Une lumière dans les ténèbres - Chapitre IV

Histoire alternative de la fin du chapitre III de la fanfiction Une lumière dans les ténèbres.

 

La jeune femme lui sourit et tenta de garder les yeux ouverts mais son calvaire n’était pas terminé car elle devait encore expulser le placenta et sentit de nouvelles contractions l’assaillir, bien moins fortes qu’avant cependant. L’homme aux yeux ambrés l’aida comme il put en exerçant une pression sur son ventre afin que sa délivrance soit complète. Au bout d’un moment qui lui paru une éternité, elle commença à se sentir mieux même si elle était épuisée et allaita son bébé qu’elle tenait tout contre elle en lui caressant doucement la tête. Ardyn observait cette scène d’une intimité si particulière, d’une mère et son enfant qu’un lien invisible et indestructible unissait.

« Je trouve qu’il te ressemble bien plus. » chuchota tendrement Mi-Hann. « Tu devais être tellement mignon petit ! » s’exclama-t-elle puis elle porta de nouveau son regard sur son bébé « Mon prince… »

Il ne répondit pas, trop absorbé par son fils qui s’était arrêté de boire et fixait son père avec attention. Il était tellement petit et fragile que l’homme aux cheveux violets n’osa pas le toucher.

La jeune mère de famille se leva, donna les premiers soins au petit et l’habilla avec des vêtements qu’elle avait confectionné durant sa grossesse. Elle le tendit ensuite délicatement à Ardyn.

« Peux-tu l’emmener le temps que je me nettoie un peu ? » lui demanda-t-elle, un doux sourire aux lèvres. « J’irai me reposer après. »

Les mains tremblantes, il saisit maladroitement son fils mais la jolie brune lui montra comment porter correctement un bébé et il se rendit dans le salon pour l’allonger dans son berceau. Ce dernier s’était rapidement endormi dans les bras protecteurs de son père et Ardyn eut bien du mal à le coucher dans son lit sans le réveiller. Au moment où le nourrisson toucha le matelas, il s’éveilla et se mit à pleurer ce qui attira Mi-Hann qui rejoint son compagnon afin de s’enquérir de la situation. L’homme aux cheveux violets, dépité, reprit l’enfant dans ses bras pour le confier à sa mère mais le petit s’arrêta aussitôt de pleurer. La jeune femme aux longs cheveux noirs se mit à rire, amusée par la situation.

« Je suis d’accord mon chéri, les bras de papa sont les plus confortables ! »

Elle effleura la joue de son fils du bout des doigts et leva les yeux vers l’ancien Chancelier impérial, embarrassé.

« Fide sait déjà ce qu’il veut. »

« Mi-Hann… » ne put que dire Ardyn. « Tu es sûre ? » lui demanda-t-il avec émotion après quelques secondes de réflexion.

« Si ça ne te gêne pas, j’aimerais qu’il porte ce prénom oui. »

« Non, bien au contraire… » affirma-t-il. « Mais, tu devrais aller te reposer un peu à présent. »

« Oui. »

Fide était un enfant très éveillé pour son âge. Curieux et toujours gai, il faisait le bonheur de sa mère. Ardyn était cependant encore mal à l’aise dans son rôle de père d’autant plus que l’enfant semblait vouloir régulièrement le solliciter. Il le regardait constamment, semblant surveiller le moindre de ses gestes et tendait souvent ses petits bras dans sa direction, attendant un élan de sa part. C’était comme si l’homme avait pris peur, comme s’il était partagé, et Mi-Hann ne souhaitait pas brusquer les choses, elle finit par se dire qu’il valait mieux les laisser s’apprivoiser naturellement.

Au bout de six mois, le bébé faisait ses nuits et ne pleurait plus pour quémander l’attention de son père, ce dernier ayant rapidement compris son petit jeu. Malheureusement pour Ardyn, Fide commençait à se déplacer et son passe-temps favori était de suivre son géniteur partout dans l’appartement, à quatre pattes. La jeune femme trouvait cela absolument adorable et ne se lassait pas d’admirer l’entêtement de son fils à provoquer un contact avec l’homme aux cheveux violets qui tentait maladroitement de s’y soustraire. Seulement, il ne pouvait s’empêcher de contrôler les faits et gestes du petit du coin de l’œil et l’enfant devait sûrement le sentir. Le bébé arriva enfin à atteindre une des chaussures de son père et posa ses petites mains sur le cuir afin d’atteindre la guêtre stylisée qu’il portait au-dessus de son pantalon. Il se mit debout assez maladroitement et tendit ses bras pour s’agripper au mollet de l’ancien Chancelier mais perdit l’équilibre et bascula en arrière. Mi-Hann qui regardait la scène de loin sourit en voyant son compagnon empêcher leur fils de tomber par terre en le retenant au dernier moment. Puis il relâcha doucement sa prise autour du ventre de son fils et se redressa comme si de rien n’était.

« A…a… ! » babilla Fide en tendant les bras vers son père.

Un demi sourire apparut sur les lèvres d’Ardyn alors qu’il constatait que son enfant tentait de nouveau de se mettre debout mais il s’effaça aussitôt que l’homme vit que Mi-Hann l’observait, hilare. Elle vint à ses côtés et prit son fils dans ses bras.

« Allez mon trésor, c’est l’heure de la sieste. » déclara-t-elle. 

« A…a…pa…papa ! » s’écria le petit.

Ardyn tourna vivement la tête dans sa direction, le cœur battant.

« Oui, mon chéri ! Papa ! C’est papa ! » répéta la jeune mère de famille, attendrie.

« Pa…pa…Papa ! » imita joyeusement Fide.

« Dire que son premier mot n’est même pas « maman » ! » feint de se plaindre la jolie brune.

Le bébé posa ses petites mains sur les joues de sa mère et joua avec une mèche de ses cheveux.

« Ma…ma… ! »

« Oui ! Maman, dis maman mon ange. » dit-elle.

« Ma…ma…papa ! »

Ardyn étouffa un rire moqueur à l’attention de sa femme qui fit la moue.

« Tu n’es pas drôle ! » s’exclama-t-elle boudeuse.

Mais elle rit à son tour de son rire si particulier qui faisait chavirer le cœur de l’ancien Chancelier impérial. Fide les observait avec curiosité et babilla gaiement.

o-o-o-o

« C’est bien mon chéri, doucement, voilà… » encouragea Mi-Hann avec ferveur. « Prends ton temps. »

Fide se tenait debout et tentait ses tous premiers pas tout seul mais il tombait à chaque fois sur les fesses. La plupart du temps, il s’agrippait à des objets pour se mouvoir, rampait ou se déplaçait à quatre pattes. Il était cependant très têtu et se releva une nouvelle fois. Sa mère était assise en tailleur et l’appelait en ouvrant les bras pour l’attirer pendant qu’Ardyn, installé dans son fauteuil, surveillait de loin. L’enfant était le plus heureux dès qu’il recevait l’attention de son père ce qui n’était pas une mince affaire et il s’évertua donc à apprendre à marcher afin de pouvoir le suivre encore plus facilement.

Le garçon chutait encore et encore et se relevait encore et encore mais il parvenait à effectuer de plus en plus de pas sans perdre l’équilibre. Il regardait l’homme qu’il souhaitait atteindre, son objectif depuis qu’il avait ri en l’entendant parler pour la première fois et même si la frustration lui mouillait les yeux à chaque échec, il se mettait sur ses pieds et poursuivait sa route, déterminé. Fide tendit de nouveau les bras vers cet individu si grand et fort qui l’intriguait tant mais se prit les pieds dans son pyjama et tomba la tête la première. La douleur l’assaillit et il éclata en sanglots. Mi-Hann allait se lever pour consoler son fils quand Fide se sentit soudainement soulevé dans les airs et observé par celui qu’il appelait « papa ». Le bébé s’arrêta de pleurer instantanément, le regard capturé par les iris couleur soleil de ce dernier. Ardyn vérifia si le petit était blessé. Il avait une marque rouge sur le front et aurait probablement une bosse.

