Il était condamné et tu le sais aussi bien que moi. »
« Je sais ! Je sais… » admit-elle en baissant la tête et en posant sa main sur son front. « Mais je ne peux pas croire que vous auriez laissé un Kurena se sacrifier aussi facilement. »
« Tu prétends encore… »
« Oui c'est vrai ! »
« Tu te trompes… »
« Alors pourquoi m'avoir ramenée ici ? Pourquoi ne m'avez-vous pas laissée mourir à Altissia ? »
Il se leva, la saisit par les épaules et la plaqua contre le mur, une étincelle de colère dans les yeux.
« Je n'ai pas peur de vous Ardyn. » le défia Mi-Hann.
« Tu as tellement tort de ne pas me craindre, tu ne sais pas de quoi je suis capable ! »
« Je vois clair en vous ! Pourquoi vous cacher derrière cette attitude et ces manières exagérées ? Je ne suis pas votre ennemie… »
« Silence ! »
« Non, je ne vais pas me taire, j'en ai assez d'obéir aux autres. Vous me ramenez ici sans rien me dire. J'ai perdu toute ma famille, je suis toute seule alors libérez-moi de cette malédiction si vous ne voulez pas de moi auprès de vous ! »
« Comme si tu avais la moindre idée de ce qu'était la solitude ! » s'écria-t-il, perdant patience et frappant le mur de son poing juste à côté du visage de la jeune femme afin de l'effrayer.
« Et pourtant je sais ! » répondit-t-elle sans détacher son regard provocateur du sien. « Qu'on le soit pendant un an, dix ans, trente ans ou deux mille ans, au final, c'est ce qui s'appelle être seul. On est seul, c'est tout. C'est un fardeau permanent depuis ma naissance, je n'ai pas demandé à l'être et je vous interdis de me prendre de haut sous ce seul prétexte ! »
Ardyn sentait son rythme cardiaque s'accélérer et des émotions contradictoires s'insinuer en lui. Elle était douce et sauvage à la fois, effrontée et humble à la fois. Il pouvait lui prendre la vie à n'importe quel moment et pourtant, il n'y avait aucune peur dans ses yeux. Elle le regardait avec détermination et franchise, elle le voyait tel qu'il était sans être dérangée le moins du monde par sa nature d'immortel. C'était différent de la première fois où seules ses pulsions s'étaient exprimées, contenues par des siècles d'abstinence alors qu'il éprouvait un profond désintérêt pour l'acte charnel. Son corps n'était plus suffisant, il voulait autre chose. Il la désirait autant qu'il la repoussait et il savait que cette lutte incessante finirait par prendre fin d'une manière ou d'une autre. Ce qui était certain en revanche, c'est que d'avoir vu cet homme tenter de la poignarder dans la ruelle lui avait fait prendre conscience que s'il avait voulu la supprimer, il l'aurait fait depuis longtemps. Après tout, il avait tué l'Oracle si facilement sans rien ressentir parce qu'il s'était détaché émotionnellement de tout ce qui concernait les autres mortels mais ce petit bout de femme qui l'observait en ce moment, il était incapable de lever ne serait-ce qu'un doigt sur elle.
« Si vous ne voulez pas partager votre fardeau avec moi alors, tuez-moi, qu'on en finisse avec la lignée des Kurena une bonne fois pour toute ! »
Elle avait prononcé le mot de trop. Ardyn colla sa bouche contre celle de la jeune femme et l'embrassa comme si sa vie en dépendait. Elle écarquilla les yeux de surprise mais se laissa rapidement aller à ce contact fougueux qui dura de longues secondes et agrippa sa chemise pour prolonger le baiser avant que l'homme n'y mette fin. Mi-Hann le fixa en silence, immobile, les joues rouges de désir, avide, elle n'avait pas oublié la sensation de ses lèvres sur les siennes. Ardyn tourna la tête sur le côté, ayant visiblement du mal à cacher sa gêne et tenta de reprendre contenance.
« Ah, tu parlais trop, c'était très ennuyeux… »
« O-oui, euh… » bafouillait-elle.
Son cœur martelait dans sa poitrine et la migraine revint, bien plus persistante et douloureuse cette fois. Un sifflement insupportable et la luminosité de la pièce la forcèrent à fermer les yeux et elle sentait que sa tête était comme une enclume.
« Aie ! » s'écria-t-elle en se tenant la tempe. « Non, pas encore… »
Ardyn la regarda de nouveau en l'entendant se plaindre et la vit grimacer puis se laisser tomber le long du mur en gémissant. Mi-Hann était sur le point de s'évanouir, un voile noir apparut et elle sombra dans l'inconscience.
« Bonjour Mi-Hann… » salua une voix masculine qui lui était étrangère.
La jeune femme ouvrit les yeux et vit qu'elle était dans son propre corps. Était-ce le présent, le passé ou le futur ?
« Où suis-je et qui êtes-vous ? » demanda-t-elle perdue.
L'homme sourit gentiment.
« Tu te trouves dans mon plan astral et tu me connais assez bien, très bien même. » expliqua-t-il sans se départir de sa douceur.
La jolie brune se mit à l'observer plus en détails. Il était vrai que cet homme lui semblait familier, pourtant, c'était la première fois qu'elle le voyait mais elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir un sentiment de sécurité et de bien-être en sa présence. Il avait les cheveux mi-longs noirs ébène qui se terminaient en une fine natte le long de son cou, les mêmes yeux qu'elle, d'un vert émeraude brillant et la peau mate.
« Seriez-vous Fide Kurena ? » questionna-t-elle.
« Touché ! » s'exclama-t-il, un léger sourire aux lèvres.
« Mais vous êtes m… »
« Mort ? Oui. C'est le cas. » devina Fide.
« Alors comment puis-je vous voir, suis-je morte moi aussi ? »
« Rassure-toi, tu es bel et bien vivante. Tu es seulement endormie, il n'y a qu'ainsi que je peux communiquer avec toi. »
« C'est donc vous qui êtes responsable de ce qu'il m'arrive. Je savais que ce n'était pas normal mais pourquoi maintenant ? Je n'ai jamais vécu ce genre d'expérience avant… »
« Tu n'en as pas une petite idée ? » interrogea l'homme aux cheveux noirs avec un sourire espiègle.
« Ardyn… »
« Tout juste. » acquiesça Fide en croisant les bras, soucieux. « Est-ce que tu penses que le destin est écrit à l'avance ? » lui demanda-t-il avec sérieux.
Mi-Hann réfléchit un instant.
« Je ne sais pas vraiment. J'ai plus tendance à croire que ce sont les gens qui écrivent leur propre histoire et celle des autres s'y retrouve parfois mêlée. »
« Nous sommes tous les marionnettes des agissements des uns ou des autres, les Dieux eux-mêmes n'ont pas le pouvoir de tout contrôler. J'entends par « nous » ce qui représente tous les êtres vivants d'Eos. »
La jeune femme ne voyait pas où il voulait en venir. Faisait-il allusion à Ardyn ? De plus, qu'était-ce que ce plan astral ?
« Quel est cet endroit exactement ? Que représente le plan astral ? »
« C'est l'endroit où s'écoulent les âmes qui sont prisonnières entre le monde des vivants et le monde des morts. Comme tu peux le voir, je suis coincé ici depuis ma mort. »
Mi-Hann joint ses mains et les serra presque dans une prière.
« J-je me suis toujours demandée ce qu'il vous était arrivé. J'aurais souhaité pouvoir poser la question à Ardyn mais j'ai l'impression que je lui ferai ressasser des souvenirs particulièrement douloureux. »
« Je vais te montrer ce par quoi il est passé. Du moins, tu verras au travers de mes yeux et tu ne pourras que tenter de l'imaginer par toi-même. J'en ignore également une grande partie mais ça devrait être suffisant pour que tu comprennes. Néanmoins, je dois t'avertir, ce sera douloureux. Même si ton corps ne subit aucun dommage, tu vivras ce que j'ai vécu. Es-tu prête à subir en échange de la vérité ? »
« Oui ! Je veux comprendre… »
« Tu n'as pas hésité. Très bien. Alors allons-y… »
Ainsi, la jeune femme vit, entendit, sentit, subit et ressentit le jour de la mort de Fide Kurena. Elle vit le cachot et les conditions d'enfermement d'Ardyn elle entendit ses hurlements de douleur, vit ses larmes et entendit le rire machiavélique de Somnus Lucis Caelum alors qu'il lui faisait manger son propre Chocobo et qu'il le frappait à mort. Elle sentit les horribles odeurs de sang et de mort qui régnaient en maître sur le lieu, elle subit le transpercement sans pitié de la lame du Roi de l'époque et ressentit l'effroyable douleur dans sa poitrine, son bras et son dos qui lui tirèrent des hurlements d'agonie. Elle ressentit l'humiliation, le dégoût, la honte, la déchéance, la tristesse, la haine et la solitude.
À quatre pattes devant le choc de la vision de Fide, Mi-Hann pleurait et écumait de rage et de frustration.
« C'est abominable ! Non, je n'ai pas les mots…Il n'y a aucun mot pour définir ce qu'il a fait… »
« Et pourtant, Somnus n'est pas si différent d'Ardyn. Ce sont tous les deux les victimes de l'arrogance et de l'imperfection des Dieux et des humains. Ils ne sont pas si différents de nous au final. J'ai vu ce que Somnus a effectué grâce à ma descendance. C'était un Roi bon et juste avec le peuple qui a combattu les ténèbres avec l'Oracle suivante mais il était en réalité très seul. La mort de son père et de sa femme, la daemonification de son frère aîné l'ont anéanti, il a changé. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il a commencé à avoir des regrets mais il n'a jamais eu le courage de revenir voir son frère et c'est comme ça qu'Ardyn a fini par être oublié de tous. » détailla tristement le meilleur ami de ce dernier.
La jeune femme aux yeux verts baissa la tête, empathique. Tout n'était pas blanc ou noir dans les relations humaines et chaque événement était relié à une seule chose : le mal de la planète.
« Oui Mi-Hann. C'est cela l'origine, l'unique responsable de tout et Ardyn le sait. Il l'a toujours su. »
« Ne cherche-t-il pas à se venger ? » demanda-t-elle.
« C'est ce qu'il voulait au départ. Il était submergé par la rancœur et la haine mais 2000 ans ont passé. Il est resté seul dans une cellule, isolé du reste du monde qui poursuivait sa vie alors qu'il était bloqué dans le temps. Ce n'est qu'une partie de ce qu'il recherche réellement et tant qu'il n'aura pas atteint son objectif, je ne pourrais pas reposer en paix. Le serment fait à son père me lie à lui jusqu'à sa mort. » expliqua l'homme.
« Est-ce pour cette raison que vous avez guidé la lignée ? Car sans un Kurena, Ardyn n'aurait jamais pu sortir et donc… »
« L'élu de la lumière ne serait jamais apparu et il est le seul à pouvoir purifier le monde…Tant qu'Ardyn était enfermé, le mal de la planète ne pouvait être que repoussé, jamais éliminé complètement. » poursuivit Fide. « C'est lui, à l'origine, qui avait été choisi pour endosser ce rôle. »
« Que va-t-il se passer ? » s'enquerra Mi-Hann qui se sentait de plus en plus tourmentée.
Fide marqua une pause, il semblait souffrir intérieurement.
« Je ne peux pas agir sur tout et je n'avais pas prévu cette éventualité. »
« … ?... »
« Mi-Hann, il est en train de s'ouvrir à toi, il a déjà commencé à se rendre compte que quelque chose changeait en lui. »
Elle rougit aussitôt en entremêlant ses doigts, la chaleur s'engouffrant dans son cœur.
« Es-tu consciente que votre relation n'a aucun avenir ? »
« Quand bien même, je veux rester auprès de lui. Tu es celui qui es le mieux placé pour me comprendre. »
« Son destin est cruel et inévitable. Je ne peux pas prévoir ce qui arrivera si jamais il s'éprend de toi. » avertit Fide.
« Je suis prête à en assumer les conséquences. »
« Bien. Je ne me manifesterai plus. J'observerai et je patienterai jusqu'à ce que ce jour arrive. Adieu Mi-Hann. »
La jeune femme n'eut pas le temps de répliquer car elle se sentit attirée ailleurs et se réveilla, enfin reliée à la réalité, sur le lit. Elle se réjouit que le phénomène ne se reproduise plus car elle était frustrée de perdre le contrôle de son corps et de son esprit. Elle entendit le son de l'eau coulant de la douche de la salle de bain et se leva pour débarrasser la table. Ardyn avait à peine touché à son assiette, peut-être n'avait-il pas apprécié sa cuisine.
« Ça te prend souvent de t'évanouir comme ça ? » demanda l'homme qui venait de sortir de la pièce d'eau.
Mi-Hann se retourna pour lui faire face et secoua la tête lentement.
« Non mais ça ne devrait plus se reproduire dorénavant. »
Il ne comprit pas où elle voulait en venir. La jeune femme se demanda si elle devait lui raconter ce qu'elle avait vécu. Lui parler de Fide pourrait probablement tout remettre en cause et elle ne voulait pas qu'Ardyn puisse se détourner de son but. Néanmoins, elle décida quand même de lui transmettre ce qui aurait dû lui revenir de droit et se dirigea vers sa sacoche pour l'ouvrir et en sortir le journal. Mi-Hann le saisit délicatement et le tendit à l'homme aux cheveux violet qui la fixa intensément, comprenant ce dont il s'agissait.
« Je ne sais pas si… »
« Vous n'êtes pas obligé de le lire si vous ne le souhaitez pas mais je sais que c'est ce qu'il aurait aimé. C'est en grande partie à vous que ce journal était destiné. »
Ardyn ne répondit pas et se contenta de prendre le vieil ouvrage en détaillant la couverture. La qualité et l'usure de la reliure et des pages ne lui laissaient aucun doute quant à son origine. C'était une œuvre datant de la civilisation de Solheim. Il fut envahi à la fois par l'appréhension et la curiosité mais ne se sentit pas la force de le lire sur le champ et remit cela à plus tard. Il jeta un œil discret dans la direction de la jolie brune qui n'avait pas détaché son regard de lui et ses yeux s'attardèrent brièvement sur sa bouche pulpeuse et rougie. La gêne le fit décrocher presque immédiatement. Qu'est-ce qu'il lui avait pris ?
« Vous allez bien ? » demanda Mi-Hann, inquiète de son changement d'attitude.
Décidément, la perspicacité était inscrite dans les gênes des Kurena.
« Ne fais pas attention. » dit-il en reprenant son aisance habituelle.
« Est-ce que vous repartez bientôt ? » interrogea-t-elle avec appréhension.
« Je vais t'épargner les détails insignifiants, c'est prévu oui mais pas dans l'immédiat. D'après mon informateur, pas avant au minimum une semaine. »
La jeune femme fit le lien avec les événements à Altissia.
« Est-ce qu'il y a un rapport avec l'Oracle et l'héritier du Lucis ? »
« L'Oracle est morte. » déclara Ardyn, d'un ton neutre.
« Quoi ? »
« Je l'ai poignardée avec la dague que ton petit ami m'a si généreusement offerte. » expliqua le Chancelier impérial sans éprouver de remords.
« Ce n'est pas mon petit ami ! » nia-t-elle en bloc en enfonçant ses poings sur ses hanches.
« Je viens de te dire que j'ai poignardé la sacro-sainte élue des Dieux et tu n'as retenu que ça de ma tirade ? »
La jolie brune soupira et croisa les bras.
« Je ne compte pas remettre en cause vos agissements mais si vous voulez vraiment savoir ce que j'en pense, eh bien, oui, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle ne méritait pas de mourir. Elle avait l'air d'être quelqu'un de bien. Il s'agissait de l'Oracle après tout mais si je vous demande pourquoi vous l'avez fait, vous allez sûrement me répondre « ça ne te concerne pas ». » s'exclama Mi-Hann en essayant d'imiter la voix grave d'Ardyn.
Il eut un rictus, amusé par le comportement enfantin de la jeune femme.
« C'était un mal nécessaire. » se contenta-t-il de répondre.