« Recommence. » lui dit l’homme aussi intimidant qu’impressionnant.

Fide ne connaissait pas encore tous les mots prononcés par les deux grandes personnes dont il recherchait la chaleur mais il lui avait semblé que celui qu’il appelait « papa » souhaitait qu’il se remette sur ses pieds. Peut-être voulait-il lui aussi un câlin ?

Ardyn posa son fils par terre et saisit ses petites mains entre ses doigts. Elles étaient si minuscules qu’il avait peur de lui faire mal.

« Un pas après l’autre. Ne te presse pas. » lui conseilla-t-il de sa voix si grave.

Ils s’y reprirent à de nombreuses reprises et pas une fois l’individu impressionnant ne s’énerva contre lui. Sa patience finit par porter ses fruits puisque Fide réussit à faire plus d’une dizaine de pas sans tomber. Lorsqu’il commença à respirer un peu vite, l’ancien Chancelier jugea qu’il était temps pour l’enfant de faire une pause et le porta jusqu’à son lit sous les yeux émerveillés de sa femme. Fide s’endormit rapidement, la fatigue l’emportant instantanément sur sa volonté à rester éveiller. Mi-Hann rejoint l’homme aux cheveux violets qui s’était assis au bord du lit et prit place sur ses genoux.

« Notre fils est fou de son père et je sais que c’est réciproque. » lui dit-elle en commençant à l’embrasser avec passion. « Tu sembles enfin te détendre avec lui, ça me fait plaisir. »

« Je…ne peux pas détourner les yeux… » avoua-t-il. « Mais je n’arrive pas à m’empêcher d’imaginer qu’à chaque instant, il pourrait… »

« Mon amour, la peur n’évite pas le danger. Tu ne crois pas qu’au contraire, chaque moment passé avec lui est trop précieux pour t’en priver ? »

« … »

Il savait qu’elle avait raison. Plus que jamais, son fils avait besoin de lui et il avait pu constater la joie que ce dernier éprouvait à chaque fois qu’il passait du temps avec lui. Ardyn n’avait jamais été trop proche de son père. Même si Gilliam Izunia avait été un parent aimant, il y avait toujours eu cette distance relative aux responsabilités que sa position lui avait obligé à tenir. Il avait dû faire des choix et peut-être que celui d’avoir dû laisser son fils aîné partir loin de sa famille était ce qui l’avait conduit à la mort.

o-o-o-o

« Papa, j’ai fini ! »

« Montre-moi. »

Fide tendit une feuille remplie de calculs complexes à son père qui lut l’intégralité de la copie de son fils. L’homme aux yeux ambrés fronça les sourcils et surligna quelques lignes sur le papier puis il le posa sur la table devant l’enfant.

« Tu t’es trompé ici, ici et ici. » lui dit-il en lui montrant les erreurs qu’il avait faites.

Malgré cela, le niveau de son petit garçon était assez incroyable. Agé de quatre ans, Fide avait le niveau mathématique d’un enfant de huit ans vivant à l’époque de la civilisation de Solheim, l’algèbre n’avait rapidement eu aucun secret pour lui. C’était un prodige des chiffres qui assimilait extrêmement vite et il savait qu’il ne reproduirait pas les maladresses effectuées un peu plus tôt.

« Veux-tu que je t’explique de nouveau la théorie des équations et des polynômes ? » lui demanda-t-il en croisant les bras.

L’enfant regarda son père avec admiration, les mains jointes et des étoiles plein les yeux.

« Oui, papa ! » s’exclama-t-il, impatient d’écouter l’extraordinaire verve de ce dernier. De ce fait, faire volontairement quelques fautes de temps en temps en valait bien la peine.

« Il a la même expression que sa mère. » pensa-t-il, amusé. « Bien, reprenons. »

Après sa leçon de mathématique, Fide s’empressa de rejoindre sa mère sur le fauteuil qui l’attendait pour son histoire favorite. Elle l’accueillit avec un tendre sourire et il s’installa confortablement sur ses genoux, attendant le bisou qu’elle lui donnait avant de commencer. Mi-Hann l’embrassa sur la joue et lui demanda de tenir le livre. Il était vieux et avait une odeur que les autres ouvrages de l’immense bibliothèque de son père n’avaient pas mais étrangement, il se sentait bien.

« Quels chapitres veux-tu lire aujourd’hui ? » s’enquerra la jolie brune.

« Celui où papa combat à l’épée. »

« Tu l’aimes beaucoup celui-là n’est-ce pas ? »

« Je l’adore ! » s’exclama le petit garçon euphorique.

Mi-Hann émit un petit rire et acquiesça disant qu’elle le comprenait parfaitement. Elle trouva rapidement la page concernée et invita son enfant à débuter la lecture.

« Tu peux commencer mon trésor. »

Fide lut les premières lignes.

« Ce jour-là, le soleil était haut dans le ciel. Je m’en souviens parce qu’il faisait … »

L’enfant butait encore sur certains mots.

« particulièrement, mon trésor. »

« …particulièrement chaud et que les rayons étaient si forts qu’ils m’aveuglaient presque. Je suis sorti assez tôt pour m’entraîner mais la chaleur était étouffante. C’est là que j’ai aperçu Ardyn. Il devait être là depuis un moment car il transpirait beaucoup. Mais peu importe, je … »

« Je m’égare. »

« Je m’égare, ce n’est pas le plus important. J’étais pas mal arrogant à cette époque, je me pensais fort, invincible et lorsque je l’ai vu s’entraîner, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je l’ai défié sans réfléchir et il a accepté tout de suite. Mon corps s’en est souvenu pendant des jours et trop y repenser me donnerait des …

« des courbatures. »

« des courpatures… » se trompa le petit garçon ce qui fit rire sa mère.

« Non Fide, des cour-ba-tures. » corrigea-t-elle.

« des courbatures ! Habituellement, nous avions des leçons de maniement des armes avec le maître d’arme de l’époque dont l’actuel fils est le Bouclier du Roi. Un genre de garde du corps. Nous n’avions que rarement l’occasion de nous affronter car Monseigneur Izunia n’acceptait pas que nous nous battions entre nous mais là, je ne sais pas. J’ai vu Ardyn et c’était plus fort que moi. Il fallait que je l’affronte pour tester ma force. Quelle déception ! Il m’a écrasé et le mot est faible. J’ai été désarmé en moins d’une minute. Sa rapidité et sa …

« sa vélocité, mon poussin. »

« …sa vélocité m’ont submergé et je me suis senti rapidement dépassé par son adresse. Je n’avais jamais été aussi humilié de ma vie. Depuis ce jour, je me suis entraîné sans relâche pour être à sa hauteur, pour être digne d’être son allié. »

« C’est très bien mon chéri. » le félicita-t-elle.

De par son âge, la curiosité de l’enfant s’exaltait et il commençait à se poser des questions sur ce qu’il lisait.

« Maman, est-ce que les histoires que je lis sont vraies ? » demanda timidement le petit garçon.

« Oui, tout est vrai. » affirma la mère de famille. « Ta grand-mère me les lisait quand j’avais ton âge, le soir avant de dormir. »

Fide toucha une des lignes du journal avec son index.

« Mais ça parle de papa, non ? »

« En effet. »

« Papa avait quel âge-là ? »

« 22 ans, mon trésor. » répondit-elle sans hésiter.

Mi-Hann prit conscience qu’il était temps pour elle de lui expliquer ses origines. Son fils était beaucoup plus précoce qu’elle ne l’était au même âge. Ses questions n’avaient débuté que vers sept ou huit ans mais là, cela concernait directement son père donc il était naturel que l’insatiable curiosité de l’enfant soit assouvie. Ardyn comprit d’un seul regard où elle voulait en venir et s’assit à ses côtés. Les interrogations du petit garçon pleuvraient probablement sur eux après cela.

Intimidité par la présence de son père à ses côtés, Fide osait à peine le regarder. Ce n’était pas de la peur à proprement parler car il n’était pas méchant et ne criait jamais sur lui mais le petit garçon se sentait toujours très impressionné par le charisme naturel de son père. Il l’idolâtrait littéralement.