Mi-Hann le regarda avec incompréhension, perdue dans ses réflexions. Que voulait-il dire par « un mal nécessaire » ?
« En dehors d'atteindre le prince pour le faire réagir, je ne vois pas. »
« C'est en effet une des raisons qui m'ont poussé à agir mais ce n'est pas drôle si je te dévoile tout maintenant. Creuse-toi un peu la tête pour le découvrir. »
« Qu'est-ce que j'y gagne si je trouve ? »
« Tu essaies de marchander avec moi ? Et sur la mort d'une personne en plus ? N'as-tu donc aucune pitié ? » demanda-t-il en feignant d'être choqué.
« Pourquoi ne pas simplement accepter ? » poursuivit Mi-Hann en ignorant toutes les questions de l'homme qui n'étaient là que pour se moquer d'elle.
« Il se trouve que je préfère fixer les règles, ma chère. »
« Vous craignez de perdre peut-être ? »
Ardyn arqua un sourcil devant l'air provocateur de la jolie brune mais il avouait que ce petit jeu était extrêmement divertissant.
« Très bien, j'accepte ton pari mais je pose une condition. »
« Laquelle ? »
« Tu n'as que 24 heures pour déterminer au moins une raison supplémentaire ayant justifié mon acte. »
« D'accord, j'accepte. » acquiesça la jeune femme aux yeux verts sans avoir trop hésité. « Et donc, si je gagne, je veux que vous acceptiez une requête et ce, sans vous défiler. »
« Me défiler moi ? Voyons, je n'oserai jamais ! » s'exclama faussement l'homme aux cheveux violets.
« Et que vous ne refusiez pas au dernier moment. » précisa-t-elle.
« Soit. »
À vrai dire, Mi-Hann connaissait déjà une des nombreuses autres motivations d'Ardyn et était assurée de remporter leur petit pari mais elle se garda bien de le lui dire. Elle remercia Fide intérieurement d'avoir été si expressif dans son journal et eut hâte d'être au lendemain pour réclamer son dû. En attendant, elle était heureuse de pouvoir échanger presque normalement avec l'homme aux yeux ambrés qui était moins sur la défensive, plus accessible même s'il gardait son besoin de jouer avec elle. Tant que ce n'était pas pour lui nuire, il pouvait bien continuer d'être ainsi et elle y avait certainement pris goût puisque cela ne l'offusquait plus. La jeune femme avait la nette impression que malgré sa tendance à vouloir tout contrôler, l'homme aux cheveux violets était plus détendu. Elle ne pouvait pas encore dire qu'il était naturel car l'ancien Ardyn ne se comportait pas de cette façon. Néanmoins, elle acceptait aussi le fait qu'il ne reviendrait probablement plus puisqu'il était passé par des choses qui l'avaient changé du tout au tout et il était peut-être impossible de refermer complètement des plaies ouvertes depuis 2000 ans.
La nuit était déjà bien avancée et il commençait à se faire tard. Mi-Hann tombait de sommeil ce que ne tarda pas à remarquer l'homme effacé de l'Histoire.
« Tu peux prendre le lit. »
« Ah, merci. » dit-elle en souriant. « Mais euh…, vous ne venez pas ? »
Il se retourna vivement en l'observant d'un air interrogateur. Elle se rendit compte de sa question déplacée et embarrassante et essaya de se justifier en bafouillant mais ses joues rougies trahirent sa gêne.
« Euh…je veux dire…comme on a déjà…enfin, vous savez…comme on a déjà dormi ensemble… »
Ardyn s'en rappelait même très bien et ils n'avaient pas fait que dormir ensemble. Se remémorer ces moments le plongèrent dans un trouble révélateur car il y a quelques temps en arrière, il n'aurait pas hésité à profiter de la situation. Cependant, il se refusa étrangement à prendre le moindre risque et éviter ainsi de perdre le contrôle s'il se retrouvait à proximité du corps dénudé de la jolie brune.
Mi-Hann se rendit dans la salle de bain et fit couler l'eau chaude pour préparer son bain. Elle s'assit sur le bord de la baignoire en attendant que cette dernière se remplisse et songea à ce qu'elle avait dit à l'homme aux cheveux violets sans réfléchir. Leurs rapports n'avaient pas débuté normalement, d'ailleurs, elle ne pouvait pas parler de relation normale avec lui tant il sortait de l'ordinaire. Elle arrêta le robinet, se dévêtit et se regarda dans le miroir. Son corps était couvert d'ecchymoses par endroits. Elle en avait sur les cuisses, le ventre et le bas du dos. Mi-Hann trouva ironique le fait d'avoir passé plus d'un mois avec l'individu le plus dangereux au monde sans qu'il ne lui inflige aucune blessure et d'avoir été frappée, humiliée et presque assassinée une fois rentrée auprès d'humains ordinaires. Son seul nom de famille la différenciait des autres aux yeux d'Ardyn et elle se demanda si son comportement n'était finalement pas dû à ce seul fait. La jeune femme secoua lentement la tête, évidemment qu'il s'agissait de cela puisque c'étaient les traits physiques particuliers transmis par la lignée qui avaient interpellé Ardyn au premier abord. Elle décida de ne plus y penser et plongea lentement et progressivement son corps endolori dans l'eau apaisante.
« Aie, aie, aie… » gémit-elle.
La porte s'ouvrit avec fracas sur l'homme aux yeux ambrés, alerté par les plaintes de Mi-Hann. Il aperçut aussitôt les marques sur le corps de cette dernière.
« Ah ! » s'écria-t-elle surprise en cachant sa poitrine avec ses mains et en s'accroupissant complètement dans l'eau.
« Ne t'évanouis pas dans la baignoire, je ne veux pas me retrouver avec une noyée sur les bras. » justifia-t-il maladroitement.
Il referma la porte aussi sec et se mit une claque mentale. Bon sang, qu'est-ce qu'il n'allait plus chez lui ? Il l'avait déjà vu nue sans en être particulièrement gêné et à présent, il se comportait comme un jeune homme voyant le corps d'une femme pour la première fois. Il songea aux bleus qu'elle portait sur elle. Les mortels étaient des êtres fragiles. Il fouilla dans l'armoire murale la plus à droite de la cuisine, un meuble qu'il n'utilisait jamais de par sa condition mais qui était souvent usité par ces derniers et en sortit un tube qu'il posa ensuite sur la table.
Mi-Hann sortit de la salle de bain vêtue d'une simple serviette de bain et se dirigea vers la penderie pour enfiler quelque chose de plus habillé.
« Attends. » l'apostropha Ardyn. « Applique-toi ça, ça devrait soulager la douleur. » dit-il en lui lançant habilement le tube de crème qu'elle attrapa sans difficulté.
« M-merci Ardyn… » répliqua-t-elle, touchée par son attention.
Elle s'assit sur le lit, dos à l'homme qui la surveillait du coin de l'œil et se massa les cuisses puis le ventre avec le remède en ayant baissé au préalable sa serviette. Seulement, elle ne pouvait pas appliquer correctement le gel sur son dos ce que remarqua le Chancelier impérial.
« Je vais le faire. » dit-il sans pouvoir contrôler les paroles qui sortaient de sa bouche. « Enfin…tu peux très bien te débrouiller seule… » corrigea-t-il.
« Ca ne me dérange pas. » assura-t-elle doucement.
« … »
Hésitant, il s'assit lentement et se plaça derrière elle. Mi-Hann avait relevé la serviette de gêne pour cacher sa nudité.
« Je ne peux rien faire si tu restes comme ça. » déclara l'homme en arquant un sourcil.
Les joues rouges, elle laissa retomber le vêtement autour de ses hanches et dégagea ses longs cheveux noirs sans oser prononcer le moindre mot. Ardyn enleva ses mitaines tout en détaillant les larges ecchymoses longeant sa colonne vertébrale jusqu'au bas de son dos et commença à appliquer le gel sur la peau de la jeune femme. Elle ferma les yeux et mordit sa lèvre inférieure sous la sensation du toucher de l'homme aux cheveux violets et de la douleur ressentie. Elle se sentit frissonner et eut la chair de poule lorsque les doigts de ce dernier firent de lents arcs de cercle pour faire pénétrer la crème qui laissa un point de chaleur sur la zone altérée. Elle avait la peau d'une extrême douceur et son odeur caractéristique dont il s'était rapidement imprégné envahirent son esprit si bien qu'il eut l'envie irrépressible d'y goûter. Ardyn baissa lentement la tête s'apprêtant à poser ses lèvres sur la nuque de Mi-Hann mais il interrompit son geste au dernier moment, n'osant pas aller jusqu'au bout de sa pensée, réalisant soudain ce qu'il était en train de faire et se leva pour s'éloigner de la jeune femme aux longs cheveux noirs.
Il alla s'asseoir sur un des fauteuils du salon, le plus loin possible d'elle et passa sa main dans ses cheveux, préoccupé par les battements frénétiques de son cœur.
Mi-Hann le remercia presque dans un murmure, alla enfiler un vêtement et se coucha dans le lit, seule, après avoir éteint la lumière. L'homme aux cheveux violets resta un moment dans l'obscurité, la tête posée sur le cuir du fauteuil, fixant le plafond de l'appartement en silence. Puis, il sortit le journal de Fide et regarda la couverture pendant de longues secondes avant de se décider finalement à l'ouvrir sur la première page. Dès la lecture des premiers mots, il reconnut instantanément l'écriture de son ami décédé.
1 - Il était plus grand que n'importe qui, portant fièrement son héritage et acceptant son destin avec courage. Celui dont je fais mention est un héros dont le nom, je l'espère, traversera les siècles et frappera les cœurs de la même intensité qu'au moment où je l'évoque. Il est un héros mais il est avant tout un ami, un frère. Son nom est Ardyn Izunia, élu des Dieux et héritier légitime de la lignée Lucis Caelum. Je ne suis que son humble serviteur, Fide Kurena mais cet homme d'une bonté inégalée ne m'a jamais considéré comme tel. Le décrire uniquement par écrit ne me permettra pas de saisir toute la beauté de son âme mais vous comprendriez si vous aviez la chance de le connaître. C'est un être d'une bienveillance et d'un altruisme absolus, affable et désintéressé. À notre première rencontre, j'ai été impressionné par son charisme qui force le respect. Mais surtout, ce n'est pas le genre de personne à juger un livre à sa couverture. À vue d'œil, cela ressemble à une déclaration d'amour, n'est-ce pas ? Ardyn rira quand il lira cela ah ah…
Un faible sourire se forma sur son visage, mêlé de nostalgie et d'amertume. L'homme tourna quelques pages au hasard.
8 - Notre voyage a débuté ce jour. J'ignore le moment exact de notre retour mais j'ai l'impression que nous partons pour un périple long et hasardeux. Ardyn m'a souvent dit que j'avais un bon instinct mais cette fois-ci, j'espère qu'il se trompe. Je ne le sens pas. Pourquoi n'arrive-je pas à me défaire de cette sensation ? Mon ami semble serein malgré les affres qui lui enserrent le cœur, il avance droit devant lui, déterminé et conscient de sa tâche.
24 - Nous nous sommes fait une promesse ce jour-là. Je nous vois déjà, vieux et gâteux, autour d'un bon feu à rire de nos souvenirs de jeunesse pendant que je lirai ce mémoire. Mon esprit aura probablement oublié beaucoup de choses d'ici-là mais cet ouvrage sera là pour le rafraîchir au moment venu et je souhaite ardemment que les générations futures soient les lecteurs de l'événement historique le plus incroyable à venir…Et si jamais je meurs avant de parvenir à terminer ce journal, sachez que ma mémoire les suivra pour que jamais ne s'éteigne la flamme et la volonté qui m'animent.
32 - Son fardeau est trop lourd à porter, je me sens impuissant devant la souffrance qui se lit parfois sur son visage. Il tente de faire bonne figure en dissimulant son mal-être derrière un faux sourire mais comment ne pas se sentir désespéré face à la cruelle réalité ? Les personnes atteintes par l'épidémie finissent par se transformer en monstres et il n'y a rien à faire pour enrayer cela. Ardyn a simplement évoqué l'inutilité de son don avant de s'enfermer dans sa chambre, je ne sais pas quoi faire pour l'aider…
46 - Ma fille est enfin née. Je me sens tout drôle, la nervosité a laissé la place à l'appréhension. Elle vient à peine de venir au monde et je m'inquiète déjà de son futur. J'espère qu'elle aura une vie heureuse et qu'elle grandira dans un monde débarrassé de ce terrible fléau. Eléonore m'a demandé si j'avais une idée de nom même si elle se doutait de ce que j'allais lui proposer en partie. Ce sera un prénom en A. Evidemment…
55 - Ardyn sera tellement heureux quand il le verra. Ce Chocobo est bien plus beau que celui de feu son père. On dit que ces animaux rares ne se laissent pas monter par n'importe quel humain mais je le vois dans les yeux de ce volatile, il lui est destiné. C'est une profonde et indélébile certitude.
61 - Somnus est monté sur le trône. Ardyn aurait dû se tenir à cette place. Lorsque je regarde le siège royal, je ne peux m'empêcher d'imaginer mon ami trônant fièrement dessus, moi à ses côtés. Je sais que c'est présomptueux de ma part mais jamais je ne pourrais espérer plus grand honneur que de continuer à servir cet homme exceptionnel…Je ne peux pas accepter ce qu'ils lui ont fait subir, la situation est trop injuste car il n'est en rien responsable de ce qu'il lui est arrivé. Ardyn m'interdirait de le prendre en pitié mais ce n'est pas de la pitié. C'est de la colère, à l'égard des Dieux, de l'Oracle, du Cristal, de Somnus surtout. Comment a-t-il pu faire ça à son propre frère ?
79 - Un drame a eu lieu. L'épouse bien-aimée de Somnus est décédée dans des circonstances obscures. Je ne peux imaginer son tourment. Son voyage à Angelgard s'est produit dans le plus grand des secrets, presque personne ne savait qu'il y était allé. J'ai tenté d'en apprendre plus mais on m'a violemment congédié dans mon laboratoire. Pour moi, il n'y a qu'une seule possibilité : Aurore a attrapé la maladie. L'Oracle étant décédée, il n'y a qu'une seule personne capable de la soigner. Somnus a dû demander à Ardyn de la guérir, je ne vois rien d'autre. Que s'est-il passé là-bas ? …
83 - Somnus m'a enfin autorisé à aller le voir mais je ne sais pas, j'ai un mauvais pressentiment. Je n'arrive pas à me sortir cette impression de la tête. J'ai le souffle court et les mains tremblantes alors que j'écris, cela ne m'était jamais arrivé avant. Par mesure de sécurité, j'ai donné des instructions à ma famille dans le cas où le Roi ordonnerait mon emprisonnement, je ne veux pas que ce journal tombe entre de mauvaises mains. J'ai du mal à poser mes idées et mes travaux concernant l'épidémie sont au point mort. Je n'arrive à penser à rien d'autre qu'à mon très cher ami. J'ai enfin pu tenir ma promesse. Pourvu qu'il aille bien. Le garde vient de frapper à la porte, il est l'heure pour moi d'y aller. Je consignerai l'intégralité de ma visite par écrit à mon retour…
Le journal s'arrêtait ici.
« … »
Ardyn referma doucement le vieux livre en silence, le visage fermé et la mâchoire serrée. Des sentiments contradictoires s'infiltraient dans son cœur, des émotions oubliées depuis des siècles qu'il avait enfoui profondément en lui remontaient à la surface et le submergeaient. C'était à Mi-Hann qu'il les devait et plus précisément, à sa lignée. Plus que jamais, son objectif était limpide mais il devait patienter encore un peu.
La jeune femme se réveilla dans le grand lit qu'elle avait occupé seule.
« Vous êtes resté là toute la nuit ? » demanda-t-elle en remarquant qu'Ardyn n'avait pas bougé de sa place.
Il se leva et se dirigea vers elle, le livre dans la main droite et le lui tendit. D'un geste délicat, elle repoussa le journal dans sa direction en secouant la tête.