« Je comprends pas. »

« Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? » lui demanda la jolie brune, se doutant de la cause de son trouble.

Le petit garçon sembla réfléchir un moment et se tourna vers son père.

« Tu as quel âge papa ? » le questionna-t-il d’un air innocent.

« Veux-tu mon âge physique ou la vérité ? »

Sa question rhétorique perturba Fide qui le fixait avec des yeux ronds comme des soucoupes. Ardyn soupira.

« Le temps n’a plus d’emprise sur moi, j’ai cessé de vieillir dès 35 ans. »

« C’est vrai ?! » s’exclama alors son fils ce qui surprit l’homme aux cheveux violets. « Alors ça veut dire que tu resteras toujours avec moi ? »

« … »

L’innocence de son fils le priva de parole et alors qu’il regardait ses yeux vairons l’observer avec admiration, Ardyn sentit son cœur se réchauffer.

« Et maman aussi ? »

Mi-Hann sourit doucement et caressa les cheveux de son enfant.

« Je suis encore bien trop jeune pour penser à ce genre de choses mon ange. » répondit-elle pour éviter d’évoquer une vérité qui aurait affecté sa famille. « Allez, il se fait tard. On va prendre ton bain et tu files au lit. »

« Oui maman. Bonne nuit, papa. » obéit-il sagement.

Fide voulait embrasser son père mais son embarras le freina dans son élan. Il joua avec ses doigts, gêné. De temps en temps, il avait droit à sa main au-dessus de sa tête, à un bref contact physique lorsqu’il arrivait à l’impressionner suffisamment pour lui tirer des félicitations. De ce fait, le jeune garçon travaillait dur pour provoquer ces instants si rares. Il aurait pu tout simplement le lui demander mais l’émotion débordante qu’il ressentait lorsque son père se montrait attentif à son égard était trop précieuse à ses yeux. Il aurait pris le risque de la rendre habituelle au point de la banaliser et il se refusa cela.

Ardyn et Mi-Hann avaient installé la chambre de Fide dans la pièce d’à côté jugeant que leur fils était suffisamment grand pour dormir seul. De plus, leur besoin d’intimité était vital et ils se retrouvaient donc le soir, en tête à tête, à profiter de moments complices. Allongés dans leur lit et enlacés, leur envie de l’autre pouvait s’exprimer librement. La grossesse avait laissé quelques marques sur le corps de sa femme mais l’homme aux yeux ambrés ne s’en souciait guère, elle avait donné la vie et souffert dans ce but ce qui la rendait encore plus belle à ses yeux. Il la dévorait avec plus de fougue, de passion et avait la sensation qu’il l’aimait bien plus chaque jour depuis qu’elle était entrée dans sa vie. Il était dans un rêve et ne voulait pas se réveiller.

o-o-o-o

« Fide, tu la tiens mal. Renforce ta prise et enlève ton doigt du Ricasso où tu risques de te blesser. »

L’enfant corrigea son erreur, le regard posé sur la petite épée en bois que son père lui avait confiée. Il avait demandé à son père de lui enseigner le combat à l’épée ce que ce dernier avait accepté. Cependant, c’était un professeur très strict et intransigeant.

« Lève la tête, ne quitte jamais ton adversaire des yeux. Une seule erreur et tout pourrait se terminer pour toi. » affirma l’homme aux cheveux violets. « Mets-toi en position de garde basse. »

Il s’exécuta et baissa la lame à hauteur de ses genoux.

« Bien. Garde en permanence en tête que tu te dois de protéger ces zones à tout prix : ta tête, ta gorge, ta carotide, ton cœur, ton foie, ton estomac, tes poumons, tes reins, ta rate et tes jambes. Certains sont handicapants mais la plupart te plongeront en état d’agonie ou provoqueront ta mort instantanée. »

« Oui, papa. »

« Attaque-moi maintenant. Essaie de me toucher au moins une fois. »  

Fide s’élança sur son père, déterminé et frappa de toutes ses forces avec sa petite épée mais Ardyn parait tous ses assauts avec une facilité déconcertante. L’homme aux yeux ambrés contre attaqua en contrôlant sa force mais suffisamment pour faire tomber son fils sous le choc.

« Ouille ! » gémit ce dernier.

« Tu laisses trop d’ouverture, il est aisé de t’atteindre. »

Le jeune garçon se releva pour continuer mais son épée en bois rencontrait inévitablement celle de son père sans jamais pouvoir passer au travers. L’ancien Chancelier n’avait que peu d’effort à fournir et se contentait d’effectuer quelques pas pour éviter les attaques maladroites de son fils. Voyant que ce dernier commençait à fatiguer, Ardyn interrompit l’entraînement.

« Cela suffit pour aujourd’hui, nous reprendrons demain. » dit-il. « Allons soigner cette égratignure. »

« Je suis pas fatigué et j’ai pas mal ! » protesta l’enfant, frustré par sa propre faiblesse. « Je veux encore m’entraîner, s’il te plait papa. »

« Tu es encore jeune, tu as le temps de progresser. Te tuer à la tâche ne te fera pas devenir plus fort. C’est non. » refusa l’homme d’un ton ferme.

Fide obéit à contre-cœur et alla retrouver sa mère qui faillit s’évanouir en apercevant les bleus sur le visage de son petit garçon adoré. Une fois soigné, il se dirigea près de la fenêtre et regarda à l’extérieur en posant ses petites mains sur la vitre.

« Maman ? » l’appela-t-il.

« Oui, mon chéri ? »

« Pourquoi il fait toujours nuit dehors ? » demanda-t-il avec curiosité.

La jolie brune qui était en train de coudre, s’arrêta, se leva et se plaça aux côtés de son fils pour observer elle aussi l’horizon.

« Ça n’a pas toujours été comme ça. »

« C’était comment avant ? »

« Le jour se levait tous les matins et laissait la place à la nuit en fin de journée. Puis le cycle recommençait, encore et encore, à l’infini. » expliqua-t-elle. « Tu étais un bébé quand c’est arrivé mais le soleil brillait encore lorsque tu es né le 26 avril 757. »

Fide essaya d’imaginer dans sa tête l’apparence que pouvait avoir le ciel et la terre. Ce qu’il avait sous les yeux n’était qu’un vaste paysage sombre et sans nuance. Des créatures qu’il s’était habitué à voir se mouvaient dans cet horizon lugubre. Sa mère lui avait expliqué qu’il ne devait en aucun cas sortir à l’extérieur car c’était très dangereux dehors mais il ne pouvait pas s’empêcher de se sentir attiré par l’inconnu.

« Je peux pas sortir même pour accompagner papa ? »

« Ton père ne veut pas. Je te l’ai dit mon trésor, c’est beaucoup trop dangereux, même pour moi. »

« Mais papa est fort, il peut nous protéger, non ? »

« Il ne courra pas le risque, il préfère la prudence et je lui donne entièrement raison. »

Elle se baissa à sa hauteur et lui caressa tendrement la joue qui avait été affublée d’un pansement.

« Nous ne nous en remettrions pas s’il t’arrivait quelque chose. »

« Même papa ? » demanda l’enfant, pris d’un doute.

Elle écarquilla les yeux de surprise.

« Bien-sûr, même papa ! Ton père t’aime mon chéri. »

« Mais il me le dit jamais… »

Il regarda le sol et sentit sa gorge se nouer. Mi-Hann prit ses mains dans les siennes et déposa plusieurs baisers par-dessus. »

« Il a sa propre façon de tenir à toi mon poussin mais n’en doute pas une seule seconde, d’accord ? »

« D’accord. » acquiesça-t-il d’une petite voix.

Fide abandonna la vitre et s’approcha de la grande pièce dans laquelle se trouvait encore son père. La porte était entrouverte et il regarda discrètement à l’intérieur. Ardyn était assis en tailleur face à la chose que sa maman avait appelé une « tombe », la tombe d’un monsieur de sa famille qui avait le même prénom que lui et qui avait écrit le livre qu’il adorait tant lire. C’était un ami de son papa et il était disparu depuis très longtemps. Le petit garçon n’osa pas entrer de peur de le déranger et se contenta d’observer son géniteur de loin.

« Fide, c’est l’heure de manger. Vas te laver les mains. »

Il sursauta quand il vit le visage de son père regarder dans la direction de l’embrasure, sous laquelle il se tenait, en entendant la voix de sa femme et s’éclipsa avant d’être vu. Il fit ce que sa mère lui avait demandé et s’installa à table. Lorsqu’il constata que son père ne venait toujours pas, il commença à s’inquiéter.

« Maman, papa ne vient pas ? »

Elle secoua doucement la tête de façon négative.

« Pas ce soir mon chéri. C’est l’anniversaire de la mort de son meilleur ami, tu te souviens ? »

Le petit garçon hocha de la tête, semblant se rappeler de cet événement. Son père faisait ça tous les ans. Il s’asseyait devant la pierre et les yeux clos, était perdu dans ses pensées. Il ne partait que lorsque son fils rejoignait son lit pour la nuit et c’est ce qu’il fit de nouveau ce soir-là. Quand Mi-Hann borda Fide, Ardyn se leva et quitta la pièce, suivi des yeux par le jeune garçon. Sa mère l’embrassa et lui souhaita bonne nuit.

Durant les mois qui suivirent, Fide poursuivit ses entraînements martiaux sans relâche et fit rapidement des progrès même s’ils lui semblaient insuffisants car il n’arrivait toujours pas à atteindre son père. De plus, il savait que ce dernier se retenait contre lui et qu’ainsi, il cachait sa véritable force mais il décida de ne pas se laisser abattre et de s’accrocher à l’espoir qu’un jour, il réussirait à attirer son attention

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 « Si tu arrives à me toucher au moins une fois, tu pourras me demander ce que tu veux. » lui avait un jour déclaré Ardyn à l’aube de ses sept ans.

Appâté par la récompense inespérée, Fide mit tout en œuvre pour essayer d’approcher son père le plus près possible, en vain. L’homme aux cheveux violets était trop rapide, trop vif. Sa dextérité ne devait connaître nul égal. Le petit garçon utilisait des techniques apprises par son père, il était conscient que ce dernier les maitrisait parfaitement et qu’il pouvait de ce fait, les esquiver facilement. Il réfléchit un moment alors qu’Ardyn attendait son assaut suivant. S’il ne pouvait pas l’avoir grâce à ses compétences martiales, peut-être qu’en essayant autre chose, cela fonctionnerait ? Mais quoi ? L’enfant fit le tour de la pièce des yeux mais il n’y avait rien d’utilisable à son avantage.

Les jours passèrent puis les semaines. Fide était à chaque fois mis en échec par la supériorité de son père. Alors qu’il avait été repoussé en arrière par le contre de l’ancien Chancelier, il se laissa tomber à quatre pattes, tentant de reprendre son souffle. Il sentait les larmes monter et se retint de les laisser sortir, par fierté mais surtout, il ne voulait pas que son père les voit. Le petit garçon refusait que son géniteur s’imagine que son fils avait abandonné la partie, la honte aurait été trop grande.

« Tu veux arrêter ? » lui demanda Ardyn, visiblement déçu.

« N-non ! » nia l’enfant.

« Bien. Alors, viens. Je t’attends. »

Il se releva péniblement. Ses bras et ses jambes le faisaient souffrir à force d’encaisser les contres immensément puissants de son père et c’est en observant la posture de ce dernier plus en détail qu’il remarqua quelque chose auquel il n’avait jamais prêté attention. Il mit tout dans une ultime attaque et courut dans sa direction. Ardyn remarqua la lueur différente dans les yeux de son fils et esquissa un demi-sourire. Fide leva son bras droit pour frapper et vit alors la posture de son père changer. C’était presque impossible de le discerner sans concentrer toute son attention dessus mais l’enfant vit distinctement que son géniteur s’appuyait plus sur une partie de son corps que l’autre. Sa jambe gauche semblait le handicaper et c’est à ce moment que Fide décida de modifier sa trajectoire et de passer l’épée dans sa main gauche pour bloquer le coup qui allait venir. Il se laissa glisser, passa rapidement entre les jambes de son père, pris au dépourvu et toucha la cheville droite de son père avec son épée en bois. Le petit garçon allait se prendre le mur juste derrière à cause de l’élan qu’il avait pris mais il se sentit retenu au dernier moment car Ardyn avait saisi son bras pour l’empêcher de se blesser.

« Eh bien, eh bien. Si je m’attendais à ça… » lança l’homme aux yeux ambrés, amusé par l’ingéniosité de son fils.

« Je…euh… » bafouilla Fide, ne sachant pas comment son père allait réagir.

« Tu as réussi, Fide. » le félicita-t-il en frottant énergiquement les cheveux noirs de son petit garçon.

Un sourire rayonnant apparut sur le visage de l’enfant, heureux des compliments de son père. Mi-Hann ouvrit la porte comme elle le faisait d’habitude dès qu’elle ne les entendait plus s’entraîner.

« À table mes amours. »

Fide accourut auprès d’elle.

« Maman, maman ! Tu sais quoi ? J’ai gagné contre papa ! » s’exclama-t-il fier de lui.

Elle sourit et l’embrassa sur le front.

« Papa a du souci à se faire on dirait ! »

« Hé ! Il m’a eu par surprise, c’est différent ! » protesta Ardyn en haussant les épaules.

« Ne dit-on pas que tous les coups sont permis ? » lui demanda-t-elle moqueuse puis elle se mit à rire.

Fide suivit son père des yeux alors qu’il enlaçait sa mère et qu’il nichait son visage dans son cou. Il était doux et affectueux mais il ne l’avait jamais entendu exprimer ses sentiments, même avec elle. Peut-être était-il timide ?

« Fide, tu as réfléchi à ce que tu voulais me demander ? »

« Oui. » acquiesça l’enfant. « Je veux être avec toi ce soir, quand tu liras comme tu le fais d’habitude. »

L’homme aux cheveux violets qui s’accordait toujours ce moment d’introspection, pencha la tête sur le côté sans trop comprendre. Mi-Hann lui donna un coup de coude discret.

« Il n’ose jamais te le demander directement et tu es si concentré dans ton travail que tu ne fais plus attention à rien. » murmura-t-elle à son oreille de sa voix suave, ce qui le fit frissonner.

« C’est d’accord. » accepta-t-il. Une défaite était une défaite après tout.

Fide engloutit son repas à la vitesse de l’éclair, aida ses parents à débarrasser la table, se brossa les dents et courut attendre son père à côté de son fauteuil. Lorsque ce dernier arriva, le petit garçon se sentit à la fois excité et nerveux. Ardyn prit place sur le sofa et tapota sur ses genoux, indiquant à son fils de grimper. Envahi par la joie, ce dernier s’exécuta sans se faire attendre et s’installa confortablement contre son père. La pointe des cheveux mi-longs de son géniteur lui frôlait le visage et le chatouillait mais il ressentait un tel bien-être dans les bras protecteurs de son père qu’il n’y prêta pas attention. Il regardait ce qu’il était en train de faire dans un silence religieux et pouvait même entendre les battements de son cœur s’il se concentrait sur le bruit. Les feuillets que son père lisait tour à tour recelaient d’informations en tout genre comme s’il avait pris le temps de noter toutes ses observations. Fide lut ce qu’il avait sous les yeux.

Le soleil a cessé de se lever depuis le 17 juillet 757. Ce fut plus rapide que prévu et il va falloir que je prenne des dispositions pour protéger les lieux des daemons.

Il laissa son père s’atteler à sa tâche sans le déranger, profitant de ce contact peu fréquent, ce dernier n’étant pas démonstratif. Ses paupières commençaient à se fermer lentement mais il eut envie de poser une question à son géniteur.

« Papa ? »

« Hmm ? » fit simplement Ardyn, absorbé par ses analyses.

« Le soleil, il ressemble à quoi ? » demanda son fils en retenant un bâillement.