« Il est parvenu à son destinataire d'origine. Ce n'est pas à moi de le garder. » refusa-t-elle en accompagnant ses paroles de son sourire habituel. « Vous avez décidé de le lire ? »
« En effet. D'ailleurs, pour ta gouverne, la raison évoquée à l'intérieur ne sera pas recevable. »
Mi-Hann essaya de feindre l'ignorance mais Ardyn lut en elle très facilement.
« Tu pensais que je ne m'en rendrais pas compte ? »
« Non, je pensais surtout que vous le liriez plus tard… » avoua-t-elle en riant doucement.
« Je n'apprécie pas trop que tu aies tenté de me tromper. » rétorqua l'homme qui n'était pourtant pas irrité et qui prenait grand plaisir à la voir aussi décontenancée.
« Je suppose que le pari ne tient plus ? »
« Oh si. Cependant, tu n'as plus que jusqu'à midi pour me donner une réponse. »
Mi-Hann tourna la tête vers l'heure qui était affichée au-dessus de l'entrée.
« Mais il est un peu plus de huit heures, ça me laisse moins de quatre heures pour y penser ! » se plaignit-elle.
« Qui ne veut croire aux leçons, apprendra à ses dépens. Débrouille-toi avec le temps qu'il te reste mais si je peux te donner un conseil, tu devrais t'y mettre tout de suite. » préconisa-t-il dans un rictus moqueur.
« Impossible pour moi de réfléchir correctement l'estomac vide. Je passe sous la douche et je prépare ensuite le petit déjeuner. Vous en voulez ? »
Ardyn haussa les épaules, l'air indifférent.
« Donne-moi envie de goûter à ta cuisine et peut-être que je pourrai me laisser tenter ! »
La jeune femme sourit de plus belle et s'attela à la tâche. Une fois lavée et habillée, elle se tourna vers le plan de travail et saisit un bol en verre fermé contenant des légumes préparés qu'elle avait laissé mariner la veille. Elle les pressa énergiquement par petites quantités dans sa main et les servit dans deux bols propres. Elle fit cuire du riz et versa une soupe de bouillon chaude dans deux autres petits bols. Cela sentait divinement bon et quand la jolie brune posa les plats chauds devant Ardyn, ce dernier dût reconnaître qu'ils lui faisaient envie. Il goûta le bouillon, puis le riz qui était parfaitement cuit et assaisonné et enfin, les légumes dans le bol qui étaient croquants et savoureux.
« C'était…pas trop mal. » minimisa-t-il.
Mi-Hann l'avait regardé engloutir son repas à la vitesse de l'éclair alors qu'elle avait à peine terminé son riz. Elle se demanda si un plat en particulier lui ferait plaisir lorsque la vision d'Ardyn mangeant la chair de son propre Chocobo lui rappela l'horreur de la scène qu'elle avait vécu et elle retint un haut le cœur de dégoût. C'était une mauvaise idée de cuisiner des plats à base de viande. Cette tragédie était trop liée à Somnus pour qu'il ait pu oublier. La jeune femme termina son repas et commença à réfléchir aux motivations d'Ardyn. Fide lui avait déjà précisé que la vengeance n'était pas son seul but et qu'il attendait que « ce jour arrive. » Cela signifiait-il qu'il allait quand même pouvoir se venger ? Mais comment ? Qu'est-ce qu'il se passerait s'il tuait le Roi de la lumière ? Dans quel but tuer l'Oracle si ce n'était pas uniquement pour faire souffrir l'héritier du Lucis ? La perte de l'Oracle d'il y a deux mille ans avait entraîné la mort de l'épouse de Somnus et puisque cette dernière était décédée, c'est qu'Ardyn n'avait pas pu la sauver. Est-ce qu'il était trop tard ? Ou bien, est-ce qu'il ne pouvait tout simplement plus utiliser ses dons de guérison ?
Mi-Hann se leva et se mit à faire les cent pas dans l'appartement. Elle s'arrêtait de temps à autre pour marmonner et reprenait sa marche dont la direction était à chaque fois indéterminée. C'était un comportement qu'elle avait dès qu'elle était en pleine réflexion et elle oubliait tout autour d'elle lorsqu'elle était plongée dans ses pensées.
« Si je savais au moins comment… » dit-elle subitement à haute voix pour elle-même.
Elle repartit dans ses méditations sans finir sa phrase et reproduit le même manège durant plus de deux heures. Finalement, elle finit par s'asseoir sur le bord du lit et toucha ses lèvres avec son pouce et son index tout en continuant de réfléchir. Il n'était pas encore midi mais elle se tourna alors vers Ardyn pour lui signifier qu'elle était prête.
« Je t'écoute. » lança-t-il, intéressé par ce qu'elle avait à dire.
« Ce n'est pas simple vu qu'il me manque des informations cruciales. Il y a deux zones d'ombre assez importantes. Premièrement, la raison de la mort d'Aurore. J'hésite entre l'avancement de la maladie trop avancé et…votre incapacité à la soigner. » commença-t-elle à expliquer.
L'homme aux cheveux violets l'écoutait sans montrer quoique ce soit.
« Après mûre réflexion, je penche sérieusement pour la seconde option ce qui expliquerait en partie pourquoi vous avez enlevé la vie de Lunafreya. Ce n'était pas tant par jalousie comme l'avait soulevé mon ancêtre mais…je pense que vous en voulez à l'Oracle de l'époque. Si elle n'était pas morte, elle aurait pu sauver la femme de votre frère à votre place. J'ignore ce qu'il s'est passé dans cette prison mais ce fut suffisamment grave pour changer profondément le tempérament de Somnus. » poursuivit-elle en se levant du lit et en s'installant dans le fauteuil à côté du sien.
C'est à partir de ce point que la jeune femme était dans le flou. Elle avait formulé plusieurs hypothèses mais difficile de déceler la bonne dans tout ce mystère.
« Bon très bien. Tu as le droit de me poser une et une seule question donc choisis la bien. » déclara Ardyn, curieux de savoir jusqu'où elle pouvait aller.
« Je sais déjà ce que je veux vous demander. » assura-t-elle en affichant une expression déterminée. « Que doit faire le Roi Elu pour chasser les ténèbres ? »
« Il doit se sacrifier sur le trône. » répondit-il simplement sans lui donner plus d'indice.
Mi-Hann fixa l'homme aux yeux ambrés, interloquée. Elle n'avait pas pensé à cette éventualité. Seulement, en regroupant tout ce qu'elle savait, elle commença à reformer le puzzle petit à petit.
« S'il disparaît, la lignée des Lucis Caelum disparaîtra avec lui, que vous le tuiez ou non. C'est…une vaste plaisanterie… »
« Et pourtant, les Dieux n'ont guère le sens de l'humour ! » s'exclama Ardyn.
C'est alors que Mi-Hann eut un éclair de lucidité.
« Mais oui, les Dieux, bien-sûr ! Vous essayez de défaire ce qu'ils ont fait. La lignée des Lucis Caelum et la lignée des Nox Fleuret. C'est une des raisons qui vous a poussé à assassiner l'Oracle. Je suis sûre qu'il y a autre chose mais celle-ci en fait partie. Est-ce que vous cherchez à… »
Ardyn applaudit bruyamment empêchant la jeune femme de terminer sa phrase.
« Allez, ça suffit. Assez de révélations pour aujourd'hui. »
Il se leva ensuite et souleva un petit clapet qui se trouvait sur le mur, à droite de la porte d'entrée. Il appuya sur un bouton ce qui enclencha le dispositif et une voix féminine se fit entendre dans l'interphone.
« Oui Monsieur, que désirez-vous ? »
« Je sors. Envoyez quelqu'un dans mes appartements pour gérer les tâches habituelles. »
« Bien Monsieur. Quand partez-vous ? »
« Immédiatement. »
« Je fais monter le personnel d'ici dix minutes. Combien de temps doit-il rester ? »
« Qu'il soit parti avant 18 heures. »
« Très bien Monsieur. Je transmets vos ordres. Passez une excellente journée. »
Ardyn clôtura la conversation, éteignit l'appareil de communication et pencha la tête sur le côté tout en regardant Mi-Hann qui l'observait, des étoiles plein les yeux. Elle avait les mains jointes et un sourire béat qui traduisait son euphorie. Elle était telle une enfant attendant sa récompense alors qu'il y a quelques minutes à peine, elle lui offrait une prodigieuse démonstration de son sens de la déduction.
« Nous allons passer l'après-midi dehors, tu me feras part de ta requête dans la voiture. »
Ils sortirent de la forteresse de Zegnautus et se rendirent au parking où ils montèrent dans le cabriolet du Chancelier impérial. Ce dernier démarra le véhicule et invita la jeune femme à lui transmettre leur destination. Elle lui indiqua qu'elle souhaitait se rendre à Lestallum.
« S'agit-il de l'endroit de la dernière fois ? » demanda-t-il tout en tapotant le volant en cuir de sa voiture à la carrosserie violette.
« Non, ce n'est pas le restaurant, c'est…un autre lieu. » répondit-elle en hochant négativement de la tête.
Ne cherchant pas à en savoir plus dans l'immédiat, Ardyn prit donc la route vers la ville de lumière comme la toute première fois. Ce n'était pas proche de l'Empire et il n'avait pas encore à se soucier de Noctis puisque ce dernier ne s'était pas encore décidé à laisser son indolence derrière lui et à poursuivre sa route. En jetant brièvement un œil à Mi-Hann, il vit qu'elle ne s'était pas départie de son contentement et qu'elle semblait pressée d'y être. Qu'avait-elle derrière la tête ?
Ils parvinrent en ville au bout de plusieurs heures de route et descendirent du véhicule.
« Pouvons-nous aller au marché avant ? J'aimerais acheter de quoi pouvoir cuisiner plus librement. » questionna-t-elle.
« Je peux en faire la demande à l'employé chargé de l'entretien de l'appartement. Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ? » rétorqua Ardyn d'un air ennuyé.
« J'ai l'habitude de choisir moi-même les produits que j'achète. Dites-moi seulement oui ou non. »
« Puisqu'on est là…J'ai besoin de me défouler un peu les jambes. »
« Votre jambe gauche vous fait encore mal ? »
« Pas de question à ce sujet, tu t'en souviens ? »
« Oh, oui. Excusez-moi. »
Le marché était bondé de gens. Lestallum était une place forte concernant l'approvisionnement de denrées en tout genre. Les commerçants pouvaient venir de loin pour se fournir ici tant la qualité y était optimale.
« Regardez Ardyn, toutes ces épices ! Hmmm, ce que ça sent bon ! » s'exclama la jeune femme, euphorique.
Il ne comprenait pas pourquoi elle s'emballait autant pour des choses aussi insignifiantes. Ce n'était que de la nourriture, un simple moyen pour les mortels de rester en vie. Qu'y avait-il d'exceptionnel à s'extasier devant ? Néanmoins, c'était probablement pour cela qu'elle l'intriguait autant parce qu'elle trouvait du positif dans la moindre petite chose. Elle aimait et profitait de sa vie, aussi courte était-elle alors que la sienne, interminable, était devenue terne et sans saveur.
Quand elle eut fini ses emplettes, elle le rejoint avec quelques sacs sur les bras qu'elle alla ranger à l'arrière du véhicule sous les instructions du Chancelier puis elle lui donna leur prochaine destination.
« C'est à l'écart de la cité, tout au bout de cette allée. » expliqua la jeune femme.
« Eh bien, allons-y. » répliqua Ardyn avec courtoisie.
Il lui emboîta le pas de sa démarche décontractée habituelle et ils arrivèrent à destination après dix minutes de marche, dans une rue exiguë. Mi-Hann entra dans une bâtisse dont la porte était ouverte, suivie de l'homme aux cheveux violets. Malgré l'apparence vétuste de l'architecture extérieure, l'intérieur du bâtiment était soigné et distingué. La jeune femme arpenta un long couloir et s'arrêta devant une porte en bois brun.
« C'est ici. » dit-elle presque en chuchotant.
Ardyn leva les yeux et vit qu'une pancarte avait été clouée au-dessus de la porte. Il était inscrit « salon Davis » dessus mais il ne voyait pas à quoi cela pouvait bien s'apparenter. Mi-Hann entra dans la pièce sans frapper. L'endroit était grand, presque vide en réalité et le sol, parfaitement entretenu, était constitué de plancher beige. Un homme d'une trentaine d'années se trouvait derrière un comptoir et était en train d'écrire sur un planning. Il leva les yeux vers les deux personnes qui venaient d'entrer et son visage s'illumina en voyant la jeune femme aux longs cheveux noirs.
« Mi-Hann ! » s'exclama-t-il, ravi. « Bon sang, je t'aurais reconnue au milieu d'une foule sans problème. »
Puis il posa le regard sur l'homme silencieux qui l'accompagnait et se rendit compte de son comportement impoli.
« Mais j'oublie les bonnes manières. Bonjour et bienvenue au salon de danse Davis & fils ! »
Ardyn comprit instantanément ce qu'il l'attendait. Il eut envie de tourner les talons et de rentrer sur le champ mais elle agrippa la manche de sa veste tout en le regardant avec insistance et murmura un « un pari est un pari » à peine audible que seul lui entendit. Il se ravisa devant l'air suppliant de cette dernière.
« Oh et puis après tout, pourquoi pas… » pensa-t-il. Il avait des principes et tenir ses engagements en faisait partie.
« Bonjour Johan, il y avait longtemps ! » salua joyeusement Mi-Hann, sincèrement heureuse de le voir.
« Ça fait combien d'années ? Plus de vingt ans, non ? »
Elle acquiesça et se rapprocha du comptoir.
« Est-ce que Mr Davis va bien ? »
« Oui, oui. Mon père a pris sa retraite et j'ai repris le salon. Son rêve est devenu le mien et je fais de mon mieux pour poursuivre son œuvre. »
« Je suis contente pour toi, ça a l'air de bien marcher. »
« Très bien même. Les gens sont plutôt curieux et reviennent facilement. Ah ! Je me souviens que tu venais souvent ici observer les danseurs tout en lisant. Ta mère a fini par t'inscrire et tu as pris quelques leçons avant qu'on ne te revoit plus du jour au lendemain. Et puis, j'ai appris que tu avais déménagé subitement. » raconta le propriétaire.
« Tout va bien maintenant. » affirma Mi-Hann pour changer de sujet.
« Ah oui pardon. J'ai toujours un mal fou à éviter de mettre les pieds dans le plat. Bref, vous êtes là pour pratiquer ? »
Ardyn les écoutait échanger des banalités sur leur vie respective et s'aperçut du malaise de la jeune femme à la mention de son passé. Il ne lui avait encore jamais vu cette expression, une expression tourmentée et il dût reconnaître qu'il ne savait presque rien d'elle.
« Quel style pour le choix de la danse ? » interrogea le trentenaire. « Comme ça fait un moment que tu n'as pas dansé, je te lance quelque chose d'accessible ? »
« Euh…je ne sais pas trop. » répondit-elle hésitante en tournant la tête vers l'homme aux yeux ambrés. « Peut-être qu'on devrait commencer par un thème simple oui. »
« Expert. » fit simplement le Chancelier impérial.
La jeune femme et son ami l'observèrent avec des yeux ronds. Sans plus de cérémonie, il se dirigea sur la piste, attendant sa partenaire.
« Ardyn, je ne suis pas sûre que je… »
« J'ai la vague impression qu'une personne ici présente semble me sous-estimer. »
« Non. Je ne faisais pas allusion à vous. C'est juste que je n'ai pas dansé depuis longtemps… »
« Tu te défiles ? » lui demanda-t-il provocateur.
« P-pas du tout ! » s'exclama la jeune femme qui décida de le rejoindre.
Le propriétaire du salon de danse quitta son comptoir et fit de grands gestes l'air frustré.
« Non, non et non ! La danse de salon est quelque chose de très sérieux, il faut faire les choses correctement. Votre tenue monsieur est appropriée, toute en élégance et en raffinement, mais je vous conseille d'ôter cet accessoire, il risque de gêner mademoiselle dans ses mouvements. Par contre, Mi-Hann, ma chère, ça ne va pas du tout. »
La jolie brune regarda son accoutrement. Elle portait pourtant une robe même si elle était assez simple dans l'ensemble.