« … »

L’ancien Chancelier leva les yeux pour fixer le plafond de l’appartement, pensif. Ce qui pouvait lui sembler évident ne l’était pas forcément pour son enfant puisque ce dernier n’avait jamais eu l’occasion de l’apercevoir. À cette idée, la mâchoire de l’homme se crispa et il porta de nouveau son attention sur son fils...

« C’est une étoile composée d’hydrogène et d’hélium qui a l’apparence d’une boule de feu lumineuse. »

Le petit garçon bailla une nouvelle fois, la voix apaisante de son père le berçait.

« Il est de quelle couleur ? »

« Elle apparaît changeante alors qu’elle est identique dans l’espace en réalité. »

« Changeante comme celle de tes yeux ? Donc le soleil est de la même couleur que tes yeux ? »

Il esquissa un demi-sourire que Fide ne vit pas.

« Il apparaît jaune car les rayons lumineux qui traversent l’atmosphère évacuent la composante bleue du ciel par interaction avec les molécules contenues dans l’air. Plus le soleil est proche de l’horizon, plus épaisse est la couche d’air traversée et le soleil vire au orange cramoisi. Tantôt blanc, tantôt jaune, parfois rouge. Cette modification est causée par les rayons traversant l’atmosphère. » expliqua l’homme aux cheveux violets.

Seulement, devant l’absence de réaction du petit garçon, Ardyn s’aperçut à sa respiration lente et régulière qu’il s’était endormi. L’ancien Chancelier impérial travailla encore un peu sur ses notes puis posa les feuilles sur le côté et souleva délicatement son fils pour aller le coucher dans son lit.

Ardyn s’agenouilla devant la couche de l’enfant et le regarda dormir paisiblement pendant de longues minutes. C’était une habitude qu’il avait prise le soir avant de rejoindre Mi-Hann comme s’il essayait de se rassurer sur l’état de santé de son fils.

« Papa… » s’exprima Fide dans son sommeil.

Le regard ambré de l’homme se fit plus doux l’espace d’un instant. Puis, il se releva et quitta l’immense pièce sans faire de bruit.

o-o-o-o

Neuf années s’étaient écoulées depuis que l’élu de la lumière avait été absorbé par le cristal pour charger l’anneau. La face d’Eos avait radicalement changé. Les daemons avaient envahi tout le territoire et il ne restait qu’une poignée de lieux encore sécurisés. Ardyn patrouillait au sein de la Tour de Zegnautus afin d’éloigner ces créatures et garantir la sécurité de sa famille. Ce n’était qu’un répit factice car tant que le Mal de la planète perdurait, le danger résiderait tout autour d’eux.

Fide le regardait partir chaque jour, la boule au ventre car sa soif d’exploration ne s’était pas amenuisée. Elle s’était amplifiée et sa curiosité nourrissait son imagination fertile. Malheureusement, Ardyn fermait précautionneusement la porte via un système de sécurité inviolable de l’intérieur. Malgré la grande intelligence du jeune garçon, son père le surpassait très largement dans ce domaine et il se retrouvait perdu devant les inscriptions étranges affichées sur le mur. Il s’agissait d’un écran tactile mais qui ne répondait pas à ses commandes. Il devait y avoir une reconnaissance digitale pour que seul son père puisse faire fonctionner la porte. Le pré-adolescent tapa du pied d’énervement, partagé entre son admiration pour les compétences exceptionnelles de son géniteur et ses lacunes en matière de technologie.   

o-o-o-o

L’extérieur. Le froid. La nuit. Un silence de mort uniquement brisé par les déplacements des daemons errant sans but à la recherche d’une proie à déchiqueter. Du sol dénué de vie, se formèrent des corps flasques et gélatineux, des corps ardents de flans élémentaires qui firent fondre les fils électriques longeant la Tour de Zegnautus et alimentant tout le système en électricité. Ardyn qui se trouvait au sein même de l’immeuble, dans les étroits couloirs du lieu, fut privé de lumière mais put s’éclairer à l’aide de ses flammes violacées. Il sut rapidement d’où venait le problème et mit tout en œuvre pour réparer les dégâts aussi vite que possible car il ne faudrait pas longtemps avant que toute la Tour ne soit envahie de monstres.

La panne coupa également la lumière dans l’appartement mais l’endroit était alimenté par un éclairage de secours qui éclaira de nouveau le domicile. Fide cligna des yeux, intrigué car cet incident n’était encore jamais arrivé. Il était assis à la table de la cuisine et faisait ses devoirs quotidiens lorsqu’un clic retentit dans la porte d’entrée ce qui attira son attention. Mi-Hann qui était dans la pièce d’à côté vint vérifier par l’embrasure si tout allait bien pour son fils. Cependant, étant trop éloignée au moment où il se produit, elle n’entendit pas le cliquetis caractéristique de l’entrée.

« C’est bizarre cette coupure soudaine… » déclara-t-elle à l’attention de son petit garçon. « Tu as vu quelque chose ? »

« Non, rien. » mentit-il à sa mère pour la première fois.

« Oh, d’accord. Tu as besoin d’aide pour tes exercices ? » lui demanda-t-elle.

« Non, ça va maman. Je m’en sors, c’est facile. » refusa Fide.

« Très bien. Je termine ce que j’ai à faire et je te fais la lecture. À tout de suite mon poussin ! »

Dès que sa mère disparut de son champ de vision, le petit garçon descendit de sa chaise et trottina vers la porte d’entrée. Il posa ses petites mains sur la poignée et tira légèrement en arrière pour vérifier si son doute était fondé. La porte suivit son mouvement de recul et s’ouvrit lentement. Il faisait sombre mais la luminosité du salon lui permettait de voir ce qui se trouvait derrière. Trop excité à l’idée de partir à l’aventure, l’enfant s’engagea dans un long couloir, sans mesurer les risques et le danger qui planaient au-dessus de lui.

En avançant petit à petit dans le couloir, il remarqua qu’un ascenseur se trouvait à sa gauche et qu’un escalier se situait tout au bout du chemin. Seulement, à partir de là, il faisait trop sombre pour y voir quelque chose. Il se retourna vivement car un bruit l’avait alerté. La porte d’entrée venait de se refermer mais elle ne semblait pas bloquée pour autant. Il avança encore un peu lorsque la lumière revint instantanément éclairer le couloir en partie ce qui le fit sursauter et le même clic de fermeture de la porte vint éveiller son inquiétude. Fide rebroussa chemin et essaya d’ouvrir la porte en vain. Il tira, poussa, appuya sur les boutons mais rien n’y fit, il était coincé dehors et décida de partir à la recherche de son père après avoir tenté d’appeler sa mère sans succès.

Fide monta lentement les marches de l’escalier, peu assuré. Il savait qu’il se ferait réprimander pour avoir désobéit à ses parents donc il décida que le mieux était de trouver son père le plus vite possible et il accéléra sa marche.

« Papa, tu es là ? » appela-t-il d’une voix tremblante, après avoir entendu un bruit qui sortait de l’ordinaire.

Un daemon de type gobelin, un Alberich, se formait dans les ténèbres juste derrière lui et sortait du sol.

o-o-o-o

Ardyn avait relancé l’alimentation de la forteresse après avoir changé les câbles endommagés par les daemons. Il s’engagea sur le chemin du retour en prenant soin d’éliminer les créatures qui s’étaient manifestées dans l’obscurité et en tournant à l’intersection le menant droit vers ses appartements, il écarquilla les yeux de stupeur en apercevant son fils à l’autre bout de la pièce. Une peur démentielle l’envahit lorsqu’il vit le monstre apparaître dans son dos et il effectua une éclipse tactique pour le rejoindre et le protéger. A la vue de son père, le visage angoissé de Fide laissa la place à une mine rassurée et il commença à courir dans sa direction mais un cri strident le fit se retourner et il poussa un cri de terreur en voyant le daemon s’élancer sur lui, toutes griffes dehors. Se rappelant des leçons qu’il avait apprises, l’enfant réussit à éviter l’attaque perforante, mortelle, du gobelin mais prit un coup de tête au visage qui le propulsa dans les airs sous la violence de l’assaut.

« FIDE !! » s’écria l’homme aux cheveux violets qui le rattrapa au vol avant qu’il ne s’écrase contre un pilier.  

Le temps qu’il ne tire des vagues d’énergie pour tuer la créature, cette dernière avait eu tout le loisir d’attaquer son fils et c’est le regard anxieux qu’il vérifia s’il était sain et sauf. Il saignait du nez et de la bouche mais il était en vie et Ardyn soupira de soulagement.  

L’ancien Chancelier déposa son garçon à terre, à l’abri de l’obscurité. Mi-Hann qui n’avait pas pu sortir à cause de la sécurité frappait la porte de l’autre côté en pleurant de désespoir. Entendre sa femme dans cet état de détresse plongea l’homme dans un profond tourment. Il activa la porte du logement et fusilla son fils du regard de son expression la plus dure. La mère de famille se jeta au cou de son enfant, apaisée de le savoir en vie.

« Nous t’avions interdit de sortir, qu’est-ce qui t’a pris d’agir aussi inconsciemment ?! » cria Ardyn dont la panique avait laissé la place à l’emportement. « Tu aurais pu te faire tuer ! »

Son père n’avait jamais élevé la voix, jamais. Son expression était passée de l’inquiétude à la colère en quelques secondes alors qu’il le grondait. Il avait cru le perdre à jamais et ses mains tremblaient sous l’émotion incontrôlable.

« P-pardon papa. J-je voulais venir avec toi et je… » s’excusa l’enfant avec sincérité, encore sous le choc de ce qui venait de se passer.

« Oublie cette stupide idée sur le champ ! » le coupa froidement l’ancien Chancelier.

Ses craintes transformaient ses mots en armes acérées afin de lui faire passer l’envie de renouveler son acte inconsidéré.

« J’en avais assez de ne pouvoir observer l’extérieur que de derrière une vitre. Je n’ai rien fait de mal ! »

Ardyn serra les poings, submergé par des sentiments contradictoires.

« Ce n’est pas un endroit pour un pleurnichard ! Que crois-tu pouvoir accomplir dans ton état ?»

Blessé, Fide voulut rétorquer mais les mots moururent dans sa gorge. Les larmes commençaient à mouiller ses yeux et il s’efforçait de se retenir ne voulant pas donner raison à son père. Pourquoi ne comprenait-il pas ? Tout ce qu’il voulait, c’était l’accompagner, être avec lui, partager sa compagnie, se confier à lui. Sa frustration s’exprima à la place de sa raison et il explosa :

« Je déteste ce monde ! Je déteste ces monstres ! Je déteste cette nuit ! Je te déteste ! » cria-t-il avant de s’enfuir dans l’appartement en courant, se dégageant de l’étreinte de sa mère.

« C’est ma faute…c’est ma faute… » répétait inlassablement cette dernière en sanglotant.

Ardyn se baissa et l’enlaça pour la réconforter.

« Tu n’y es pour rien, il y a eu un dysfonctionnement dans le système de sécurité et il en a profité pour sortir. » justifia l’ancien Chancelier impérial. « Ne restons pas ici, viens ma chérie. »

Ils rentrèrent dans leur refuge, secoués par la tragédie qui aurait pu leur arracher leur petit garçon et les aurait plongé dans un deuil insurmontable.

Fide n’avait pas quitté sa chambre. Boudant dans son lit, il refusa même de manger et finit par s’endormir d’épuisement.

Ardyn était assis au bord du lit et semblait réfléchir intensément. Inquiète, Mi-Hann approcha doucement sa main et la posa sur son épaule.

« Mon amour, tu n’as rien dit depuis toute à l’heure. Tout va bien ? »

Il tourna la tête dans sa direction et son attention se porta sur le pendentif qu’elle portait autour du cou.

« Tu ne l’as jamais quitté depuis… »

La jolie brune prit la pierre entre ses doigts exprimant à quel point elle y tenait.

« C’était ton second présent. »

« Le second ? » demanda l’homme aux yeux ambrés qui ne voyait pas à quoi correspondait le premier.

« Oui. » acquiesça-t-elle doucement. « Le premier étant la liberté. »

Elle n’avait pas changé. Elle arrivait encore à le surprendre par ses attitudes particulières. Parler de liberté alors qu’il l’avait enlevée à l’origine, c’était tout elle et il esquissa un demi-sourire amusé. Il embrassa ses lèvres et posa son front contre le sien, l’expression sérieuse.

« Mi-Hann, je… »

Des larmes coulèrent le long des joues de sa compagne.

« Tu vas le faire, n’est-ce pas ? » s’enquerra-t-elle en contenant sa peine avec difficulté.

« Il le faut…Nous avons eu de la chance. La prochaine fois pourrait… »

« Si je l’avais mieux surveillé, ce ne serait pas arrivé…J-je…je redoublerai de vigilance, je ferai attention alors… »

L’homme aux yeux ambrés l’embrassa de nouveau, avec plus de fougue cette fois-ci et la bascula sur le matelas. Il ne voulait pas qu’elle culpabilise pour une chose qui n’était pas de son fait. C’était lui l’origine de tout ça même s’il n’avait à aucun moment demandé à ce que cela lui arrive. Il s’était réfugié dans l’illusion ces dernières années mais que cette illusion avait été agréable !

« Empêche-le de me suivre, c’est tout ce que je te demande… »

« Ardyn, je t’aime tellement, je ne pourrais pas supporter de te perdre… »

Il caressa tendrement son visage, qu’elle était belle.

« Je sais que tu feras ce qu’il faut pour notre fils. »

Il s’imprégna de son corps une grande partie de la nuit ne semblant jamais être rassasié d’elle, la désirant comme au premier jour et ayant du mal à accepter qu’il s’agissait du dernier. 

o-o-o-o

Lorsque Fide fut réveillé par sa mère, il ne comprit pas ce qu’il se passait. Il était toujours fâché après son père mais le surveillait discrètement pour essayer de croiser son regard mais Ardyn ne posa pas les yeux sur lui. Mi-Hann lui demanda de se préparer rapidement et l’enfant remarqua que les yeux de cette dernière étaient rouges et qu’elle avait l’air fatiguée. Une fois lavé et habillé, elle lui prit la main et ils quittèrent l’appartement sans un mot. Le petit garçon n’osa pas parler car l’atmosphère était tellement tendue qu’il se sentait trop mal à l’aise pour s’exprimer. Ils embarquèrent dans un appareil qu’il avait déjà vu dans les livres de son père. Dans ses souvenirs, il prenait le nom de vaisseau magitek et pouvait se déplacer dans les cieux. Fide se réjouit intérieurement à l’idée de voler dans le ciel et fut impatient de décoller.

« Maman, on va où ? » demanda-t-il, curieux.

« À Insomnia, dans le palais des Lucis Caelum. »

« Lucis Caelum, comme le nom de papa ? On va habiter dans son château ? » questionna de nouveau l’enfant qui connaissait ce nom de famille puisqu’il portait le même, en plus de celui de sa mère.

Il sentit la main de sa mère trembler dans la sienne puis la serrer un peu plus.

« Ecoute-moi bien mon chéri, c’est très important, d’accord ? »

« Oui. »

Elle l’installa sur une couchette du vaisseau et prit doucement ses mains dans les siennes.

« Nous allons rester un petit moment dans une des chambres du palais. Papa a quelque chose de très important à faire, il ne pourra pas être là avec nous. Des gens viendront ensuite nous rendre visite et tu ne devras pas leur donner ton vrai nom, tu as bien compris ? »

« Pourquoi ? Je l’aime mon nom moi. »

« Fide, je t’en prie. Vois ça comme un jeu, d’accord ? Le but de ce jeu est de cacher ton nom le plus longtemps possible à ces personnes. »

« Mais si ils me demandent comment je m’appelle, je leur dis quoi ? »

« Grants, comme ton grand père. »

Le petit garçon baissa la tête et acquiesça au bout de quelques secondes.