« La femme est le joyau de la paire qui doit attirer tous les regards ! » expliqua l'homme. « Viens avec moi, j'ai quelque chose qui devrait t'aller à la perfection. »
Elle le suivit en trottinant pendant qu'Ardyn patientait dans la salle. Il défit l'accessoire en forme d'aile de corbeau noire attachée à son épaule gauche et s'adossa au mur, perplexe. Quel était intérêt de lui faire changer de tenue, elle était déjà très bien comme elle était. À cette pensée, il fronça les sourcils. De longues minutes s'écoulèrent jusqu'à ce qu'il entende le bruit de talons se diriger lentement vers lui et lorsqu'il leva les yeux pour accrocher le regard de Mi-Hann, il fut paralysé par la vision qui s'offrait à lui. Elle portait une robe bustier décorée de fine dentelle et d'un vert qui ne rendait pas hommage à la beauté de ses yeux légèrement maquillés. De fines boucles d'oreilles dorées apportaient une touche de douceur à son visage déjà délicat et ses longs cheveux noirs étaient remontés et parés d'accessoires floraux qui retombaient joliment sur les côtés de sa tête. Les battements de son cœur s'accélèrent lorsqu'elle lui sourit aimablement.
« Elle est somptueuse, n'est-ce pas ? » demanda le propriétaire en lui faisant un clin d'œil.
« … »
Ardyn ne répondit pas, les mots n'étaient suffisamment pas assez forts pour décrire ce qu'il ressentait à ce moment-là. Son regard fut attiré par son cou, nu et il sut que sa place était à cet endroit et à nul autre. Il passa derrière elle sans un mot, sortit le pendentif qui n'avait pas quitté la poche de sa veste depuis qu'il l'avait trouvé dans les décombres à Altissia et attacha le bijou autour de la gorge de la jeune femme. Mi-Hann n'avait pas osé bouger, attendant les yeux clos et frissonna quand elle sentit les doigts d'Ardyn toucher sa peau.
« C'est…parfait ! » s'écria Johan, subjugué par le raffinement qui se dégageait d'elle.
Mi-Hann ouvrit les yeux en sentant le froid d'un métal contre son sternum et étouffa un cri de surprise en s'apercevant que le pendentif dont elle avait tant rêvé se trouvait à présent autour de son cou.
« M-mais…comment…c'est…où… ? » bafouilla-t-elle sous le choc de la surprise.
« Ce n'est pas g… »
Mais la jolie brune ne le laissa pas continuer sa phrase et lui sauta au cou, envahie par l'émotion et la reconnaissance. Ardyn resta les bras ballants et le corps figé par ce contact physique inattendu.
« Ha ha, vous êtes adorables, vous êtes ensemble ? » interrogea-t-il, le sourire jusqu'aux oreilles.
« N-non… » nia la jeune femme en lâchant directement l'homme aux yeux ambrés. Elle se rendit alors compte de ce qu'elle avait osé faire. « Nous sommes…euh… »
Qu'étaient-ils ? Elle ne le savait pas. Elle leva les yeux vers Ardyn essayant de croiser son regard pour obtenir son aide mais il tournait la tête et semblait ailleurs. Voyant la gêne qui s'était installée entre eux, Johan comprit sans avoir besoin de plus d'explication.
« Bien ! Et si vous commenciez ? » s'enquerra-t-il en tapant dans ses mains gaiement. « Dites-moi seulement quand vous êtes prêts, OK ? »
Il sortit de la piste et se dirigea vers un radio CD qui était posé sur une chaise à proximité du comptoir.
« Quel style voulez-vous ? »
« La Valse. » répondit Ardyn.
« Très bien, je vous passe celle-ci (Valse di Fantastica), elle rencontre beaucoup de succès en ce moment. »
Les premières notes débutèrent. L'homme aux cheveux violets prit alors la main droite de Mi-Hann dans la sienne et posa son autre main sur son dos pour la rapprocher de lui. La jeune femme aux yeux vert émeraude était tendue et il le sentit tout de suite.
« Laisse-toi guider. Je vais te pousser à reproduire mes pas. »
« D'accord. »
Le Chancelier entreprit la forme du tour à droite afin de guider plus facilement sa partenaire et de pouvoir pivoter dans un mouvement de déroulé. Ses pas étaient rapides et maîtrisés. Il changeait parfois de direction pour éviter d'être pris de tournis. Leur danse était énergique et pleine de grâce. Johan s'était arrêté de travailler pour les admirer, impressionné par la technique de l'homme qui accompagnait son ancienne amie. Les mouvements fluides et la beauté de la jeune femme créaient un tableau somptueux et hypnotisant. Ce n'était clairement pas un amateur.
Mi-Hann se trouvait dans un autre monde, happée par l'aisance d'Ardyn à la guider et à faire d'elle ce qu'il voulait. Elle serra sa main dans la sienne ne voulant pas briser cet instant mais elle savait que la musique prendrait fin et que cette proximité s'arrêterait. Le final approchait, l'homme aux cheveux violets qui n'avait pas lâché sa partenaire des yeux la bascula en arrière progressivement dans un jeté qui la poussa à reculer sa jambe gauche afin que la symétrie avec la jambe droite de l'homme soit parfaite. Et enfin, alors que la musique s'arrêtait, il l'attira à lui pour la redresser et s'inclina à quelques centimètres de son visage, clôturant ainsi la danse.
« Ouah, c'était incroyable ! » s'écria Johan en applaudissant. Il n'en avait pas raté une miette.
Chacun des danseurs n'avait pas bougé, capturé par le regard de l'autre. Ils avaient complètement oublié la présence du propriétaire du salon et l'endroit où ils se trouvaient. Seul comptait ce moment d'une intimité singulière.
« Euh…vous êtes là ? » leur demanda le trentenaire qui les appelait depuis un moment.
Ils réagirent enfin et se séparèrent aussitôt, se tournant presque le dos afin de se reconnecter à la réalité.
« J-je…vais aller me changer. » déclara doucement la jeune femme qui se rendit dans la loge qu'elle avait occupé un peu plus tôt.
Ardyn rattacha l'accessoire, qu'il avait enlevé, à son épaule et se dirigea vers la sortie. Il s'arrêta devant la porte.
« Dites-lui que je l'attends à l'extérieur. »
Et sans attendre la réponse de l'homme, le Chancelier impérial quitta le salon de danse.
Mi-Hann sortit de la cabine au bout de dix minutes et chercha l'homme du regard.
« Il est parti assez vite, il t'attend dehors. »
La jeune femme baissa la tête et soupira.
« J'ai vu d'innombrables couples de danseurs défiler ici, amateurs ou non et je reconnais très facilement ceux qui forment aussi un couple en dehors de la piste. » expliqua Johan. « Dis-moi, je sais que ça ne me regarde pas mais…tu m'as dit que vous n'étiez pas ensemble. Or, en vous regardant jusqu'à la fin, votre attirance réciproque m'a interpellé. Qu'est-ce qui vous empêche d'être ensemble ? »
« C'est…compliqué. »
Sa réponse était vague mais elle ne pouvait rien lui donner d'autre. La jeune femme le salua respectueusement et le laissa à ses interrogations pour rejoindre Ardyn. Il était adossé au mur de la bâtisse, l'une de ses jambes croisant l'autre dans une posture nonchalante, le visage fermé et il la regardait à peine ce qui attrista la jolie brune. Il remettait de nouveau de la distance entre eux.
Un silence pesant s'installa entre eux alors qu'ils regagnaient le véhicule et ils reprirent la route du retour dans la même atmosphère. Mais alors qu'ils roulaient déjà à vive allure depuis plus de deux heures, un bruit sourd s'échappant du moteur alerta le conducteur et l'obligea à s'arrêter sur le bord de la route.
« Elle ne tombe jamais en panne hein… » ironisa-t-il pour lui-même.
« Il y a un problème ? » demanda la jeune femme qui quitta elle aussi le véhicule.
« En effet et ça n'annonce rien de bon. » répondit l'homme aux cheveux violets.
Il descendit de l'automobile et ouvrit le capot. Une fumée blanche opaque traversa le capot de la voiture. Le moteur avait surchauffé suite à une fuite dans le système de refroidissement et Ardyn n'était pas capable de réparer la panne. Il regarda autour de lui pour situer leur position. Il allait bientôt faire nuit et ils mettraient trop de temps à atteindre la prochaine station à pied mais il y avait un sanctuaire à moins de cinq cents mètres de là, sanctuaire qu'il ne connaissait que trop bien. L'homme aux yeux ambrés se dirigea à l'arrière de la voiture et ouvrit le coffre pour en sortir de quoi camper pour la nuit.
« Finalement, tu as bien fait de faire quelques courses. Tu vas pouvoir dormir à la belle étoile ce soir ! »
Mi-Hann ne prit que le strict nécessaire et suivit Ardyn qui s'engagea dans la direction du sanctuaire le plus proche. Il marchait devant elle, ses longues jambes la distançant sans peine même s'il veillait à ne pas mettre trop d'espace entre eux car la zone n'était pas sûre. Il ne se serait jamais soucié de ce genre de détail avant de la rencontrer et l'évidence commençait à s'insinuer en lui.
La nuit tomba, froide et dangereuse et seule la lueur protectrice du sanctuaire protégeait la jeune femme. Le Chancelier impérial installa la tente pendant que Mi-Hann préparait le repas. Une fois la tente montée, il s'approcha du feu de camp pour l'allumer. Une flamme violette intense apparut dans la paume de sa main droite et il la lança sur le bois qui s'enflamma aussitôt. Le foyer ardent avait pris la même couleur violacée typique des cheveux de l'homme.
« Que c'est joli… » murmura la jeune femme aux yeux verts qui s'était arrêtée pour regarder Ardyn faire.
Il esquissa un sourire amusé, cette attitude était peu étonnante venant d'elle. Il s'assit ensuite à proximité du feu, rejoint par Mi-Hann qui prit place à ses côtés et posa un petit plateau, sur lequel étaient posées des boulettes de riz, sur la pierre devant eux.
« Je n'ai rien pu faire d'autre, j'espère que ça ira. »
« Je pourrais manger le plateau entier que ça ne changerait pas grand-chose. Je n'ai pas de sensation de faim ni celle d'être repu. » précisa-t-il. « Je ne comprends pas pourquoi tu continues à t'en inquiéter. Si j'avais pu… »
Il s'empêcha d'en dire plus mais il sut qu'elle avait déjà compris. Elle lisait en lui comme Fide avait lu en lui autrefois et cette sensation était très désagréable.
« Vous êtes un formidable danseur. » dit-elle pour changer de sujet. « Vous avez appris il y a longtemps ? » demanda-t-elle doucement.
« Depuis l'enfance. » répondit-il au bout d'un moment.
« Racontez-moi ! » s'exclama-t-elle heureuse d'avoir pu débuter une discussion personnelle.
« Il n'y a pas grand-chose à en dire. »
« S'il vous plaît ? »
Son regard de chien battu lui fit lever les yeux au ciel et il poussa un soupir signifiant qu'il abandonnait face à sa pugnacité.
« Je suis le premier né d'une famille qui avait maintes responsabilités. Très tôt, on a exigé beaucoup de moi. J'ai eu des précepteurs qui m'ont enseigné tout ce qu'un héritier de bonne famille était censé savoir. La danse en faisait partie. » détailla Ardyn.
« Vous en parlez comme si ça n'avait rien d'exceptionnel. »
« C'est le cas. »
« Vous vous trompez. J'aurais adoré aller à l'école. » avoua la jeune femme.
« Pourquoi donc ? »
« Tout comme vous, il n'y a rien à en dire…Ma famille refusait de courir le moindre risque en m'inscrivant dans une école. Mon nom aurait peut-être attiré l'attention du Lucis. Même si 2000 ans s'étaient écoulés, nous n'étions à l'abri nulle part. »
« … »
« Mes parents et les livres ont été mes professeurs. Cela a toujours été ainsi dans la famille Kurena. À y réfléchir, je comprends pourquoi j'ai pris le nom de mon père…adoptif et pas celui de mon père biologique…Ma mère devait probablement angoisser chaque jour pour ma sécurité. »
Mi-Hann saisit une boulette de riz entre ses doigts et en mangea une bouchée.
« Ce n'est pas terrible… » admit-elle en riant pour effacer la tristesse qui venait de surgir en elle.
Le feu crépitait et sa couleur singulière offrait une atmosphère presque magique, mystique.
« Je n'avais jamais campé, c'est agréable. Quand j'étais petite, je harcelais mes parents pour en faire mais ils ont toujours refusé à cause du danger que cela représentait. Je n'en avais pas encore conscience à cet âge. » expliqua la jeune femme.
Un vent glacial se leva et fit frissonner Mi-Hann qui commençait à grelotter.
« Tu devrais aller t'abriter sous la tente. Je vais rester ici pour monter la garde. »
« Oui, d'accord. »
Elle se leva pour s'engouffrer sous la tente qui n'était pas très grande puisqu'il s'agissait d'une tente pour une seule personne mais le froid s'engageait quand même à l'intérieur et elle n'arriva pas à se réchauffer. La jeune femme soufflait dans ses mains, les frictionnait et se frottait les bras pour augmenter sa température. Seulement, sa fine robe ne la protégeait pas de l'intempérie et rien n'y fit. Elle ne pourrait pas dormir. Elle entendit alors Ardyn se lever et ouvrir la fermeture qui laissa apparaître sa tête.
« À ce rythme, tu vas te changer en glaçon. » se moqua-t-il. « Décale-toi un peu. »
Mi-Hann lui fit de la place, le cœur battant mais Ardyn était grand et relativement robuste, ils seraient serrés. Il enleva sa veste, la lui tendit afin qu'elle s'en serve de couverture et se coucha à ses côtés sans rien dire. Elle se blottit contre lui, recherchant instinctivement sa chaleur et elle entendit son cœur battre un peu plus vite. C'était agréable, aussi agréable qu'une berceuse et son odeur était réconfortante. Elle se sentait en sécurité. La jeune femme leva la tête pour le regarder et le remercier mais les mots ne vinrent pas. Tout comme lors de leur danse, elle fut capturée par ses yeux couleur soleil et se contenta de le fixer en silence.
Il n'y avait qu'un mouvement à faire pour briser l'unique rempart qui les séparait de leur ardent désir à faire se rencontrer leurs lèvres avides mais aucun des deux n'osa le faire tomber. Noyés dans ce cocon de bien-être et de chaleur, ils finirent tous les deux par sombrer dans un profond sommeil.
« Ardyn ? Pourquoi êtes-vous attaché ? »
Il ouvrit les yeux et s'aperçut qu'il se trouvait dans sa cellule à Angelgard, prisonnier des chaînes comme autrefois. Mi-Hann se trouvait devant lui et ne comprenait pas ce qu'il se passait.
« Ne reste pas là, vas t'en d'ici tout de suite. » lui ordonna-t-il.
« Non, je ne veux pas vous laisser seul, je reste à vos côtés. » refusa-t-elle en s'approchant peu à peu de lui.
« Mi-Hann… » murmura l'homme aux cheveux violets.
La jeune femme l'enlaça tendrement mais une force vint la tirer violemment en arrière.
« Ahhhhh ! » s'écria-t-elle sous la douleur.
Somnus apparut devant lui et agrippait cette dernière par les cheveux.
« Bonjour Ardyn, comme on se retrouve. »
« Somnus ! » vociféra le prisonnier qui commençait à être envahi par la panique. « Ne lui fais pas de mal, elle ne t'a rien fait ! »
Un sourire mauvais déforma le visage de son frère cadet.
« Oh mais Fide non plus ne m'avait rien fait. Mais toi, toi par contre, tu m'as tout pris, en dehors du trône bien-sûr. »
« Arrête ! »
« C'est ce qui l'attend de toute manière. Tu es pitoyable, tu crois vraiment qu'elle acceptera ton apparence monstrueuse ? Comme tous les autres, elle te rejettera. » dit-il en prenant un malin plaisir à tourmenter son aîné.
Un rire sardonique s'échappa de sa bouche alors qu'il transperçait le corps de la jeune femme de la même façon qu'il avait tué Fide. Elle s'effondra sur le sol, une mare de sang se formant tout autour d'elle.