Le vaisseau parvint au royaume du Lucis et Ardyn le posa dans la cour afin de faciliter l’entrée du château à sa famille. Il le déplacerait ailleurs un peu plus tard.

« Ne sortez sous aucun prétexte, je viendrai vous chercher. » somma-t-il d’un ton très sérieux.

Son père s’exprimait rarement de cette façon. Que se passait-il ?

L’ancien Chancelier dégagea la route des daemons qui y pullulaient. Le palais était désert, les petits amis de Noctis devaient attendre leur monarque ailleurs et s’être réfugiés à un autre endroit. Cela l’arrangeait, il serait tranquille pour préparer l’accueil qu’il réservait à l’élu de la lumière. L’homme aux cheveux violets alla chercher sa famille et la guida au sein du château.

« Ici, vous serez en sécurité. » dit-il en les invitant à entrer dans une chambre de surface moyenne.

Fide vit ses parents se regarder longuement, l’amour et la tristesse étaient mêlés dans leurs yeux et l’enfant commença à se sentir mal à l’aise. Il se tramait quelque chose qui le rendait agité et nerveux. Pourquoi son père faisait-il allusion à leur sécurité ? Allait-il partir patrouiller comme à son habitude ? Cependant, lorsqu’il entendit son géniteur murmurer « Prends soin de lui » à sa mère, un pressentiment l’assaillit et il comprit que son père comptait les quitter.

Fide se jeta dans ses bras et entoura sa taille pour l’empêcher de s’en aller. Il aurait dû faire ça plus souvent. Pourquoi s’en était-il empêché ? Son père ne l’aurait jamais repoussé. Il se sentait tellement stupide en cet instant.

  

« Non papa, je te promets que je ne sortirai plus ! Je serai sage, je t’écouterai pour tout alors reste avec maman et moi ! Me laisse pas ! » pleurait l’enfant, suffoquant presque tant la tristesse lui serrait la gorge.

La gorge noué et le cœur battant devant la déclaration de son fils, Ardyn se baissa à sa hauteur et essuya les larmes qui roulaient sur les joues de son petit garçon avec sa main.

« Te souviens-tu de ce que tu m’as demandé il y a quelques temps ? » lui demanda-t-il avec douceur.

« … »

« Tu m’as demandé si le soleil était de la même couleur que mes yeux. Tu t’en rappelles ? »

« …O-oui… »

« Le soleil possède des nuances incomparables. C’est si éblouissant qu’on ne peut pas l’observer trop longtemps sans se protéger la vue. Il représente ce qui a permis et permet la vie sur Eos. Mon souhait le plus cher est que tu puisses le voir de tes propres yeux, Fide.

« Je veux le voir avec maman et toi. S’il te plaît, papa… »

L’homme aux cheveux violets sentait comme des milliers d’épines lui transpercer le cœur.

« Ce n’est pas possible. »

Il caressa affectueusement la tête de son jeune garçon comme s’il tentait de le convaincre par ce seul geste.

« Fide, tu vas devoir être fort. Maman aura besoin de toi, tu comprends ? »

« Non, non ! Je veux pas ! Non ! »

Il s’agrippait désespérément à sa veste, espérant le retenir par la seule force de ses bras d’enfant, fins et frêles.

Ardyn le rapprocha de lui, le serrant dans ses bras pour la première et dernière fois. Son fils, son sang, sa raison d’être, son trésor le plus précieux.

« Si tu savais combien je t’aime, mon fils ! Je t’aime, je t’aime tant ! »

Paralysé par l’aveu prononcé par son père, Fide lâcha les vêtements de ce dernier, lui permettant de s’éloigner. L’homme aux cheveux violets posa les yeux sur la femme qu’il aimait d’un amour infini et elle comprit instantanément ce qu’il attendait d’elle en croisant son regard empreint de douleur. Elle enlaça son fils dans ses bras, les larmes lui obstruant en partie la vue, dévastée à l’idée d’être séparée de l’amour de sa vie. Fide réalisa alors qu’il ne se trouvait plus dans les bras qu’il avait tant recherché et comprit qu’il voyait son père pour la dernière fois.

« PAPAAAA !!! » hurla-t-il en se débattant. « Ne pars pas !! Papa ! » cria-t-il désespéré. « Maman, lâche-moi ! »

Mi-Hann resserra son étreinte, partageant la souffrance de son petit garçon. Ardyn leur tourna le dos, la gorge nouée et les poings si serrés qu’il sentit ses ongles s’enfoncer dans sa peau. Il fallait qu’il parte, qu’il s’en aille avant de perdre toute volonté. Il songea à l’ironie de la situation. Il avait souhaité mourir à de nombreuses reprises en deux mille ans d’existence et ces dix petites années étaient prêtes à tout remettre en cause. Que les sentiments pouvaient rendre les humains irrationnels ! Il aurait tout donné pour continuer à vivre dans cette irrationnalité mais l’aveuglement ne lui était plus permis. Il ne partirait pas avec sa solitude cette fois. Ardyn tourna la tête vers sa femme et son fils qui lui exprimaient leur infinie tristesse et leur amour inconditionnel et sourit. Oui, il partirait avec le sourire. L’aube se lèverait de nouveau sur le monde, purgeant le mal qui rongeait la planète depuis si longtemps.

« Merci pour ces années de bonheur…Vis mon amour...Vis, mon fils ! »

Ardyn s’éloigna sans se retourner et sans attendre de réponse. La voix de son fils sanglotant et le suppliant déchira le silence glacial des lieux.

« Noctis, je t’attends. Je suis prêt… »

o-o-o-o

Gladiolus, Ignis et Prompto se réveillèrent dans la salle du trône, engourdis par l’attaque qui les avait endormi. Des rayons traversèrent peu à peu les larges vitraux du palais, le soleil se levait de nouveau sur Eos.

« C’est fini… » déclara Ignis, attristé, car il savait ce que cela signifiait pour Noctis.

« Alors Noctis, il est… » bafouilla Prompto, sous l’émotion.

« Oui. Il est allé jusqu’au bout… » répondit le grand brun.

Le blond aux yeux bleus se mit debout avec agilité et marcha dans la grande salle du trône pour se dégourdir les jambes.

« Les gars, allons vérifier si tout est clean dans le palais. » lança le Bouclier du Roi.

« Oui, on est jamais trop prudent. » confirma l’homme à lunettes.

Ils firent le tour des pièces, ouvrant chaque porte et détaillant chaque recoin jusqu’à ce qu’ils tombent sur une femme tenant un enfant dans ses bras dans un coin d’une des chambres royales.

« Qu’est-ce qu’ils font là ? » interrogea Gladiolus, intrigué.

Peu méfiant, Prompto s’approcha de Mi-Hann et lui parla avec gentillesse. La jolie brune fut frappée par sa ressemblance avec l’homme qu’elle avait vu dans un de ses rêves, l’homme nommé Verstael mais elle s’abstint de lui en parler.

« Salut ! » salua le blond en s’adressant au petit garçon. « Comment tu t’appelles mon grand ? »

La personne qui lui parlait avait une coupe bizarre mais il avait l’air gentil.

« Fide. » répondit-il timidement.

Il n’avait jamais parlé à personne d’autre que ses parents et se sentait de ce fait tout intimidité. Le plus grand des trois, un homme musclé et bourru, le fixa intensément, perturbé par un détail le concernant.

« Hé, les gars. Vous trouvez pas qu’il ressemble un peu à… »

« À Noctis au même âge ? Oui, la ressemblance est légère mais visible. » le coupa Ignis, tout aussi stupéfait que lui puis il porta son attention sur la femme brune qui enlaçait toujours son fils comme pour le protéger. « Comment avez-vous atterri ici ? »

Mi-Hann tourna la tête, refusant de répondre à cette question.

« Je veux seulement sortir d’ici pour m’occuper de mon fils. Il n’a pas mangé depuis un moment. »

L’homme qui avait l’habitude de nourrir tout le groupe sortit un emballage de sa sacoche et le tendit à l’enfant.