« NOOONN ! » hurla Ardyn dévasté.
L'homme aux yeux ambrés ouvrit les yeux. C'était un cauchemar, encore un mais cette fois, il n'était plus hanté par la mort de Fide. Il évitait de s'endormir pour cette unique raison car peu importait le nombre de fois qu'il fermait les yeux, il n'arrivait jamais à trouver le repos, tourmenté par des images du passé. En reprenant ses esprits, il se rendit compte qu'il avait enlacé Mi-Hann durant son sommeil. Elle dormait tout contre lui, la tête posée sur son torse et l'expression apaisée. Il se dégagea lentement de son étreinte afin de ne pas la réveiller, quitta la tente pour s'asseoir auprès du feu et terminer la nuit seul. Ardyn passa sa main sur son front, dépité. Comment avait-il pu s'éprendre d'une mortelle ? Est-ce qu'inconsciemment, il avait recherché sa compagnie parce qu'elle était l'unique personne à l'accepter tel qu'il était ? Non, ce n'était pas la réalité. Elle ne connaissait pas sa vraie nature, elle ne pouvait même pas se l'imaginer. Si jamais elle voyait son apparence daemonique, elle réagirait comme les autres et le rejetterait. Son cauchemar n'en était peut-être pas un, c'était peut-être la réalité, une réalité qu'il avait refusé de voir jusqu'à présent.
Alors qu'il rangeait le matériel pour préparer le départ et qu'il attendait que la jeune femme se réveille, un appareil vibra dans la poche de son pantalon rayé. Il le saisit, appuya sur la touche pour répondre et le mit à son oreille.
« Oui, je t'écoute. »
« L'héritier du Lucis a décidé de bouger. Il part avec son groupe dès demain pour Tenebrae et vont prendre le train à la gare de Cartanica afin de se rendre à Graléa. » expliqua l'informateur.
« Bien. Je te recontacterai si nécessaire. »
Cette nouvelle tombait au bon moment. Ardyn coupa l'appel et se rendit sous la tente. Mi-Hann dormait encore à poings fermés, il était très tôt encore mais il ne pouvait plus perdre de temps désormais. Il la secoua légèrement et elle ouvrit les yeux.
« Nous devons partir maintenant. »
« Euh…oui… »
La jeune femme eut du mal à émerger mais se leva tout de même. Ils quittèrent rapidement le sanctuaire pour rejoindre la voiture et l'homme lui indiqua de monter à l'avant pour diriger le volant. Il usa de ses pouvoirs pour pousser le véhicule avec une extrême facilité jusqu'à la station la plus proche. Ils mirent une demi-heure pour l'atteindre et patientèrent qu'un mécanicien la remette en marche. Mi-Hann trouvait le Chancelier impérial encore plus distant que d'habitude. Il n'était pas déplaisant avec elle mais sa froideur était en contradiction avec son comportement de la veille. Elle avait enfin eu l'impression de se rapprocher de lui et n'était pas aveugle, quelque chose se passait entre eux. Elle décida de ne pas y prêter attention puisque son attitude était devenue routinière pour elle.
Une fois l'automobile prête, ils reprirent la route pour rentrer à Zegnautus.
« Je te dépose et je repars immédiatement. Reste à l'appartement pendant mon absence. »
« Très bien. »
Ce fut le seul échange qu'ils eurent de tout le trajet et arrivés au domicile d'Ardyn, il la fit entrer et s'apprêta à repartir sans lui adresser la parole ou même la regarder. Mi-Hann l'arrêta en saisissant son bras.
« Attendez ! Pourquoi agissez-vous ainsi ? » lui demanda-t-elle irritée par son comportement changeant.
« … »
« Ne partez pas comme ça… »
Il dégagea son bras d'un coup sec et quitta les lieux sans se retourner.
« Ardyn… » murmura-t-elle.
o-o-o-o
Il devait s'éloigner d'elle alors que son cœur lui ordonnait le contraire. Il était pris dans une contradiction insupportable. Il aurait été facile de simplement la laisser partir mais l'idée de ne plus l'avoir à ses côtés le répugnait encore plus. Penser à autre chose, penser à ce qu'il avait à faire, oublier ces émotions qui le changeaient, se concentrer uniquement sur son but, voilà ce à quoi il se rattacha pendant leur séparation. Il devait s'occuper de son objectif principal, ce pourquoi il était sorti de sa prison. Mais elle lui manquait. Affreusement. C'est dans cet état d'esprit que l'homme aux cheveux violets partit pour la gare de Cartanica. Afin d'attirer rapidement Noctis au sein de Graléa, il allait s'engager dans un jeu d'illusions, jouer avec lui et enlever le meilleur ami de ce dernier, Prompto, au passage. Ardyn ferait ensuite d'une pierre deux coups et le révolver du blondinet lui serait très utile pour pousser Noctis à le suivre.
Prompto fut conduit dans une cellule au sein du laboratoire Magitek. À son retour, Ardyn passa voir Verstael qui désespérait de l'attendre. Son projet Immortalis touchait bientôt au but et il avait besoin des lumières du Chancelier. Apporter son aide à l'armée impériale n'avait été qu'un moyen de provoquer la naissance de l'élu de la lumière et à présent, la folie du scientifique était de trop. Son but ultime était de se changer en daemon immortel et de transcender les Dieux. Il prétendait agir pour le bien de l'Empire mais c'étaient sa mégalomanie et son arrogance qui dominaient et plongeaient le royaume dans le chaos. Ardyn n'avait plus besoin de lui et quel meilleur moyen que de faire éliminer ce vieux fou par son propre fils ? Pour l'heure, l'homme aux cheveux violets décida de rejoindre Mi-Hann, armé du pistolet de Prompto. Il était temps qu'elle le voit tel qu'il était. Cela devait venir d'elle, il le fallait.
L'homme aux yeux ambrés entra dans l'appartement et la trouva attablée, en train de dessiner. À sa vue, elle sourit. Elle avait visiblement l'air heureuse de le voir. L'éloignement, même bref, avait causé un manque et c'est lorsqu'il ressentit de nouveau cette chaleur s'insuffler en lui qu'il comprit ce qu'il lui restait à faire. La jeune femme se leva en apercevant le révolver dans la main d'Ardyn.
« Regarde ce que j'ai amené avec moi ! » s'exclama-t-il en exagérant ses manières. « Il s'agit du pistolet du petit cowboy qui accompagne ce cher Noctis. Il va m'être bien utile. »
« Qu'est-ce que… ? »
Elle remarqua son attitude étrange et se sentit mal à l'aise.
« Qu'allez-vous faire avec ça ? » lui demanda-t-elle, perplexe.
« Je vais me tirer une balle en pleine poitrine. Ce sera douloureux mais rien à côté de ce que j'ai déjà supporté. » affirma l'homme aux cheveux violets d'un ton très sérieux.
« Quoi ? Cessez de plaisanter, ce n'est pas drôle. »
« Je ne mourrai pas définitivement, de quoi as-tu peur ? C'est le principe de l'immortalité tu sais ? »
Son air faux ne prenait pas avec elle. Il cachait ses véritables intentions, encore une fois.
« Je m'en fiche, ne faites pas ça. Qu'essayez-vous de me prouver ? »
« As-tu peur de la vérité ? Qu'elle te soit insupportable au point de vouloir l'oublier ? »
« Arrêtez…s'il vous plaît. »
« Je reviens tout de suite. »
« Ardyn, non ! » s'écria-t-elle en courant dans sa direction pour l'arrêter.
Le coup partit et transperça le cœur de l'homme aux cheveux violets qui s'effondra sous les yeux horrifiés de la jeune femme. Elle s'agenouilla auprès de son corps, les mains tremblantes. Pourquoi avait-il fait cela ? Elle savait déjà qu'il était immortel, il n'avait en aucun cas besoin de lui prouver quoique ce soit. Cependant, elle vit alors son visage changer, ses yeux ainsi que sa bouche suintèrent du plasmodium noir et des veinules violacées se formèrent sur sa gorge et sur son front. Et lorsque ses yeux s'ouvrirent et qu'il se redressa, ranimé par les ténèbres en lui, ses iris devinrent jaune or.
« C'est… » commença à dire Mi-Hann.
« Monstrueux, n'est-ce pas ? » la coupa Ardyn qui s'était mis debout. « C'est ainsi que je suis apparu face au cristal il y a 2000 ans et c'est ce qui a précipité ma chute, avec l'aide de mon très cher frère qui m'a trahi bien sûr. »
Il la voyait immobile en train de l'observer sans la moindre réaction. Il n'arrivait pas à déceler si elle avait peur ou si elle était dégoûtée. Des larmes coulèrent des joues de la jeune femme qui commençait à avancer vers lui.
« Je suis désolée. » s'excusa-t-elle. « Je n'avais jamais imaginé à quel point votre souffrance était grande. Je me fourvoyais dans ma propre ignorance… »
Elle continuait sa route pour le rejoindre et leva lentement les mains vers son visage.
« N'approche pas… » lui ordonna-t-il, ne s'attendant pas à cette réaction de sa part.
Elle aurait dût le craindre, le traiter de monstre et le repousser. Au lieu de cela, ses yeux ne reflétaient que la compréhension et la culpabilité. Elle allait toucher son visage couvert de plasmodium mais il recula brusquement, la tenant à distance.
« Ne me touche pas, tu pourrais être souillée toi aussi… »
Elle s'arrêta et lui sourit tendrement.
« Comment voulez-vous que je cesse de penser à vous quand vous vous montrez si gentil avec moi ? »
Elle marcha de nouveau dans sa direction.
« S'il faut en arriver là pour que vous me croyiez enfin, alors soit… » dit-elle déterminée.
Sous la surprise, il relâcha sa prise et elle posa ses mains sur ses joues tout en le regardant avec tout l'amour dont elle était capable.
« Ne me repoussez plus… » lui murmura-t-elle les yeux mouillés par les larmes. « Je vous aime Ardyn. »
Son visage avait repris son apparence d'origine mais il ne s'en souciait plus. Il l'admettait enfin, il était profondément amoureux de cette femme si particulière qui l'avait sorti de la tourmente dont il était prisonnier depuis deux millénaires. Elle l'avait attiré dès le premier regard, le faisant renouer avec des besoins charnels perdus et autrefois sans intérêts et lui rappelant un passé qu'il avait tant souhaité oublier. Seulement, il avait fini par sombrer inexorablement vers l'attachement et ce, sans s'en rendre véritablement compte. Sa lumière s'était faite une place dans ses épaisses ténèbres et avait pris de plus en plus d'ampleur jusqu'à les chasser complètement, tel le vent chassant les nuages. Il ne se sentait plus seul.
« Je ne te rendrai probablement pas heureuse. » la prévint-il, l'expression douloureuse.
« C'est moi qui déciderai si c'est le cas ou non… »
Il la regarda plus intensément et lui offrit son tout premier sourire, franc et sincère. Puis, la barrière invisible s'estompa et Ardyn embrassa Mi-Hann frénétiquement, passionnément. Il abandonna sa lutte vaine contre lui-même et laissa ses sentiments prendre le dessus. Elle accueillait ses baisers avec fougue et avidité, ressentant que l'homme avait dû se contenir depuis un moment. Il la porta dans ses bras et elle enserra ses jambes autour de sa taille refusant de briser ce contact physique tant désiré. Il la voulait tout entière, il désirait s'approprier son cœur et son corps et goûter à chaque parcelle de sa peau délicatement parfumée encore et encore. Son odeur était à jamais imprégnée dans son esprit. Sa main droite était plongée dans ses longs cheveux ébènes et descendait lentement pour caresser sa nuque tandis que sa main gauche allait et venait entre son épaule et sa cuisse, rencontrant le tissu de sa robe qui commençait à le déranger. Ardyn nicha son visage dans le cou de la jeune femme et resta ainsi durant plusieurs secondes, les yeux clos, à humer son odeur. En cet instant, il ne voulait se trouver à nul autre endroit.
L'homme aux cheveux violets la déposa à terre et caressa sa mâchoire du bout des doigts mais la jeune femme aux yeux verts ne semblait pas vouloir interrompre cet échange et se mit sur la pointe des pieds pour l'embrasser de nouveau. Ses baisers passionnés le rendaient avide et fou de désir, il avait envie d'elle et ôta sa veste qu'il laissa tomber au sol, sans se défaire de la douce emprise de Mi-Hann. Elle fit glisser son foulard qui rejoignit la veste puis déboutonna sa chemise qu'elle fit descendre le long de ses épaules. Son torse musclé était offert à sa vue et elle ne put contenir son envie de passer ses mains dessus pour le caresser. Mi-Hann pouvait enfin laisser libre court à ses désirs et elle ne se fit pas prier pour le couvrir de baisers. L'excitation d'Ardyn était à son paroxysme, il voulait lui aussi admirer ses courbes et ôta la robe de la jeune femme qui leva les bras afin de lui faciliter la tâche. Il la porta de nouveau dans ses bras et la guida jusqu'au lit où il la déposa avec douceur continuant de l'embrasser avec fougue. Il se trouvait au-dessus d'elle et l'observait haleter d'excitation alors que ses magnifiques yeux couleur émeraude détaillaient les lignes de son physique athlétique. Ardyn posa sa bouche sur le sternum de la jolie brune et descendit progressivement sur l'intérieur de sa cuisse qu'il mordit avec gourmandise, arrachant un gémissement de plaisir à sa partenaire. Il la sentait trembler sous ses doigts alors que ses mains ôtaient son soutien-gorge et massaient ses seins à la forme provocatrice. L'homme aux yeux ambrés découvrait des zones de son corps qu'il n'avait jamais tenté d'explorer et analysait chacune des réactions de la jeune femme. Elle était d'une extrême sensibilité et la moindre caresse sur sa peau lui provoquait des décharges de plaisir intense. Mi-Hann posa ses mains sur le haut du pantalon du Chancelier lui signifiant qu'elle voulait qu'il l'enlève et il se retrouva en caleçon, sa dureté apparente sous le tissu du sous vêtement. La jeune femme se redressa et bascula l'homme aux cheveux violets sur le côté afin de le chevaucher. Visiblement, elle souhaitait prendre l'initiative et il la laissa faire mais lorsque ses baisers commencèrent à descendre vers sa virilité, il sut ce qu'elle avait l'intention de faire. Ce plaisir inédit lui déclencha des grognements et sa forte respiration lui indiqua qu'elle serait incapable de faire durer ce moment tant Ardyn était à la limite de lui sauter dessus. Elle voulait encore profiter de lui et tenta de calmer ses ardeurs en remontant lentement ses lèvres jusque sous son nombril. Malheureusement pour elle, il l'attrapa par la taille, la souleva pour l'asseoir sur lui et se redressa afin de la regarder droit dans les yeux.
« Mi-Hann… » lui susurra-t-il au bord de la folie.
Il l'embrassa, non, il la dévora littéralement la serrant contre lui alors qu'elle caressait son dos sculptural et elle commença à haleter quand elle sentit sa dureté se frotter contre son intimité. Ardyn la coucha de nouveau sur le dos, se débarrassa de leurs sous-vêtements et débuta ses caresses intimes tout en observant les réactions de Mi-Hann. La voir fermer les yeux et se cambrer à chaque fois que ses doigts agiles entraient en elle lui procurait un plaisir immense.
« Ah ! » s'exclama la jeune femme qui semblait prête à l'accueillir.
Son feu s'intensifia quand sa langue explora le sexe de la jeune femme, lui arrachant des gémissements de plus en plus rapprochés.
« Oh, Ardyn… » laissa-t-elle échapper dans un souffle erratique.