« Tiens petit, ça devrait te remplir un peu le ventre. »

« Merci, monsieur. »

« Ignis. » corrigea-t-il.

Le visage de l’enfant le perturbait sans qu’il ne comprenne pourquoi. Déjà, ses yeux vairons avaient quelque chose de dérangeant, surtout le droit qui avait une couleur familière. Il balaya cette pensée, non, c’était impossible.

« Vous avez l’air épuisée madame. » interpella poliment Prompto. « Vous voulez sortir prendre l’air ? »

Mi-Hann se leva et prit la main de son fils.

« Est-ce sûr dehors ? »

« Ouais. » affirma Gladiolus qui regardait par la fenêtre. « Y’a plus une trace des daemons, vous pouvez y aller sans risque. »

« Je vois… »

Elle s’inclina respectueusement et s’apprêtait à quitter la chambre lorsqu’Ignis l’interrompit, ne parvenant pas à détacher son regard du petit garçon.

« Attendez. » lança-t-il. « Qui est son père ? » demanda-t-il, suspicieux.

Elle le regarda droit dans les yeux.

« Un homme tué par un monstre il y a longtemps. Je ne tiens pas à me remémorer des souvenirs douloureux. » répondit-elle. « Si vous voulez bien m’excuser, j’ai une longue route à faire. »

Gladiolus haussa les épaules.

« Bah, laisse-les ! » s’exclama-t-il. « Il faut que j’aille retrouver Iris. Je vous contacterai plus tard. Ciao. » 

Mi-Hann quitta les trois hommes, le visage fermé et talonnée par son fils.

« Maman, on va où ? »

« Nous sortons d’ici. » chuchota-t-elle. « Ce n’est plus un endroit sûr. »

Ils quittèrent le palais et arrivé à l’extérieur, Fide fut ébloui par les rayons chauds du soleil qui caressaient son visage et il se rappela instantanément les mots de son père. Le ciel prenait une teinte mêlée de rose et d’orange alors que le soleil qui venait de se lever, avait une couleur d’un jaune prononcé. L’enfant resta bouche bée devant ce spectacle magnifique et l’atmosphère le plongea dans une profonde mélancolie. Lui qui avait tant voulu voir l’extérieur se trouvait à présent presque désintéressé tant son père lui manquait atrocement.

 

  

Mais Fide ne pleura pas car il savait que quoiqu’il se soit passé, ce dernier était derrière ce qui avait été rendu possible. Il marcha longtemps aux côtés de sa mère jusqu’à une cabane abandonnée où il passèrent la nuit et il entendit les sanglots étouffés de sa maman qui tentait de les dissimuler. Les jours suivants, ils gagnèrent une station où des survivants s’étaient regroupés et essayaient de reprendre une vie qui s’était figée durant la longue nuit. Mi-Hann travailla beaucoup avec les autres habitants afin de reconstruire ce qui avait été détruit, de cultiver la terre et de réapprovisionner la zone en ressources. Le climat étant perturbé, les saisons de soleil et de pluie se succédaient ce qui leur permettait de stocker l’eau dans des cuves. La végétation revint peu à peu et la station finit par se transformer en hameau paisible.

o-o-o-o

15 ans plus tard, Graléa.

« Maman ! Elle est arrivée ! »

Des bruits de chaussures courant sur un parquet retentirent et une porte d’ouvrit sur une adolescente d’environ quatorze ans qui brandissait une lettre dans sa main droite. Le regard espiègle, deux beaux yeux vairons, le droit vert, le gauche ambré, fixaient la personne à qui elle apportait le courrier. Elle avait des cheveux violets mi-longs, portés en arrière, une frange qui lui passait entre les yeux et dessinait la courbe de son nez ainsi qu’une longue mèche sur le côté droit qui longeait la forme de son visage. Son style, sauvage et presque masculin, dénotait avec l’apparente douceur de ses traits féminins.

 

« Ah, des nouvelles de Fide. Merci, ma chérie. » remercia la mère de l’enfant, une femme âgée d’une cinquantaine d’années.

« Je ne comprends pas pourquoi il refuse d’utiliser son portable. C’est quand même plus pratique et rapide pour échanger ! » râla la jeune fille. « Je vais lui envoyer un message pour me plaindre. »

 « Tu sais comment est ton frère, ma puce. Il préfère écrire sur du papier que sur un écran digital. »

« Il n’aime pas trop la technologie, c’est vrai ! Mais quand même, au moins, j’aurais de ses nouvelles un peu plus souvent ! »

Mi-Hann sourit et prit la lettre entre ses mains qu’elle s’empressa d’ouvrir.

« Je pourrais la lire après l’école ? »

« Bien-sûr ! »

« Je file, je vais être en retard ! À toute à l’heure maman ! »

La jolie adolescente s’éclipsa, ne tenant pas en place. Elle était bourrée d’énergie et dynamique depuis sa plus tendre enfance.

« Ne cours pas dans les escaliers, tu vas tomber Izunia ! »

Elle entendit un « oui, oui » étouffé puis plus rien et le silence se fit dans la maison. Mi-Hann porta alors toute son attention sur la lettre de son fils.

Maman,

J’espère que tu te portes bien et que tu n’en fais pas trop maman. De mon côté, tout se passe pour le mieux. Le monde est si vaste et il y a tant à voir ! Altissia qui était une cité en ruines se relève petit à petit de son passé. Par deux fois, elle a été presque intégralement détruite et là voici, plus fière que jamais, prête à entamer de nouveaux défis. Tant qu’il y a de l’espoir, tout est possible.

J’ai tenu la promesse que je t’avais faite. J’ai passé et réussi l’examen d’entrée au ministère de Graléa. Je ferai donc officiellement partie du gouvernement de l’ancienne Niflheim dès l‘âge de trente ans. D’après les remarques de mes futurs confrères, je suis le plus jeune diplômé du pays et ils pensent que je serai à même d’apporter le changement dont ce pays a tant besoin. Je ferai mon possible pour atteindre la plus haute marche accessible et faire bouger les choses. Mon objectif est d’apporter la paix et l’unité à un royaume en perdition.

Pour l’heure, je réalise mon second rêve durant ces six années à venir. Je poursuis mon voyage autour d’Eos et je me renseigne sur les us et coutumes des pays voisins. Nous sommes tous sur un pied d’égalité car nous avons tous dû nous relever après la fin du fléau. J’espère que nous pourrons marcher main dans la main dans la même direction. Peut-être est-ce utopique mais je mettrai tous mes efforts dans l’accomplissement de ce but.

Prends soin de toi maman, je te donnerai d’autres nouvelles très bientôt.
PS : Embrasse Izunia pour moi. Je lui ai glissé un petit quelque chose dans l’enveloppe.

Fide.

De l’enveloppe, Mi-Hann en sortit un ras de cou affublé d’une jolie broche sur lequel était incrustée une très belle pierre bleue. Son fils adorait sa petite sœur et la gâtait dès qu’il le pouvait. La mère de famille ferma les yeux et serra la lettre contre son cœur.

« Mon amour, j’espère que tu nous vois vivre de là où tu es… »

o-o-o-o

Un Chocobo noir filait comme le vent, transportant son cavalier vers sa destination, une destination libre de toute contrainte qui s’appelait « aventure ». Le volatile grimpa avec agilité sur une colline haute et fut arrêté par son maître. Ce dernier en descendit et admira le paysage qui s’offrait devant ses yeux. Le disque de Cauthess autrefois désert et dépourvu de toute vie végétale, montrait à présent ses plus beaux atours. Une forêt à perte de vue, pleine de vie et animée par le chant des oiseaux volant librement dans le ciel bleu, une étendue d’eau qui la longeait et de charmantes maisons isolées disséminées ça-et-là, s’exposait à la vue du jeune homme.    

Le Chocobo s’approcha et frotta sa tête contre la joue de l’homme aux cheveux noirs portés en une queue de cheval stylisée. Ses lèvres s’étirèrent en un demi-sourire amusé et il caressa le volatile tout en continuant d’admirer le paysage.

« Regarde-moi papa…Je vivrai, pour moi, pour toi, pour nous… »