Il se redressa sur ses bras et entra en elle, un gémissement profond s'échappant de sa gorge sans qu'il puisse l'en empêcher, la chaleur de Mi-Hann l'envahissant tout entier. Le plaisir se changea en délice, en exaltation, en une jouissance qui ne cessait d'augmenter. Il saisit ses cuisses pour s'enfoncer davantage en elle et il sentit sa raison le quitter peu à peu. L'homme aux yeux ambrés la tourna progressivement sur le ventre tout en continuant les va-et-vient afin d'admirer sa croupe qu'il n'avait oublié à aucun instant. Ses mouvements exaltés provoquèrent un premier orgasme à la jeune femme. Il se pencha pour coller son corps contre le sien et passa son bras sous sa poitrine pour l'attirer sur lui, dos à lui. Son cœur cognait dans sa poitrine tant sa jouissance était exquise et il saisit son menton entre ses doigts afin de l'embrasser avec avidité. Il posa ses mains sur les hanches de Mi-Hann pour la tourner doucement face à lui, il voulait la regarder jusqu'à la fin, son orgasme étant proche. Il accéléra le rythme, la serrant contre lui et nichant son visage dans le creux de son cou puis il se libéra en elle dans un râle de jouissance incontrôlable, désirant tout sauf s'extraire de son étreinte. Ils restèrent dans les bras l'un de l'autre durant de longues minutes, reprenant leur respiration et continuant à se nourrir de l'odeur de l'autre, une odeur dont ils ne pouvaient plus se passer.
Ils quittèrent uniquement le lit pour partager un bain ensemble même s'ils eurent du mal à rester sages et passèrent la nuit dans les bras l'un de l'autre. Pour la première fois en deux millénaires, Ardyn dormit du sommeil du juste, bercé par les battements du cœur de Mi-Hann et sa douceur lors de ses caresses, sans qu'aucun cauchemar ne perturbe son repos.
« Bonjour Ardyn. » lui dit-elle en le voyant ouvrir les yeux alors que sa tête reposait sur la poitrine de la jeune femme.
« J-je…je me suis assoupi sans m'en rendre compte. »
« Oui, je n'ai pas osé vous réveiller. Vous dormiez si bien ! » s'exclama-t-elle joyeusement.
Ardyn fronça les sourcils.
« Tu ne penses pas qu'il serait temps que tu te mettes à me tutoyer ? »
Elle se mit à rire. Son rire. Il ne se lassait pas de l'entendre.
« L'habitude. T-tu n'as pas fait de cauchemar ? » lui demanda-t-elle les joues rouges.
Il sourit devant son expression gênée des plus adorables.
« Non. J'avais oublié à quel point il était agréable de dormir. »
La jeune femme se mit à caresser ses cheveux à la couleur si particulière.
« Tu restes avec moi aujourd'hui ? »
« J'ai une tâche importante à effectuer mais l'idée de quitter tes bras me rebute affreusement. »
L'homme aux yeux ambrés finit par se lever et se prépara pour sortir, enfilant sa tenue officielle. Il récupéra le révolver du blondinet pour le lui rendre au moment venu. Pour l'heure, l'Empereur avait exigé sa venue. Il passerait ensuite au laboratoire Magitek s'occuper de l'ami de Noctis qui devait se demander où il était, s'il n'était pas toujours inconscient bien sûr.
Mi-Hann déposa un tendre baiser sur ses lèvres et lui fit un signe de la main en mimant un « rentre vite » avec sa bouche. Ardyn passa la porte de l'appartement, prit une posture décontractée et remonta le col de sa veste comme s'il était en train de se fondre dans un rôle. Un rôle qu'il tenait depuis trente ans maintenant. Son arrivée à l'Empire, ses chuchotement à l'oreille de Verstael pour le guider dans ses recherches, ses murmures à l'oreille de l'Empereur pour le pousser à l'expansion territoriale dans le seul but de permettre un affrontement avec le royaume du Lucis et ses manipulations habiles pour faire prendre à Noctis le chemin qui avait été choisi bien avant sa naissance.
Il entra dans la salle du trône où l'attendait Iedolas Aldercapt, l'Empereur du royaume de Niflheim.
« Où est le cristal ? » demanda le vieil homme.
« Il n'a pas bougé de sa position et est gardé sous haute surveillance, votre Majesté » répondit le Chancelier.
Ce vieux fou n'avait que ce mot à la bouche depuis un certain temps. Littéralement obsédé par le cristal sans jamais l'approcher, le monarque avait perdu tout sens des priorités. Il était loin l'homme sage, soucieux de son peuple et attiser sa cupidité ainsi que sa soif de pouvoir n'avait pas été difficile. Le royaume de Niflheim était connu pour son désir de retrouver l'ancienne civilisation de Solheim, il n'était donc pas anodin qu'Ardyn ait pu si facilement en tirer parti.
« Autre chose, Ardyn. »
Alors que l'homme aux cheveux violets allait prendre congé d'Iedolas, ce dernier l'apostropha gravement.
« Plusieurs témoins m'ont rapporté que cette femme était toujours à tes côtés. »
« Voyons votre Majesté, je vous affirme que ce n'est…qu'une distraction… » mentit-il en se donnant l'air le plus convainquant possible.
« Ce n'est pas ce que Verstael Besithia m'a dit. Il déclare s'être rappelé pourquoi cette fille lui était aussi familière. Il dit avoir été frappé par sa ressemblance avec un certain soldat de notre armée. Est-ce une coïncidence qu'il s'agisse du tout premier soldat Magitek ? Je ne crois pas. »
« Votre Majesté, je n'oserai pas vous… »
« Amène la moi sur le champ. » ordonna le monarque en lui coupant la parole.
Ardyn se retourna, faisant face à l'Empereur et lui envoya une succession de vagues ténébreuses qui pénétrèrent dans son corps.
« Je pensais me débarrasser de toi un peu plus tard. Tant pis, ce sera plus tôt que prévu ! » s'exclama-t-il dans un demi sourire mauvais.
« Q-que… ! Ah ! »
Iedolas se tint la tête entre les mains pris de vives douleurs dans tout le corps. Ses membres se déformèrent et se changèrent en pattes dont les extrémités étaient constituées de griffes tranchantes. Il avait la chair à vif à plusieurs endroits, des cornes longues et pointues, des ailes reptiliennes et la peau sombre comme la nuit.
« C-cr-cris-cristal…cr-cristal… » répétait-il inlassablement.
« Jusqu'à la fin, il n'aura pensé qu'à ça, quelle tristesse ! » ironisa le Chancelier impérial. « Oh, au moins, il aura de quoi s'occuper à partir de maintenant. »
Venait le tour du scientifique et l'Empire serait livré à lui-même. Le plasmodium s'étant propagé dans tout Graléa, les rues étaient désormais désertes et les citoyens étaient soit cloitrés chez eux soit émigrés ailleurs. Ardyn sortit un téléphone de la poche intérieure de sa veste et composa un numéro dont il avait déjà fait usage.
« Oui. » répondit la voix de son interlocuteur.
« Bonjour Commandante Aranea ! Oups ! Il est vrai que vous ne faites plus partie de l'armée mais j'aurais quelque chose qui pourrait vous intéresser, en remerciement pour votre aide antérieure. »
« Crachez le morceau Chancelier ! » lui somma la jeune femme qui n'avait plus besoin de se soucier de l'étiquette. « Je n'ai pas de temps à vous accorder, l'évacuation des citoyens me demande toute mon énergie. »
Il ricana dans sa barbe.
« Pas même pour venir en aide au petit cowboy de la bande à Noctis ? »
Un bref silence se fit entre eux jusqu'à ce que l'ancienne commandante le brise.
« Qu'est-il arrivé ? »
« Eh bien, il s'est malencontreusement perdu dans le laboratoire Magitek du professeur Besithia. » dit-il en modifiant quelque peu les faits.
« Que fait-il chez ce vieux fou ?! » demanda-t-elle stupéfaite.
« Bref. Je ne peux pas m'en charger moi-même mais j'ai laissé quelques joujoux pour qu'il puisse s'en sortir sans trop de mal. Cependant, je serai rassuré si vous pouviez l'assister car seul, il risque fort de…déprimer un peu ah ah. »
La jeune femme surnommée « Le Chevalier Dragon » sembla réfléchir, hésiter puis finit par accepter la requête de l'homme aux cheveux violets en lui indiquant l'heure de son arrivée dans le labo. Il coupa la communication et se rendit au sein de ce dernier afin de profiter de l'acte final qui clôturerait l'implication de l'Empire de Niflheim dans ses projets.
Prompto découvrit ses origines et la raison pour laquelle un numéro de série avait été tatoué sur son poignet. Il faisait partie des nombreux bébés utilisés dans les recherches sur le plasmodium, nés à partir de l'Adn de Verstael Besithia et produits en masse dans le but d'accroître le nombre de soldats au sein de l'armée. Le jeune homme blond échappa à son expérimentation grâce à un espion du Lucis qui s'était introduit dans le laboratoire du scientifique. Il y fut soustrait et confié à une famille modeste à Insomnia où il grandit dans l'ignorance. Il y rencontra ensuite Noctis et devint son meilleur ami. Tout ce qu'il savait à ce moment-là, c'est qu'il n'était pas Lucisien mais il ignorait que son destin avait été de servir de simple cobaye. Aidé d'Aranea, Prompto réussit à s'enfuir du laboratoire et à rejoindre ses compagnons sain et sauf, sous l'œil amusé d'Ardyn qui observa la scène de loin.
L'homme aux yeux ambrés avait dégagé toute la route de Noctis afin que ce dernier puisse accéder au cristal et procéder à son Ascension en tant que roi de la lumière. Perdu dans la tour de Zegnautus, séparé de ses amis, le jeune prince fut malmené par le Chancelier qui prit un malin plaisir à le tourmenter et à le tester, ne lui offrant aucun répit. Il lui tendit de nombreux pièges tout en le guidant à distance, s'amusant de la situation, le torturant psychologiquement, se montrant cruel et impitoyable à son égard. C'était comme s'il lui faisait payer ses années de torture, d'ennui et le fait d'avoir été choisi par les Dieux puis trahi et jeté dans l'oubli. Lorsque Noctis arriva devant le Cristal sacré pour obtenir son pouvoir, il formula son souhait de sauver le monde des daemons et la force de l'artefact s'empara de son bras tendu et commença à l'attirer en son centre. C'est à cet instant qu'Ardyn décida de sortir de l'ombre.
Alors que Noctis se faisait aspirer par le Cristal, l'homme aux cheveux violets lui révéla alors son identité.
« Embrassé par la lumière, c'est bien là l'apanage de l'élu. » dit-il en marchant dans la direction de l'héritier. « Permets-moi de te conter une histoire ancienne. Il y a très longtemps, un fléau incurable frappa ce monde. Il était dû à des petits parasites. Les victimes de ce mal mutaient brusquement. Elle devenaient des monstres exécutés sans pitié. Cependant, il y avait au Lucis un homme hors du commun. Son corps était capable d'absorber la maladie, ce qui lui permit de sauver d'innombrables vies. Or, le roi de l'époque, qui n'était pas encore élu par le cristal, décida par jalousie d'éliminer cet homme qui était pourtant le seul à pouvoir sauver son peuple. Faisant de lui un monstre et un paria. »
Noctis tentait de se soustraire à l'emprise du cristal en tirant sur son bras mais l'aura de lumière continuait à l'attirer à l'intérieur de l'artefact.
« Quand je t'ai donné mon nom, je ne t'ai pas menti, mais je n'ai pas précisé mon nom officiel. Ardyn Lucis Caelum. Comme le tien. Mais…Izunia est resté mon nom de famille. » expliqua-t-il. « Noct, te tuer en tant que simple humain ne me servirait à rien. Revendique la force du cristal et deviens le roi de la lumière. Ce que je désire vraiment, c'est voir le cristal disparaître…en même temps que le roi élu auquel il aura confié son pouvoir. J'espère que tu reviendras vite. N'aie crainte, je tiendrai compagnie à tes amis en attendant. » ironisa l'homme aux yeux ambrés.
L'héritier du royaume du Lucis disparut alors dans un cri de frustration, aspiré intégralement par le Cristal. Le temps qu'il mettrait à charger l'anneau était inconnu à Ardyn mais ce dernier saurait quand le Roi élu finirait par revenir réclamer son trône. Tout ce qui lui restait à faire était d'attendre patiemment son retour. L'aube ne tarderait pas à décliner en l'absence de l'artefact sacré qui maintenait l'équilibre jusqu'alors, raccourcissant les journées. À terme, c'était une nuit sans fin qui finirait par tomber sur le monde.
L'homme aux cheveux violets rejoint ses appartements pour retrouver Mi-Hann. Il la trouva assoupie dans le fauteuil qu'il occupait la plupart du temps, avec le journal de Fide, ouvert, sur les genoux. Il n'y avait pas grand-chose à faire d'intéressant, elle devait probablement s'ennuyer. Il s'accroupit à sa hauteur et pinça doucement son nez afin de la faire réagir. La jeune femme se réveilla au bout d'un moment, gênée par ce contact taquin et l'homme l'accueillit avec un demi-sourire.
« Bon retour mon Ardyn… » murmura-t-elle en lui rendant son sourire.
« Je suis rentré. » répondit-il sans quitter le journal des yeux. « Mi-Hann, il faut que je te montre quelque chose. » déclara l'homme d'un ton grave. « Suis-moi. »
Il se redressa et se dirigea vers la porte qui, à la connaissance de la jolie brune, avait toujours été close depuis son arrivée en ce lieu. Elle se leva pour le rejoindre, à la fois anxieuse et excitée à l'idée de découvrir ce qu'il y avait derrière. Ardyn passa la paume de sa main sur une zone du mur à proximité de la serrure et un clic retentit. Il ouvrit la porte et invita Mi-Hann à entrer d'un geste courtois mêlé d'élégance et de raffinement. Cette dernière passa l'embrasure et fit le tour de la pièce des yeux. Elle était grande mais quasiment vide. Le sol sous ses pieds était constitué de pierre en granit beige tandis qu'au centre de la salle, un large espace de verdure dénotait du reste.
« Mais c'est… »
Elle se mit à marcher rapidement vers ce qu'elle pensait avoir deviné. Il s'agissait d'une tombe. Des inscriptions étaient notées dessus et la jeune femme lut ce qui y était indiqué.
Fide Kurena – Qui songe à oublier se souvient.
« Je comprends ce qu'il a voulu dire quand il me disait être lié à Ardyn par un serment. » pensa-t-elle.
« Je l'ai enterré ici. Lorsque je suis sorti de ma prison, il ne restait plus que ses ossements. Je me souviens à peine de son visage mais je n'ai jamais oublié le regard qu'il m'a lancé quand il est mort… » expliqua-t-il.
« Il avait des yeux aussi verts que moi, des cheveux aussi noirs que moi, mi-longs et se terminant en une natte portée le long de son cou. Sa peau était mate et il avait un tatouage sur son avant-bras gauche, une marque de famille dont il semblait assez fier. Son regard était doux et compréhensif, ce devait être quelqu'un de très humain. » détailla Mi-Hann d'une voix douce.
Ardyn se tourna vers elle, surpris par ce qu'elle venait de dire.
« Comment le sais-tu ? »
« Je l'ai vu, Ardyn. »
« Quoi ? »
« J'ai rencontré Fide dans un rêve ou…je ne sais pas ce que c'était mais je l'ai vu, aussi clairement que je te vois. Il m'a parlé. »
« …Que t'a-t-il dit ? » lui demanda-t-il, curieux.
« La famille Kurena sera toujours de ton côté. » simplifia-t-elle volontairement.
Le visage fermé pendant quelques secondes, un léger sourire finit par se former sur les lèvres d'Ardyn.
« C'est tout à fait son genre… »
La jeune femme s'agenouilla et posa le journal devant la stèle. Elle souhaitait qu'il puisse rapidement reposer en paix même si elle ignorait ce que ça impliquait réellement pour Ardyn. Peut-être qu'une fois sa vengeance réalisée, l'homme parviendrait à faire le deuil de son passé et que cela permettrait à Fide d'être enfin libéré.
o-o-o-o
Trois mois plus tard.
« Mon amour, est-ce que tu penses qu'il nous est encore possible de sortir à l'extérieur ? Je sais que les nuits seront de plus en plus longues mais… »
« Mais tu aimerais prendre l'air. »
« Oui…Pardon de faire preuve d'autant d'insouciance. Je ne sais pas pourquoi ça me travaille autant… »
« Pour le moment oui mais la fin de l'aube ne saurait tarder et ce sera trop dangereux pour toi. Le jour a déjà commencé à raccourcir. »
Ardyn était conscient que la situation n'était pas facile pour sa compagne. Elle qui aimait le plein air, devait étouffer, coincée entre quatre murs. Il songea brièvement à l'héritier du Lucis, toujours enfermé dans le Cristal mais balaya aussitôt cette pensée en plongeant ses yeux dans les magnifiques iris de la jeune femme.
« Où veux-tu aller ? » lui demanda-t-il au bout de quelques secondes. « Lestallum ? »
Elle secoua négativement de la tête.
« À l'Est du disque de Cauthess, il y a une forêt chargée d'Histoire. Le lieu est magnifique. » expliqua-t-elle en évitant de divulguer ses véritables intentions.
« En effet, il s'agit de la forêt de Nebula. À l'époque, c'était un carrefour marchand très fréquenté. »
« Je me disais bien que c'était quelque chose dans ce genre. »
Au lieu de prendre la voiture, Ardyn s'empara d'un vaisseau Magitek, bien plus rapide que cette dernière. De plus, désormais, il n'était plus ennuyé par les surveillances de l'Empire qui s'était effondré. Ils arrivèrent à destination et se posèrent un peu au sud de la forêt à la demande de la jeune femme. L'homme aux cheveux violets descendit de l'appareil suivi par Mi-Hann et se mit à humer l'odeur qui se dégageait des lieux, une odeur bien trop familière.
« Quelle est cette odeur ? » feint-elle de demander. « Ça sent fort, comme du foin mélangé à de la nourriture pour animaux. » décrivit la jeune femme. « Je suis curieuse, je vais aller voir ! »
L'homme aux cheveux violets voulut l'arrêter mais la jolie brune s'était déjà éclipsée. Mal à l'aise, il se résout à la rattraper pour ne pas la laisser seule mais son impression se révéla exacte car à quelques mètres de leur position se situait un élevage de Chocobo.
« Ce qu'ils sont mignons ! » s'exclama Mi-Hann qui s'était empressée d'aller voir les volatiles.
Ardyn restait à bonne distance ce qui attira l'attention de l'éleveur qui se trouvait non loin de là.
« Vous en avez peur ? Un grand gaillard comme vous ? Ils sont très gentils pourtant. N'ayez crainte. Approchez ! » l'invita l'homme.
« Je vais profiter de la vue d'ici. » déclina-t-il poliment.
Un employé arriva en courant auprès de l'éleveur et semblait ennuyé.
« Wiz, le petit s'est encore échappé de son enclos. C'est la troisième fois cette semaine. »
« Quel petit coquin celui-là ! Il n'a pas l'air d'apprécier l'enfermement mais je pense qu'il ne doit pas être bien loin, il doit sûrement se promener dans le coin. »
« Il n'arrête pas. Dès que quelque chose attire son attention, il ne peut pas s'en empêcher j'ai l'impression ! » se plaignit le soigneur.
Le vieil homme croisa les bras, sceptique.
« Et qu'est-ce qui a bien pu attiser sa curiosité cette fois ? »
Mi-Hann qui regardait autour d'elle pour essayer de chercher le « petit » en question se mit à pointer quelque chose du doigt.
« Là, Ardyn ! Derrière toi, à tes pieds ! » s'exclama-t-elle d'un ton enjoué.
L'homme se retourna, regarda par terre et changea subitement d'attitude. Comme figé, il n'osa pas effectuer le moindre mouvement. Un bébé Chocobo noir était en train de le fixer, immobile. Ses tout petits yeux noirs semblaient se poser mille questions en observant cet humain de très grande taille. Attendrie, la jeune femme voulut s'approcher de l'animal pour le caresser mais ce dernier l'esquiva et mit environ deux mètres entre eux.
« Oh, j'ai l'impression qu'il ne m'aime pas trop. » dit-elle en riant.
« Ceux-là ont leurs têtes. Ils sont beaucoup plus têtus et sauvages que les Chocobos communs. » expliqua Wiz.
La jeune femme aux longs cheveux noirs recula de plusieurs pas pour s'éloigner. Dès lors qu'elle mit de la distance entre Ardyn et elle, le minuscule volatile se hâta de reprendre sa place initiale aux côtés de l'ancien Chancelier et planta de nouveau ses petits yeux dans l'ambre du regard de ce dernier.
« Je crois qu'il t'aime bien. » affirma-t-elle. « Ah, c'est que je serais presque jalouse moi ! »
L'homme se baissa alors et approcha une main hésitante sur la tête du bébé Chocobo qui se laissa caresser sans manifester le moindre désaccord.
Le propriétaire de l'élevage et son employé se regardèrent, ahuris.
« C'est bien la première fois que je vois ça ! » s'écria Wiz. « C'est uniquement grâce à un courageux groupe d'aventuriers s'il est là, en sécurité, mais même eux, n'ont pas pu le toucher. »
« Oui, incroyable ! » rétorqua le soigneur, médusé.
Le vieil homme croisa les bras, songeur puis tapa dans ses mains.
« Bon, on s'est un peu égaré. Dites-moi, vous êtes là pour faire un tour en Chocobo ? »
« N-n… » commençait à nier Ardyn.
« Oh ! C'est vrai, c'est possible ? Je ne suis jamais montée sur un Chocobo ! » demanda Mi-Hann envahie par l'enthousiasme.
« Bien-sûr ! Après tout, nous louons des Chocobos depuis longtemps ! » expliqua fièrement l'éleveur passionné par son métier. « Pour vous remercier de ce spectacle si rare, je vous offre la promenade. »
Les yeux vert émeraude de sa compagne le suppliaient clairement d'accepter. Dans le cas contraire, elle aurait été capable d'y aller seule donc c'est avec une certaine appréhension qu'Ardyn se résigna et finit par donner son accord. Il n'avait pas chevauché depuis des siècles mais au même titre que la danse, il se souviendrait facilement de ce qu'il avait appris enfant. Wiz aida Mi-Hann à grimper sur un volatile qu'il choisit doux de par l'inexpérience de la cavalière tandis qu'Ardyn se tenait déjà fièrement sur celui qui avait été amené par l'employé. L'éleveur expliqua la marche à suivre pour se faire comprendre efficacement de l'animal et c'est sous un soleil timide que le couple partit en ballade.
La jeune femme semblait heureuse et fredonnait un air qu'il ne connaissait pas.
« C'était vraiment adorable de te voir avec ce petit Chocobo. Ce qu'il était trognon ! » s'exclama-t-elle.
Devant le silence éloquent de l'homme aux cheveux violets, elle tenta de lui changer les idées.
« On fait la course ? » le défia-t-elle.
« Il est évident que tu n'as aucune chance. »
« Ça, je ne le saurai pas avant d'essayer ! Alors, qu'en dis-tu ? » lui demanda-t-elle de nouveau, un sourire en coin.
« Tu vas le regretter ! » marcha-t-il.
Elle fit le décompte honnêtement et les deux Chocobos filèrent à toute vitesse sur le chemin sablonneux qui avait été marqué dans ce but. Mi-Hann s'en sortait plutôt bien mais la maitrise évidente d'Ardyn eut bientôt raison de la débutante qui ne connaissait pas toutes les techniques de monte. Elle évitait les obstacles alors que son compagnon pouvait faire sauter sa monture sans problème.
« C'est de la triche ! » s'écria gaiement la jeune femme au bord de la crise de fou rire.
« Mauvaise perdante ! » rétorqua l'homme aux yeux ambrés qui s'était pris au jeu.
Ils éclatèrent de rire, s'amusant comme deux enfants. Les deux Chocobos allaient bientôt atteindre l'arrivée, celui d'Ardyn en tête. Le chemin était très long et droit, il ne restait qu'une centaine de mètres jusqu'à la ligne finale. La monture de l'homme arriva première suivie par celle de Mi-Hann qui dût reconnaître sa défaite.
« Je l'admets, tu as gagné. » félicita-t-elle.
« Bien-sûr. »
En guise de réponse, la jeune femme lui tira la langue et il esquissa son demi-sourire caractéristique. Il adorait sa spontanéité. Ils rentrèrent les volatiles à l'écurie et voyant que le soleil commençait à se coucher, ils prirent la direction du vaisseau Magitek après avoir salué l'éleveur de Chocobos. Sur le chemin, Mi-Hann glissa sa main dans celle de l'homme aux yeux ambrés et entremêla ses doigts dans les siens. Un soupire traduisant son bien-être s'échappa de sa gorge.
« Cette journée était parfaite. »
« Tu comptais m'amener ici depuis le départ, n'est-ce pas ? » devina Ardyn.
« Oui et non. Je voulais vraiment chevaucher un Chocobo pour comprendre pourquoi tu les aimais autant. »
« … »
« Et je crois que j'ai pu entrevoir au moins une de ces raisons et ça me suffit. Même apprivoisés, on ressent cette curieuse impression qu'on ne pourra jamais les dompter complètement. Le petit Chocobo noir en était la plus belle preuve… »
Perspicace comme toujours.
À l'appartement, Mi-Hann prépara le dîner pour elle seule, Ardyn n'en ayant pas voulu mais il s'attabla quand même avec elle. Elle commença à manger alors qu'il la regardait comme il avait pris l'habitude de le faire. Chacun de ses gestes était empreint d'une grâce naturelle sans exagération, à l'exact opposé de l'attitude théâtrale dont était pourvu l'ancien Chancelier pour duper son auditoire.
« Ardyn, je me pose une question depuis un certain temps. » déclara la jeune femme dont le regard était perdu dans le vague.
« Qu'y a-t-il ? »
Elle semblait réfléchir à la tournure de sa demande car il était vrai que l'homme était avare d'explications dès qu'il s'agissait de parler de ce sujet. Elle prit une bouchée de son repas qu'elle ingurgita avant de s'exprimer.
« Tu m'as dit de ne pas m'en faire à ce sujet mais… » dit-elle avant de porter la main à sa bouche, soudainement gênée « Pardon, je… »
La jeune femme aux longs cheveux noirs se leva brusquement et disparut dans la salle de bain en courant, sans un mot. Déconcerté par ce qu'il venait de se passer, Ardyn alla la retrouver mais elle s'était enfermée dans les toilettes et il attendit au salon qu'elle sorte. Il entendit l'eau du lavabo couler et elle revint après plusieurs minutes, les yeux fixant le sol et l'expression troublée.
« Tout va bien ? » demanda l'homme aux cheveux violets.
« Ardyn, je…je crois que je suis enceinte. »
Il resta planté devant elle après avoir reçu l'information de plein fouet.
« T-tu es… » bafouilla-t-il sans pouvoir terminer sa phrase.
Elle paniqua, ne sachant pas comment il allait réagir. Ils avaient pourtant pris leurs précautions.
« J'avais du retard mais j'ai quelques fois eu un cycle irrégulier par le passé donc je ne me suis pas plus inquiétée que ça…Mais là, je…j'ai d'abord eu des nausées et je viens de rendre mon repas… »
Mi-Hann ferma les yeux, n'osant pas regarder son compagnon dans les yeux. Elle était terriblement heureuse au fond d'elle et elle toucha son ventre par réflexe mais elle se sentit alors soulevée dans les airs et doucement enlacée par les bras d'Ardyn.
« Tu n'es pas fâché ? »
Il murmura un « non » étouffé par les baisers qu'il lui donnait dans le cou. Il ignorait pourquoi mais il débordait littéralement de bonheur en cet instant. Père, il allait être père ! Seulement, l'amère réalité le rattrapa bien vite et il réalisa quelque chose que son objectif ancré en lui depuis des siècles ne lui avait pas permis de voir. Quelle ironie du sort. Il riait presque à cette pensée. Il ne vivrait plus aux côtés de sa femme bien-aimée et il ne verrait pas son enfant grandir s'il allait jusqu'au bout. D'un autre côté, son immortalité finirait par le rattraper et il les perdrait tous les deux, inexorablement. Qu'est-ce qui était le plus insupportable au moment présent ? D'innombrables questions traversèrent son esprit. Fonder une famille avec Mi-Hann ? Quel genre de père serait-il ? Sera-t-il une fille ou un garçon ? Lui ressemblera-t-il ? Sera-t-il en bonne santé ? C'est de nouveau la jeune femme qui le tira de son tourment.
« Mon amour, je veux pouvoir profiter du temps qui nous est attribué, aussi court soit-il. Je souhaite vivre une vie sans regrets et avoir la famille que je n'ai pas eu la chance d'avoir. »
Il la serra contre lui comme s'il avait peur qu'elle s'échappe et qu'elle disparaisse. Il était fou d'elle et c'est désespérément qu'il l'embrassa afin de le lui témoigner, les mots n'étant plus suffisants.
o-o-o-o
La grossesse de Mi-Hann se passa à merveille. La nuit n'avait pas encore envahi Eos malgré la disparition du Cristal et l'équilibre était encore préservé. Néanmoins, les populations avaient commencé à déserter certaines des zones les plus reculées, ne se sentant plus à l'abri. Ardyn s'évertuait à produire le moins de parasites possibles en cessant d'assimiler les ténèbres en lui. Le retour de l'élu de la lumière permettrait de faire revenir les choses à la normale et il lui suffirait de gagner du temps pour repousser l'échéance, qu'il aurait dû savoir inéluctable. Celui qui médite vit dans l'obscurité celui qui ne médite pas vit dans l'aveuglement. Nous n'avons que le choix du noir*1.
o-o-o-o
Mi-Hann se tint le bas du ventre, assaillie par une douleur lancinante qui la força à s'agenouiller. Le terme n'était pourtant prévu que dans quinze jours. Elle était consciente qu'elle allait devoir accoucher dans l'appartement mais elle espérait qu'Ardyn soit vite de retour pour assister à la naissance de leur bébé. Il lui avait promis de faire au plus vite et elle savait qu'il touchait presque au but. Résolue à ne pas se laisser envahir par le stress, elle se mit à marcher à travers toute la pièce principale afin de se soulager un peu.
Le travail dura huit heures et les contradictions augmentèrent progressivement en intensité et en douleur, la forçant à se rendre dans la salle de bain et à s'allonger dans la large baignoire. Mi-Hann perdit les eaux au bout de la sixième heure de la phase active et c'est lors de cette dernière qu'Ardyn revint auprès d'elle.
Il avait assisté à l'accouchement d'Eléonore et il comprenait l'état dans lequel s'était trouvé Fide, il se sentait impuissant à aider sa femme durant cette épreuve. Tout ce qu'il pouvait lui offrir était son soutien inconditionnel. Le stress l'envahissait et il était affecté par la douleur qu'elle ressentait même si elle tentait de la contenir. Elle serrait sa main dans la sienne à chaque fois que la douleur se faisait plus oppressante.
« Gnnnn… » gémissait-elle. « Ardyn, j'ai tellement mal ! »
« Respire ma douce, voilà, comme ça. »
La jeune femme avait l'impression que les contractions ne s'arrêteraient jamais tant elles lui semblaient proches les unes des autres. Elle fut prise de bouffées de chaleur alors que ses mains étaient glacées. Elle avait envie de pousser et haleta sans pouvoir s'en empêcher, afin d'atténuer la pression qui l'assaillait sans cesse jusqu'à ce qu'elle soit prise d'étourdissement.
Mi-Hann sentait que le bébé arrivait et commença à pousser. Pousser la soulageait brièvement et elle vivait littéralement la venue de son enfant, elle se sentait vivante parce qu'elle donnait la vie. Son trésor, son enfant, l'enfant d'Ardyn Lucis Caelum. Elle avait hâte de le rencontrer.
Elle dût changer de position car l'inconfort rendait l'expulsion du bébé plus difficile et elle demanda à son compagnon de l'aider à se redresser afin de se mettre à genoux. Elle s'appuya sur le mur de la salle de bain à chacune des contractions et poussa de plus belle, accablée par les efforts qu'elle devait fournir, la fatigue commençant à l'emporter.
La tête de l'enfant apparut et Ardyn s'évertua à l'en extraire délicatement, se souvenant des instructions de la sage-femme qui avait accouché l'épouse de son défunt meilleur ami. Quand il accueillit enfin le bébé dans ses bras, il sut que le calvaire de sa femme était terminé. Il regarda ce petit être fragile tout en le nettoyant du sang qui le couvrait, c'était un garçon. Comme il s'y attendait, son fils avait les cheveux noirs mais ses yeux étaient vairons, l'un était aussi vert que ceux de sa mère et le second était noisette avec des nuances ambrées. Il était père et n'aurait pas cru possible de pouvoir aimer instantanément son enfant d'un amour inconditionnel.
Mi-Hann se laissa tomber contre le rebord de la baignoire, épuisée par l'accouchement et prise par l'envie intense de fermer les yeux. L'homme aux cheveux violets se tourna vers sa bien-aimée afin de déposer leur fils contre son cœur et lui faire rencontrer sa maman. Il était calme et ne pleurait pas.
« Je me sens vraiment fatiguée, je vais juste dormir un peu… » chuchota la jeune femme faiblement.
« Regarde notre fils mon amour, comme il te ressemble ! » lui dit-il envahi par la fierté.
La jeune femme lui sourit et tenta de garder les yeux ouverts mais son calvaire n'était pas terminé car elle devait encore expulser le placenta et sentit de nouvelles contractions l'assaillir, bien moins fortes qu'avant cependant. L'homme aux yeux ambrés l'aida comme il put en exerçant une pression sur son ventre afin que sa délivrance soit complète.
Une quantité anormale de sang s'écoula de son entrejambe alertant son compagnon qui n'avait encore jamais rencontré cette situation et il commença à s'inquiéter. Mi-Hann n'avait plus la force de pousser, tout ce qu'elle désirait en ce moment était de se reposer, de dormir profondément dans les bras de l'homme de sa vie, son bébé auprès d'elle. Ses paupières étaient si lourdes qu'il lui était impossible de les garder ouvertes, elle sentait ses forces la quitter peu à peu et elle comprit ce qui était en train de lui arriver. Des larmes coulèrent de ses joues alors même que l'hémorragie était en train de l'emporter.
« Je suis désolée… » souffla-t-elle tendrement.
Ardyn nia l'évidence alors que le sang de sa bien-aimée commençait à se répandre dans la baignoire et imbibait le tissu de son pantalon.
« Pourquoi t'excuses-tu ma chérie ? Tu as bien travaillé, tu vas prendre du repos et ça ira mieux, d'accord ? »
« Oui… » dit-elle les yeux à demi-clos.
Il lui caressait les cheveux comme s'il tentait de lui redonner de l'énergie mais sa main tremblante ne pouvait pas le tromper et il posa son autre main dessus pour l'empêcher de palpiter.
« Mon amour… » murmura la jeune femme. « Si nous...nous réincarnons…un…jour, je sais que…je tomberai…de nouveau amoureuse…de toi. »
« Qu'est-ce que tu veux dire… ? Non ! » réalisa-t-il.
Il lui prit la main comme pour la retenir.
« Prends soin de…notre fils, Fide… » déclara-t-elle.
À l'énonciation de ce prénom, les lèvres d'Ardyn tremblèrent et sa mâchoire se crispa.
« J'avais décidé de tout laisser derrière pour rester auprès de toi, pour voir grandir notre enfant mais l'idée de vous perdre m'était insupportable. Je n'appartiens plus à ce monde, j'aurais dû mourir il y a longtemps mais toi, tu y as ta place…Si j'avais su… »
« J'étais…consciente…des…conséquences…Je n'ai…jamais…regretté de t'avoir aimé, à aucun…moment. » avoua-t-elle dans un souffle douloureux, l'empêchant de dire ce qu'elle refusait d'entendre. « J'avais…deviné ce que tu…prévoyais de faire mais mon…amour, je n'aurais pas…supporté de…vivre dans ce monde sans…toi. »
Et dans un effort qui lui prit ses dernières forces, elle entremêla ses doigts dans les siens comme elle adorait tant le faire et poussa son dernier soupir dans une ultime déclaration.
« Je t'aime…tellement. Je t'attendrai…dans l'au-delà, mon Ardyn… »
Il sentit la force de sa main faiblir jusqu'à s'éteindre complètement.
« Mi-Hann ? » appela-t-il en caressant son visage. « N-non, reste avec moi ! » s'écria-t-il en la secouant légèrement pour la faire réagir.
Devant l'absence de réaction de sa compagne, l'homme, dévasté par le chagrin, enfouit son visage dans le creux de son cou en la serrant contre lui et fit sortir sa peine dans un hurlement qui lui revint comme un écho.
« Tu aurais dû vivre heureuse dans ce nouveau monde, tu le méritais tant…Mais Mi-Hann, mon amour, c'est la même chose pour moi... » pleurait-il « Une vie sans toi, n'a aucun sens… »
Ardyn fut tiré de sa torpeur par les pleurs de son fils qui avait cruellement besoin de lui. Il s'occupa de ce dernier alors même qu'il était terrassé par la douleur, le nourrit et le coucha dans son petit lit. En observant le nourrisson assoupi, il fut envahi par un sentiment mêlé d'espoir et de tristesse. Cet enfant représentait l'avenir qu'il désirait protéger et il dût prendre la difficile décision de s'en séparer afin de le confier à une famille qui saurait prendre soin de lui. L'objectif de l'homme aux cheveux violets n'avait pas changé.
Il se rendit auprès de l'amour de sa vie et une indicible peine s'insinua dans son cœur quand il posa les yeux sur son visage. Elle semblait seulement endormie, un léger sourire affiché sur ses lèvres. Il la porta dans ses bras ne se souciant pas du sang qui tâchait ses vêtements et se rendit dans la pièce d'à côté afin d'ériger une sépulture digne d'elle. Sa place était aux côtés de son ancêtre, les seules personnes qu'il avait aimées de tout son être et pour qui il aurait pu mourir sans hésiter s'il avait pu leur rendre la vie en échange. Il resta un moment devant la tombe de Mi-Hann avant de se décider à rejoindre son fils.
Il se pencha au-dessus du berceau car il y avait un moment que ce dernier dormait et il devait lui donner le biberon régulièrement les premiers temps. Cependant, en observant le bébé d'un peu plus près, il écarquilla les yeux de stupeur en réalisant que ce dernier ne respirait plus. Il tenta tout pour le réanimer, en vain. Il sentit une douleur atroce dans sa poitrine le transpercer, cumulée à celle qu'il avait ressentie à la mort de sa femme.
Il se laissa tomber sur les genoux, frappant violemment le sol avec ses poings et soudain, il fut pris d'un éclat de rire incontrôlable. Toutes ses émotions contenues depuis deux millénaires s'échappèrent de son cœur brisé accompagnant celles qui s'étaient créées depuis sa rencontre avec Mi-Hann.
« Espèce d'imbécile ! Qu'est-ce que tu croyais ?! » hurlait-il les larmes roulant sur ses joues et mouillant le carrelage. « Rien n'a changé ! »
Il resta prostré, le regard vide, les yeux rougis, dans la baignoire immaculée du sang de sa compagne, son fils mort dans ses bras, pendant plusieurs heures. Cela ne pouvait pas non plus être une coïncidence. Le destin se jouait de lui de nouveau. Il l'avait manipulé comme on manipule un objet au creux de sa main, comme Ardyn avait manipulé son monde afin de parvenir à ses fins. Lui faire ressentir de nouveau des sentiments, le faire s'attacher profondément à quelqu'un, lui faire éprouver le bonheur pour les lui arracher brutalement sans aucune pitié, il ne pouvait plus en supporter davantage. C'est seul qu'il quitta à jamais la chambre qu'il avait occupée, ne laissant derrière lui qu'une pièce contenant trois tombeaux. Il se déchaîna sur l'appartement, mettant le feu qui se propagea rapidement et détruisit ce qui fut son seul refuge, brûlant tous les souvenirs qu'il s'était créé, carbonisant le journal de Fide qui avait été à l'origine de sa désillusion.
Il n'y avait aucun autre moyen. Ce monde n'avait aucun sens. Il fallait tout anéantir, annihiler les lignées, l'anneau, le cristal, afin de briser ce cycle dont il avait été le centre malgré lui et trouver enfin le repos. Il voulait se venger oui mais avoir passé deux mille ans isolé et exilé lui avait fait prendre conscience de la réalité qui l'attendait : celle de demeurer seul au sein des ténèbres pour l'éternité. Il s'était refusé à nouer des liens avec qui que ce soit en arborant son habituel détachement et en regardant le monde avec dédain mais sa rencontre avec Mi-Hann avait tout changé. Il voulait lui offrir un avenir dans un monde débarrassé des ténèbres, un monde où son fils aurait pu grandir en paix. Le même monde dont Fide aspirait pour sa fille. La perdre, perdre son enfant, le confortait dans sa résolution mais cette fois, il n'avait plus rien à perdre et le monde allait en payer le prix.
Toujours plus provoquer Noctis, toujours plus le pousser à bout afin qu'il n'abandonne pas ce pour quoi il était venu au monde. Tous les moyens avaient été bons pour le convaincre qu'il fallait le détruire, il n'y avait pas de place pour la pitié. Il n'en avait plus besoin car plus rien n'avait d'importance désormais. Il avait répandu les ténèbres sur le monde pendant trente ans, accumulant toujours plus de pouvoir pour les supporter, afin de provoquer la prophétie. Trente années qui lui avaient paru une éternité alors qu'il avait déjà deux millénaires derrière lui, trente ans à attendre que l'élu de la lumière vienne le tirer de son cauchemar éveillé. Jamais il ne s'était senti à ce point seul depuis que sa belle Mi-Hann l'avait abandonné, pas même durant tous ces siècles d'emprisonnement. Il avait appris ce qu'était la patience mais en cet instant, il n'en pouvait plus. Il devait jouer son rôle jusqu'à la fin, combien de temps encore à attendre dans cette salle du trône inexorablement vide ?
Noctis mit dix ans pour charger l'anneau et devenir l'élu de la lumière. Dans cet unique but, Ardyn s'était déchaîné sur le monde qui n'était devenu plus qu'une longue nuit sans fin, provoquant la multiplication des daemons sur la surface d'Eos. Pour attiser la colère de Noctis, il avait fait apparaître les cadavres de ses victimes dans la salle du trône, parmi lesquels, le père et la fiancée de ce dernier. Il fallait que le nouveau Roi du Lucis soit habité par la volonté d'en finir avec lui une bonne fois pour toute. Il aurait pu se débarrasser de ses trois amis mais il craignait que sans eux, le Roi élu n'aille pas jusqu'au bout et il les laissa donc manœuvrer librement pendant cette décennie. Et lorsque Noctis pénétra dans la salle du trône pour l'affronter avec Gladiolus, Ignis et Prompto, c'est avec un sourire confiant et satisfait qu'Ardyn les accueillit. Il projeta trois faisceaux d'énergie pour endormir les compagnons de l'élu de la lumière et l'invita à le suivre à l'extérieur du palais.
« Il est loin le temps du petit prince faible et ignorant. Voyons ce que tu vaux maintenant en tant que Roi. J'espère que tu ne me décevras pas. »
« Ne me prends pas en pitié, ne fais pas marche arrière Roi élu... »
Ils se jetèrent l'un sur l'autre mais la violence de l'impact les projetèrent violemment chacun de leur côté et ils revinrent rapidement au sol à l'aide d'une éclipse tactique.
« Bien, reprenons. »
« Je t'ai tout pris pour que plus rien ne te rattache à ce monde. »
« Ouais…finissons-en. » acquiesça fermement Noctis.
« Bien…et si nous commencions les hostilités ? »
« Tu iras jusqu'au bout pour offrir un avenir à tes amis n'est-ce pas ? Comme j'ai désiré offrir un avenir à ma famille… »
« Tu penses donc être l'élu ? C'est uniquement parce que j'ai été injustement écarté. »
« Tue-moi. »
« Que penses-tu de ce que j'ai fait de ce monde ? Comme tu as pu le constater, je n'ai pas chômé. » le provoqua Ardyn. « C'est donc ça, la force du roi élu ? C'est assez décevant…Tu pourrais essayer de faire mieux que ça ! Tu es censé avoir acquis un pouvoir incommensurable. » poursuivait-il afin d'inciter Noctis à donner tout ce qu'il avait.
« Tue-moi ! »
Il plaqua violemment Noctis sur le sol et le releva en le saisissant par le col de sa chemise.
« Enfin ! L'heure de ma revanche a sonné. Elle s'est fait attendre, mais ça en valait la peine. »
« Ne crie pas victoire. Ce n'est pas terminé. » le contredit Noctis.
« Alors, qu'est-ce que tu attends ? Tu as le pouvoir du cristal ! Voyons un peu s'il surpasse le mien… »
« Tue-moi ! »
« La lumière…est avec moi ! » s'écria Noctis, plus déterminé que jamais.
« Tu ressembles déjà un peu plus à un élu, comme ça. »
« Tue-moi ! »
Le combat se passa dans les airs, équipés de leur arsenal Fantôme. Les armes s'entrechoquèrent, des rayons d'énergie les frappaient de plein fouet et ils finirent tous les deux à terre, vidés de leur énergie après que Noctis ait lancé une attaque explosive sur son adversaire. Ils se relevèrent tous les deux péniblement.
« Ca va se jouer à celui qui aura le plus d'endurance… » affirma Ardyn, épuisé.
Les Rois du Lucis apparurent alors tout autour d'eux, observant la fin de leur combat.
« Voici venus les anciens Rois du Lucis ! Est-ce à dire que tu es enfin prêt à accomplir ton destin ? »
L'homme aux cheveux violets voyait la fin de son calvaire arriver et il poussa le jeune homme dans ses derniers retranchements. La nature pacifiste de ce dernier était un frein qu'il devait absolument lever.
« Quand ton cher papa est mort…tu t'amusais comme un gamin irresponsable avec tes camarades ! Quand ta fiancée est morte…tu as passé des jours alité et tu t'es morfondu comme une loque ! Tu crois m'avoir surpassé après dix petites années ? Qu'est-ce que tu t'imagines ? J'ai passé des siècles au cœur des ténèbres ! »
« Ne fais pas marche arrière, va jusqu'au bout Noctis. »
Ils sortirent chacune des armes Fantômes et les utilisèrent pour contrer l'attaque de l'autre mais Ardyn se fit repousser à chacun des assauts de Noctis. Lorsque ce dernier porta l'ultime coup, armé de l'épée de son père défunt, l'homme traité en paria n'usa d'aucune arme pour se défendre et prit l'attaque en pleine poitrine.
« Aaah…Je vois…Tu as bien choisi ton arme… » articula-t-il avec difficulté.
« Vais-je enfin être libéré de ce cauchemar sans fin ? »
Il s'écroula au sol lorsque Noctis ressortit l'épée de son corps. Les Rois du Lucis qui observaient l'affrontement disparurent après la victoire du jeune Roi. Ardyn était étendu sur le sol, agonisant.
« Tu as gagné, Roi élu…Tu vas chasser les ténèbres ? Ramener la lumière et la paix dans ce monde ? Et effacer une fois de plus mon nom de l'Histoire… »
Il parlait de manière détendue, attendant son heure, respirant péniblement.
« Cette fois…tu reposeras en paix. Ferme les yeux…et dors pour l'éternité. » affirma doucement Noctis, pris de pitié.
« Je t'attendrai dans l'au-delà… » dit-il en fermant les yeux, apaisé et espérant qu'il ne les ouvrirait plus jamais.
Cette phrase que lui avait dite Mi-Hann prenait enfin tout son sens et il la répéta à l'homme qui l'avait vaincu. Son immortalité prenait fin, tous ces siècles de solitude et d'horreur étaient enfin terminés. Il avait fait le nécessaire pour que le Roi élu accomplisse sa destinée et il avait vu la résolution dans ses yeux. L'Oracle avait agi suffisamment sur lui, à Altissia, pour brider les ténèbres le moment venu qui ne se laisseraient pas éliminer sans rien faire. Le reste ne dépendait plus de lui et il se laissa partir, un sourire serein aux lèvres.
« Oui…attends-moi ma Mi-Hann bien-aimée… »
1 – Citation de Victor Hugo
1 – Citation de Victor Hugo